Chapitre 3 (1/3)

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Nix

Je plongeai mes mains dans les poches de mon pantalon pour m'empêcher de vérifier par moi-même si ses joues étaient aussi brûlantes qu'elles en avaient l'air sous leur couleur cramoisie. Ses tâches de rousseur disparaissaient presque sous la teinte.

Un bruit de gorge satisfait résonna entre le petit groupe que nous formions et, un peu déconcerté, je me rendis compte qu'il venait de moi. 

Pour la première fois, je croisai son regard.

Enfin non, je me disais des conneries, ce n'était pas la première fois – pas vraiment.

Lors de cette fameuse nuit d'observation, elle avait regardé une fois dans ma direction, levant les yeux vers mon bureau, plongeant droit ses prunelles dans les miennes. Bien sûr, avec la vitre teintée, elle n'avait pas pu me voir, mais j'en avais quand même reculé d'un foutu pas. Ç'avait été comme recevoir un coup au plexus. Toute ma vie, je me demanderai si j'avais reculé par peur qu'elle me voit la reluquer ou si c'était à cause de l'intensité de son regard, comme si elle savait que j'étais là à la surveiller.

Sans doute un peu des deux.

Ses yeux, encadrés par une paire de lunettes qui la faisait passer pour une intello, étaient d'un vert saisissant. Une seconde plus tard, elle regardait déjà ailleurs. Comme si observer ses chaussures pouvait être intéressant au point d'en occulter le reste.

J'inspirai brutalement en avisant ses lèvres pleines, rosées à force d'être mordillées. Une vision de celles-ci autour de mon sexe me fit crisper les poings dans mes poches, écorchant mes phalanges déjà à vif contre le tissu rêche. Putain. J'étais persuadé que ce serait autre chose que celles de Hoover. Foutrement différent. Foutrement mieux.

La couleur de ses cheveux, d'un rose pâle qui se mariait bien avec la teinte tout aussi claire de sa peau, lui allait plutôt bien. J'aurais parié ma bécane que cette excentricité était un coup de ma sœur.

— Nix ? m'appela Drink avec un regard appuyé.

Je me forçai à river mes yeux à ceux de ma sœur.

— Ouais ? parvins-je à dire.

— Comme tu n'as pas l'air très enclin à te présenter – sans même parler de souhaiter la bienvenue à ma meilleure amie –, je vais le faire pour toi. (Du plat de la main, elle fit un aller-retour de Pearl à moi, puis de moi à elle.) Pearl, je te présente mon grand frère, Nix. Tu peux voir qu'il est content de te voir, railla-t-elle en mimant une moue grognon, et je fus soulagé qu'elle ne remarque pas mon érection. Il est beau, hein ?

La pauvre ne savait plus où se mettre. Lorsque Drink était lancée, il était compliqué – pour ne pas dire impossible – de l'arrêter. En générale, elle s'arrêtait toute seule, avec le temps, probablement épuisée d'elle-même.

— Hum, hum, consentit Pearl en esquissant le sourire crispé que j'avais déjà vu, quand elle refusait les avances des connards de Tears qui essayaient de l'aborder.

Sans même paraître attendre la réponse de Pearl, Drink enchaîna :

— Nix, voici Pearl.

— Je sais, répondis-je. J'avais compris.

— Bon, ce n'est pas qu'on s'ennuie avec toi, mais c'est qu'on bosse ce soir ! s'exclama ma sœur dans un sursaut d'énergie.

Moi aussi. J'avais même un cas de la plus haute urgence qui m'attendait au sous-sol. Scar devait avoir préparé ses lames depuis le temps. Il devait même probablement tourner comme un lion en cage, les doigts serrant spasmodiquement le manche de ses couteaux, pressé de pouvoir enfin libérer son penchant tordu. Cependant, je n'allais pas le leur dire. Je ne savais pas comment Pearl prendrait le fait que j'avais l'intention d'envoyer à nos rivaux une main coupée, et placée dans une jolie boîte colorée, fermée avec un ruban en soie. Pas que son avis compte pour quelque chose, non.

Mais il y avait de grandes chances pour qu'elle ne le prenne pas très bien. Et après, elle ne voudrait plus remettre un pied ici. Or, je voulais réussir à savoir pourquoi elle se pointait ici, alors qu'elle n'était pas de ce monde. Quelles étaient ses motivations ? Je voulais savoir, merde.

Et, au passage, entre deux infos qu'elle me donnerait, j'aimerai plus que tout m'enfoncer profondément en elle.

Je savais que ce n'était pas une bonne idée. Pas parce que je n'avais jamais réussi à garder la même femme plus d'une semaine – elles finissaient toujours par me faire chier et je ne parvenais même plus à rester dans la même pièce qu'elles sans avoir envie de casser quelque chose – mais bien parce que si je baisais cette fille, Drink allait m'en vouloir à mort.

Après une folle nuit, Pearl allait s'enticher, comme toutes les autres, j'allais briser son petit cœur et elle irait pleurer dans les jupons de sa copine, à savoir ma sœur. Et une Drink en colère valait presque tout un club de bikers enragés à elle seule. Presque.

Je ne voulais pas être de nouveau en conflit avec elle. La seule et unique fois où nos avis avaient violemment divergés ne devait pas se reproduire. Nous en étions ressortis avec des blessures internes d'un côté comme de l'autre, pour au final une histoire qui n'en valait pas la peine. Des blessures inutiles.

Drink et moi étions une équipe depuis toujours, et rien ne devait venir perturber cela.

Quand celle-ci fit un petit saut pour me claquer un baiser sur la joue, elle lança un « Travaillez bien, mais pas trop ! » à la cantonade. Puis elle attrapa la main de Pearl et elles s'éloignèrent.

Malgré le claquement des talons de Drink sur le sol, j'avais entendu très nettement le minuscule « bonsoir, Nix » que Pearl m'avait chuchoté, quand elle avait eu le courage de lever les yeux de ses godasses pour croiser mon regard.

Sa voix était grave, rauque. Son timbre aurait aisément pu lui faire décrocher une audition pour un téléphone rose. Ma queue s'était dressée dès qu'elle avait ouvert la bouche, et j'avais été obligé de prendre une brève inspiration quand mon nom avait franchi la barrière de ses lèvres pulpeuses.

Cette fille était aux antipodes de ce que je consommais habituellement. Et c'est pour cela que ça ne pouvait pas fonctionner.

Je regardai le léger balancement de sa jupe jusqu'à ce qu'elle disparaisse. Quand je me retournai pour faire face à Stark et Butch, qui m'attendaient un peu plus loin dans le hall, ils me regardaient étrangement, les sourcils froncés, le regard songeur.

— Quoi ? crachai-je d'un ton plus hargneux que je ne le souhaitais.

— Rien, rien, répondirent-ils à l'unisson, d'un ton tout aussi étrange.

Me forçant à ne pas regarder en arrière, je pris la tête des Tears pour descendre les escaliers. Le frottement douloureux de mon boxer contre mon sexe dur ne m'aida en rien à me faire sortir Pearl de l'esprit.

Drink aurait dit : tu es dans la crotte jusqu'au cou, mon pauvre petit !

Moi j'aurais plutôt formulé ça autrement. Un truc comme...

Putain, je suis dans une grosse merde, une merde monumentale.

The Devil's Tears MC - Nix (sous contrat d'édition)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant