Nix
Je n'avais pas la tête à ça.
Putain.
Je n'avais pas. La tête. À. Ça. Même en tournant la phrase dans tous les sens, c'était toujours aussi délirant. Comment pouvait-on ne pas avoir envie de ça ? Est-ce que c'était même possible ?
C'était tellement rare – et tellement con pour moi – qu'il fallait le souligner.
J'étais dans mon bureau, digne de celui des plus grands présidents de tous les temps, et une brebis s'activait avec entrain à mes pieds. Pourtant, je ne parvenais pas à ne pas penser. Le bordel dans ma tête refusait de disjoncter. Et ça, ça me faisait royalement chier. Le poids des responsabilités que j'avais sur les épaules refusait de s'envoler, même le temps d'une pipe.
À la tête des Devil's Tears, le club de motards « 1% » le plus prospère de tout le Texas, je gérais plutôt bien ce chapitre mère. Basé à Austin, le deuxième état le plus peuplé d'Amérique, tout allait pour le mieux dans les affaires : les clients affluaient toujours plus, les établissements qui appartenaient au club rapportaient un bon pactole grâce à leur réputation... Chaque gars reversait une coquette somme au club ; c'était ce qui était attendu d'eux donc ils ne s'en plaignaient pas. Pas trop. Ou pas devant moi en tout cas. Ils savaient qu'un motard qui ne rapportait pas de billet était un motard mort.
À partir du moment où ça ne touchait pas aux affaires, je n'étais pas un chef trop exigeant ; les Tears pouvaient se loger, bouffer, boire, baiser, s'amuser et faire ce que bon leur semblait au sein du club, sans qu'on s'en mêle. Prévenant, j'avais même faire mettre à disposition des capotes un peu partout dans la barraque. Histoire d'éviter les accidents de parcours.
Ces putains d'affaires marchaient bien, on avait de la tune plein les poches, les brebis se pliaient en quatre – littéralement – pour nous faire plaisir, aucune bécane n'était en rade... Tout allait pour le mieux, en réalité.
Alors qu'est-ce qui merdait dans ma tête, pour que je n'arrive pas à me détendre ?
Mon bureau en nid-de-pie surplombait les pièces inférieures et, depuis l'installation des parois teintées l'été dernier, il permettait de regarder en toute discrétion ce qu'il se passait en bas. C'était un bon truc pour surveiller incognito.
Je regardai en contrebas, vers la salle où les gars vaquaient à leur débauche habituelle. La vue aurait dû me faire quelque chose, elle en aurait excité plus d'un...
... mais non. Je serrai les poings, griffant au passage le cuir brun du canapé.
Scar était assis au bar, juché sur un tabouret, et regardait d'un air assassin la brebis qui essayait visiblement de lui faire des avances indécentes, comme si frotter ses énormes seins siliconés contre le visage du sergent d'armes pouvait servir à quelque chose. L'aura glaciale de noirceur et de méfiance qui l'entourait continuellement était visible depuis ma place. Bien évidemment, elle n'était pas visible en soi, mais il suffisait de détailler Scar pour se l'imaginer. À elle seule, cette atmosphère criait l'avertissement à quiconque s'approchant un peu trop près de lui. Soit la brebis était conne, soit elle était aveugle, mais quoi qu'il en soit ça ne devait pas tourner bien rond dans sa tête, pour qu'elle ose s'approcher de Scar.
Je vis justement les lèvres du Tears s'ouvrir en un rictus mauvais, et, un mot acerbe plus tard, la fille déguerpit, un air profondément choqué sur la face. Il en fallait, pour choquer une brebis.
Dans un autre coin, affalé sur un canapé défoncé, la jambe de Sting était visible. Seulement sa jambe, au singulier, car il avait perdu l'autre dans un accident il y a quelques années. Le métal de sa prothèse brillait au niveau de la cheville. Quant au haut de son corps, il était caché par la brebis qui rebondissait frénétiquement au-dessus de lui, la tête rejetée en arrière. J'étais certain qu'il s'agissait de Sting, car il n'y avait que lui qui baisait sans aucune pudeur – ou du moins à ce point, car il n'y avait pas vraiment de pudeur au sein des Devil's Tears.
Quand la fille se retrouva avec la tête dans le cou de Sting – et j'avais raison, c'était bien Sting, maintenant que je pouvais le voir clairement –, je vis qu'il lui parlait, pas le moins du monde essoufflé. D'expérience, je savais qu'il était en train de lui dire des choses salaces, que toute la salle pouvait aisément entendre, puisqu'il ne s'embarrassait pas de chuchotements lors de ces moments.
Un bruit de succion se répercuta entre les parois de verre, et je baissai les yeux sur Hoover.
J'aurais pu dire que j'avais presque oublié qu'elle était là, mais ce serait des conneries. On ne pouvait pas négliger sa présence. Il suffisait qu'elle entre dans une pièce pour que les regards convergent dans sa direction, pour son plus grand plaisir.
Son parfum bon marché brûlait les narines, c'était incroyablement désagréable.
Mais comme ce détail pesait peu dans la balance, comparé à ses autres atouts, on essayait tous d'en faire abstraction, avec les gars.
Le regard toujours baissé dans sa direction, je détaillai son visage. Elle avait de belles lèvres, mais elles étaient trop maquillées. Quand elle recula la tête, pour laisser mon gland reposer contre ses lèvres, je me retins de grimacer. Elle m'a foutu du rouge à lèvre de pute sur la queue. En gémissant inutilement, elle leva les yeux dans ma direction tout en insérant la langue dans le méat, et je me dis qu'elle avait de beaux yeux aussi. Par contre, ses cils ressemblaient à des pattes d'araignées velues, et, ça, c'était dégueulasse.
Putain ! me rebiffai-je intérieurement, effaré. Mais qu'est-ce que je fous ?
J'étais en train de me faire presque bouffer le sexe par la championne en titre du club, et j'étais simplement là, à me dire que ça ne marchait pas. Oh, je bandais, ce n'était pas le problème. Juste... que je n'avais pas envie ? Mais pourquoi mon sang avait irrigué ma queue alors ? Je secouai la tête, et resserrai mon poing dans les cheveux noirs et lisses de Hoover.
Je fronçai aussitôt les sourcils. Il y avait des morceaux de plastique contre son crâne, qui... – je regardai de plus près – étaient reliés à des faux cheveux ?!
Je relâchai ma poigne, dégoûté. Je m'étais toujours demandé comment cette brebis pouvait avoir les cheveux jusqu'au cul, toujours de plus en plus longs, alors qu'elle allait toutes les semaines chez le coiffeur. Maintenant j'avais la réponse. Cependant, est-ce que...
Putain de merde ! Mais lâche l'affaire, m'admonestai-je. Regarde-la, elle te suce comme si tu étais le diable en personne, et tu es même pas foutu de profiter, fait chier !
Aussitôt cette pensée enregistrée par mon cerveau, je me dis que Hoover portait bien son surnom. Hoover, comme les aspirateurs.
Aspiration maximale. Nettoyage en profondeur. Zéro perte.
Et merde, je recommençais à divaguer. Soupirant – et pas à cause du traitement qu'on m'infligeait –, je m'apprêtais à dire à Hoover d'aller se trouver une autre queue, quand la porte du bureau s'ouvrit avec fracas. Le battant rebondit violemment contre le mur, envoyant au sol le cadre qui sublimait le logo du club.
Blow – mon vice-président –, se tenait sur le seuil, et ne semblait absolument pas contrit d'interrompre le spectacle. À vrai dire, j'étais presque soulagé de son arrivée.
Très calme, il croisa les bras, les yeux rivés aux miens.
— J'ai un truc à te dire, prés'.
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The Devil's Tears MC - Nix (sous contrat d'édition)
RomanceMÊME LES LARMES DU DIABLE COULENT DERRIÈRE LEURS ACTES. Nix est le président des Devil's Tears, le club de bikers le plus craint des États-Unis. À l'image de leur devise, il incarne la violence, la peur et les frissons. Le quotidien des Tears se rés...