- C'est-à-dire ? Qu'est-ce que je t'ai fait Saly ?
Elle n'avait pas attendu ma question et s'était déconnectée du réseau sur le coup. J'étais resté confus, au comble du désarroi, ne sachant point ce que j'avais fait qui l'aurait agacée et l'aurait désolée à ce point. Plusieurs réponses me vinrent à l'esprit sans qu'une seule ne me convainquit.
Il commençait à faire sombre dans la maison malgré la lumière incandescente des lampes. Peut-être, était-ce à cause de la stupeur. Les soirées animées de Louga me manquaient grièvement ; loin de l'ombre de Raby, on se sentit encore plus dans la plus profonde solitude. Ma jumelle Diary me manquait aussi trop, l'effet de la séparation momentanée devenait de plus en plus insoutenable. Et une douleur mélancolique me saisit et l'esprit et le corps. Mon désir de quitter le Sénégal m'avait rendu si aveugle à tel point de me faire perdre la gaieté que j'avais construite en moi jusque-là.
L'homme ne saurait jamais aller à la quête de son vrai bonheur tant qu'il se voit dans la convoitise des choses anodines et facultatives de la vie. Nous sommes parfois à la quête de notre propre perte sans en avoir la moindre perception. In fine, cette sensation de haine et de désolation s'impose ; nos désirs acharnés étant la cause suprême et ultime de tout ce basculement de nos projets dont la finalité peut nous conduire à des sentiments répulsifs. Cela pousse à perdre le goût de la vie, elle nous semble amère, âcre et empestée à cause de nos désirs qui nous tiennent par leur bride et nous mènent hors de notre chemin.
Saly ne répondait toujours pas, me mit dans un embarras absolu dont elle ne pouvait imaginer. On s'impatientait, cela rongeait à petit feu. Quelques instants après, je reçus un long texte d'elle en guise de réponse. Et voilà ce qui y était écrit :
- "Salim, je suis vraiment désolée de t'avoir menti pendant tout ce temps. J'ai été trop patiente et j'avais tourné en rond sans devoir avouer mes réels sentiments. Et aujourd'hui, cela ne suffit pas d'être loin de toi : ce qui me chagrine le plus, c'est de n'avoir pas pu gagner ton cœur. J'éprouve un profond regret et cela n'est nullement de ta faute. J'ai été lâche ; oui, Salim, vraiment lâche, te dis-je. Ce lien fraternel me fit dupe sans que je ne m'en rendisse compte. Pardonne-moi, si cela te désole ; ce n'est pas mon projet de te rendre malheureux ou te choquer. Cet échec va sûrement me mener à la folie et au courroux sans précédent, le moral ainsi affaibli et abattu à cause de ma stupidité. Que mes aveux ne te conduisent pas à agir à l'encontre de tes souhaits. J'ai perdu cette bataille ; une hypocrisie n'a jamais été si bien jouée. Et le destin a décidé de nous séparer, dans deux horizons qui ne verront jamais le soleil ou la lune au même instant. Que mon désarroi n'entrave point ta nouvelle vie auprès de ta bien aimée Raby. Elle te mérite et j'ose espérer, ... oui, j'ose espérer, Salim, qu'elle prendra soin de toi. Rassure-toi aussi : je ne regrette rien de tout ce que j'ai fait pour toi, car, que tu le susses ou pas, ta personnalité avait su me conformer aux bonnes actions et attitudes, m'éloignant ainsi des vices et vanité dont je fus sujette. Sois bien heureux avec elle. Je te laisse un moment, je ne saurai te parler dans ces jours proches. Merci de bien vouloir me comprendre. Je te ferai signe, une fois mon mal assoupi. Au revoir, Salim".
- Non, Saly. Tu sais bel et bien qu'on ne peut couper les liens ainsi. Sincèrement, tu me mets dans l'embarras. Je ne m'attendais pas à cela de toi. Il faudra que j'y réfléchisse.
- Ce serait très beau qu'on soit ensemble, mais, je sais que c'est impossible en ce moment, Salim. Néanmoins, tu as libre choix qui te convient. Au revoir.
Sans même attendre que j'en renchérit mot, elle quitta la ligne derechef à la seconde qui s'en suivit. Je jetai mon téléphone sur le lit, la tête baissée, l'esprit tourmenté. Donc, Mariétou avait raison. Et je savais peut-être qu'elle avait raison, et que je ne voulus pas accepter. Un dilemme se pose. Chacune d'elles représentait quelque chose d'inexprimable et de spécial pour moi. Les folies de Raby me manquaient en ce moment même. Tout ce que je souhaitais, à cet instant, était qu'elle vienne à mon secours ; et quelque chose en moi voulait que je la quitte, oui, que j'en finisse de ma relation avec elle. Mais, ma pauvre personne n'en voulait aucunement accorder intérêt, rejeta cette idée ignoble et satanique. Saly m'avait sauvé la vie et, - que sais-je ? - la sienne était en danger et implorait secours. Son affection eut atteint un autre stade dont la raison cède la place à l'instinct qui se veut satisfait à tout moment. Une faible nausée me gagna sensiblement et je me sentis de plus en plus stressé et dégoûté face à ce dilemme. Et le diable ricana derechef, me souffla à l'oreille une position vicieuse. Ne sachant point comment trancher, je fus sur le point de commettre un énorme péché qu'on nomme dans certains cas l'infidélité.
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Ma vie en 24 heures
Historical FictionUn jour suffit pour construire ou détruire toute sa vie. Un seul jour suffit pour éprouver bonheur et malheur à la fois. En 24 heures, vous en conviendrai avec moi : vous allez à la fois m'aimer, me détester, rire et avoir pitié de moi...