Chapitre Premier (3/3)

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La tête toujours renversée en arrière, Blow leva le bras pour regarder sa canette encore fermée, et il se la fit rouler sur le front pour se rafraîchir, les yeux clos.

— Un colis piégé a été intercepté au Lust, lâcha-t-il en se redressant. (Il tourna le visage vers moi, les yeux graves.) Il visait les filles.

— Merde ! m'exclamai-je en écarquillant les paupières.

Le Lust était le premier établissement que la génération initiale des Tears avait créée, celui qui était célèbre dans tout Austin et ses alentours pour ses shows, celui qui faisait salle comble tous les soirs, celui qui nous rapportait le plus de blé. Les filles qui y travaillaient étaient toutes triées sur le volet, ou appartenaient carrément aux Tears, pour éviter les infiltrations des clubs rivaux. Elles ne faisaient pas de vagues, exécutaient ce qu'on attendait d'elles de bon cœur, et des gars de confiance s'occupaient même de la sécurité là-bas, faisant office de vigiles.

Viser les filles, c'est viser les Devil's Tears, pensai-je sombrement dans une soudaine prise de conscience.

Viser les filles, c'est viser les affaires.

Parce que sans filles, pas de show.

Et pas de show, c'est de la tune qui part en fumée, qui part dans les poches des autres.

Viser les filles, c'est me viser, moi.

— Fait chier ! grognai-je en serrant les doigts autour de ma canette, si fort que de la bière gicla sur mon pantalon.

Blow ouvrit à son tour sa boisson, et la descendit presque d'un trait.

— Laisse-moi deviner... repris-je d'un ton âpre. C'est un coup des Black Angels ?

Blow acquiesça sombrement. Il précisa :

— Il y avait des ailes noires sous le colis. Pas de doute, c'est eux.

— Putains de latinos de merde, crachai-je en retroussant les lèvres.

Comme Blow aimait enfoncer les portes déjà ouvertes, il dit :

— Jusqu'à maintenant, les colis piégés, même si ça n'a jamais abouti, ils les envoyaient direct' au club. Viser les affaires, les filles, c'est nouveau.

Je ne dis rien de plus et regardai Blow jouer avec l'opercule en métal de sa canette, jusqu'à ce qu'elle casse et qu'il ne sache pas quoi en faire. C'étaient des petites merdes, ces opercules.

— Il n'y a pas eu de blessées ? demandai-je, pour la forme.

Le vice-président se leva et alla jeter son morceau argenté dans la corbeille près de mon bureau.

— Non, le videur de la boîte s'en est occupé quand il a vu qu'il y avait un truc qui merdait, dit-il en revenant s'asseoir. Puisque les livraisons ne sont que les mardis et vendredis, ajouta-t-il devant ma mine perplexe. Et qu'on est samedi.

Assis, Blow se mit à taper rapidement du pied, et ce geste m'énervait, il faisait pratiquement trembler tout le canapé. Il n'y avait presque rien d'aussi agaçant. Si j'avais voulu un meuble massant, j'en aurai acheté un, trouduc. D'un coup de pied dans sa chaussure, je lui fis savoir que cela me faisait chier.

Me jetant un regard en coin, Blow arrêta son geste. Alors il se mit aussitôt à jouer avec les piercings de ses lèvres. Je remarquai juste à ce moment qu'il avait toute une nouvelle série d'anneaux le long de l'oreille. J'en comptai cinq.

— Tu t'es fait de nouveaux piercings ? m'étonnai-je à voix haute.

Blow acquiesça lentement.

The Devil's Tears MC - Nix (sous contrat d'édition)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant