Chapitre 13

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Je m'étais blotti dans un coin de ma chambre, tandis que, dans la cour, les cris prirent de l'ampleur. Non, Papa ne pouvait pas nous quitter comme maman, me dis-je. Il a juste voulu partir, mais c'était évident que Dieu n'avait pas encore besoin de lui. Son heure est loin d'être arrivée ; alors, pourquoi tant de précipitation ? Avait-il ras le bol de mes sottises ? Mais, quoi qu'il en soit, ce n'était nullement une raison de nous rendre ainsi malheureux. Dieu avait envoyé l'ange de la mort vers d'autres personnes, pas vers toi, papa. J'en étais sûr. Je m'imaginais alors dans ma nouvelle situation :

<< Il n'y a plus cette tendresse protectrice de maman au réveil matinal. Et au comble du désarroi, cette dépendance de papa vient d'éteindre ses flammes à jamais, perdu dans ce monde incertain de la tombe. Une immense sensation de chagrin et de désespoir m'envahit tel un arbre qui se voit dépouillé de ses feuilles, petit à petit.

<< Papa était le seul dernier espoir et sur qui je pourrais compter pour résoudre toute sorte de problème que ce soit personnel ou financier. C'est ainsi que je me rendis compte que la vraie douleur profonde que je ressentais n'était pas la mort mais plutôt cette situation de désespoir et de quiproquo moral que cela me causa. >>


Je m'endormis, en bouchant les oreilles pour ne plus ouïr ces pleurs qui me traversaient l'âme. Mais ce ne fut pas pour longtemps. Quelqu'un me réveilla, et devinez qui : mon père.

* * *

Imaginez avec quelle vivacité j'ai sauté en m'agrippant sur ses épaules, à tel point qu'il faillit choir à la renverse. Oui, c'était un rêve, et cela ne pouvait qu'être ainsi.

- Doucement, Salim, s'écria-t-il. Qu'est-ce qui se passe ?

Je ne répondis pas, l'étreignant de toutes mes forces.

- Mais, dis-moi ? poursuivit-il. jaam ? (C'est la paix ?). As-tu fait des cauchemars ? Tu as vu un démon en rêve ? Parle ! Qu'est-ce qui ne va pas ?

En se libérant un peu, il constata que je riais avec un visage ingurgité de larmes ; ce qui accentua sa confusion. Il rigola avec moi involontairement sans savoir pourquoi. On s'assit sur le lit et, à nouveau, me demanda-t-il ce qui a bien pu me mettre dans cet état.

Voulez-vous que je lui dise exactement ce qui s'était passé dans mes rêves ? Lui dire qu'il s'en était allé au ciel comme maman ? Qu'il m'avait quitté pour de bon comme Karim ? Oh que non ! J'avais vu un djinn en rêve, et c'était tout, lui répondis-je, me croyant avoir trouvé une meilleure réponse.

- Ah bon ? s'étonna-t-il. C'est parce que tu es têtu. À chaque fois, on vous dit de réciter le Hayat Al Kursiy mais je suis sûr que tu ne le fais pas. Aussi, tu ne respectes jamais les recommandations de ta grand-mère. Tu n'es pas un blanc, tu es un noir africain et il y a nos réalités qu'il ne faut pas minimiser.

(Zut ! Re-bonjour les remontrances !)

- Je vais dire à ta grand-mère de t'amener chez Serigne Kaïré. Ce n'est pas la peine de faire cette tête, je n'ai pas besoin de ton avis. Tu y vas, un point c'est tout. Va prendre un bain et te préparer, je vais aller prévenir ta grand-mère.

Ce disant, il sortit, me plantant là-bas, la bouche entrouverte comme pour objecter. Grand-mère était toujours partante et engagée quand il s'agissait de nous amener chez un marabout pour des histoires de djinn ou quelque chose de ce genre. J'ai failli pouffer de rire quand je l'entendis appeler aussi Diary.

- Diary, on y va toi aussi, fit-elle. Un djinn n'épargne pas l'autre jumeau quand il s'attaque à l'un.

Sacrilège ! En plus, elle était très sérieuse, vu à quel point elle était excitée. Diary n'avait pas protesté, sachant pertinemment qu'il n'y avait pas moyen d'objecter.

Ma vie en 24 heuresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant