Chapitre 6

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PDV Ilsker

Je regarde la bague de la même façon que je regarderai un couteau plein d'hémoglobine. En fait, je fixe le petit objet de la même façon que la fille de la cuisine me fixait, l'autre jour.

Il ne faut pas être un génie pour comprendre que I.W , c'est Ilsker West, mon nom. Traditionnellement, les initiales du prénom et du nom de deux personnes séparées par un + , c'est pour signifier un couple, un amour incassable. E.S doit donc être quelqu'un de très important pour moi. Ma petite amie... Voir même ma femme, la bague est sans doute une alliance. Cette révélation me perturbe vraiment. Si j'ai une femme, elle devrait déjà être venue me voir, prendre de mes nouvelles... A moins que nous soyons séparés, ou pire, qu'elle ait eu elle aussi un accident. Je reprends la bague entre mes mains, et la tente de la mettre à mon doigt. C'est la mienne, semble-t-il, même si j'ai bien maigris à cause de mon coma, et que l'anneau flotte autour de mon annulaire. Celle de ma femme doit toujours être en sa possession, du moins je l'espère.

Il est temps de poser quelques questions à Bianka, au risque de devoir la cuisiner un peu. Je presse mon pousse sur interrupteur servant à appeler le personnel médical, et attend, stressé, sans doute par peur d'entendre des réponses qui me déplaisent. L'infirmière arrive toute joyeuse, apportant avec elle son sourire et sa bonne humeur sans faille, qui m'agace plus qu'autre chose. Elle doit baisser la tête pour entrer dans ma chambre à cause de ses talons aiguille. Aujourd'hui, elle s'est choisie une paire orange fluo qui contraste terriblement avec sa blouse blanche immaculée. Elle ne peut pas exprimer sa créativité par sa tenue, alors la jeune femme mise tout sur les chaussures. Au moins, on l'entend et on la voit venir de loin.

- Tu m'as appelé Ilsker ? Tu as mal aux jambes ou au dos ? N'hésite pas, tu sais que tu peux tout me dire !

Mon Dieu, que sa voix est insupportable. J'ai bien envie de lui dire que non, je ne lui confirais pas tout mes petits secrets, car je suis tout, sauf ta copine blonde qui adore parler d'elle. Mais je préfère me placarder un sourire de carton sur le visage pour que notre conversation reste le plus cordiale possible.

- Oui, Bianka, du coup, j'ai une question, en effet.

Je lève la main pour lui montrer la bague, et lui indique les initiales gravées à l'intérieur.

- J'ai trouvé ça dans mes affaires, avec mon passeport, des photos, et un tas d'autres trucs... Je suppose que I.W , se sont mes initiales, mais E.S, je ne sais pas. Tu aurais une idée de qui ça peut  être ?

Elle perd immédiatement son sourire, son teins devient légèrement blafard, et elle ouvre la bouche, sans qu'aucun son n'en sorte. Elle regarde derrière elle, comme si elle attendait que quelqu'un vienne la tirer de cette situation délicate.

- Tu n'aurais pas une photo de cette personne ? Ou alors, juste son nom, c'est tout ce que je demande, ajoutais-je, pour lui délier la langue.

Elle semble vraiment mal à l'aise, gênée. Elle semble hésiter à parler. Sa réaction m'inquiète. C'est si grave que ça ?

- Je pense qu'il est mieux que tu découvre par toi même tes liens avec cette personne. Médicalement parlant, c'est plus approprié, le choc risque d'être... Trop important, sinon. Mais, pour t'aider un peu, et puisque tu sembles vouloir vraiment savoir sait, je peux te dire la significations des initiales...

Elle sort une fiche de la poche de sa blouse, qui doit sans doute être une fiche de renseignements me concernant.

- Son nom est Eva Scott. Maintenant, je dois te laisser, je dois m'occuper d'autres patients.

Je n'ai pas le temps d'ouvrir la bouche qu'elle est déjà partie, aussi vite que ses talons de quinze centimètres le lui permettent. 

Eva Scott. Eva. Eva. Je me répète ce si jolie prénom en boucle dans ma tête. Ces deux syllabes sont si familières, et pourtant couvertes d'un voiles de brumes. J'ai l'impression que cette personne est la clé de mon passé incertain. Quand je saurais qui elle est, je me souviendrais de tout le reste. J'enfile à nouveau la bague. Qu'est ce qui pourrait déclencher un souvenir en lien avec elle... Juste une image, une mèche de cheveux, ça suffirait sans doute. Je retourne à la découverte du contenu des cartons dans l'espoir de trouver autre chose qu'une bague. Quand on cherche bien, on trouve forcément, enfin j'espère. Je regarde plus attentivement les photos. Il y en a une plutôt sombre, floue, carrément ratée, qui attire mon attention. Il y a des tissus absolument partout, notamment sur la personne au centre, qui est presque intégralement recouverte de velours pourpre et émeraude. Sans doute une amie à moi que je me suis amusé à déguiser. Déçu, je m'apprête à ranger la photo et à ranger les cartons quelque part, quand soudain, mon regard commence à s'embrumer, et ma tête à tourner doucement. Je prends mon crâne entre mes mains, ferme les yeux, et laisse les sons, les sensations et les images resurgirent, dans l'espoir que les souvenirs soient joyeux.

Ce n'est pas le cas.

Je suis à l'arrière d'une voiture, détendu. Je m'entends même rire, à moins que ce ne soit celui de quelqu'un d'autre. Quelqu'un me tient la main. Je baisse les yeux vers elle. Je porte la bague que j'ai trouvé, et l'autre main en porte une identique. C'est Eva, sans aucun doute.

Le noir et le silence reviennent, avant que le souvenir reprenne, comme dans un film.

Je tourne mon visage vers Eva. C'est une jolie blonde, lumineuse, aux joues roses, l'air innocent, enfantin, comme un ange. Elle esquisse un sourire doux à mon attention. Elle s'avance et dépose un léger baiser sur ma joue, comme une caresse, ou une plume. Par réflexe, je touche la joue, et y sens une légère barbe. Soudain, ce calme aussi paisible qu'un beau rêve s'arrête. Maintenant, se ne sont plus que des bribes de moments qui défilent dans ma tête. Un bruit de verre qui se casse, des cris féminins, un glissement, et d'autres que je ne parviens pas à définir. Et puis le sang. Par flaques. Et la bague. Une bague comme la sienne, noyée dans le sang, comme une bouteille à la mer.

Il faut que cette torture s'arrête. Comme après un cauchemar, j'ouvre les yeux, secoue la tête comme si je chassais une bête qui y avait élue domicile. Je me lève. Mes jambes me font mal, c'est peut être trop tôt pour marcher, mais je m'en moque. Je sors de ma chambre, me rend sur la terrasse pour que le vent frais m'assène une claque et me réveille pour de bon.

- Tout va bien ? fait une voix féminine derrière moi.

La fille de la cuisine.

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Bonjour à tous !

C'est Lucille ! Je me suis occupée de l'écriture de ce chapitre ! J'apprécie de plus en plus le personnage d'Ilsker, et c'est la première fois que je décide d'écrire pour un personnage masculin, j'espère que ça ne rend pas trop mal ! Je pensais honnêtement que ça serait plus difficile, mais je prends vraiment du plaisir à écrire cette histoire !

J'espère que vous allez bien et que la maladie se tient loin de vous et de vos proches. J'ai hâte d'avoir vos retours ! Prenez soin de vous, à bientôt,

Lucille ( @Lucille_gdl )

The last moment to rememberOù les histoires vivent. Découvrez maintenant