Chapitre 3

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Link se réchauffa un instant au coin de feu. Il avait l'impression de ne pas avoir été seul depuis une éternité, alors que ses derniers moments isolés remontaient à l'avant-veille au soir. La chaleur des flammes léchait ses longs doigts d'archer. Sa tenue duveteuse traditionnelle du peuple Piaf le protégeait du froid polaire de la zone d'exercice de vol, que Zelda venait de quitter sur le dos de Revali, en direction de Vah'Medoh.

-KREEEAW !

L'énorme oiseau mécanique qui survolait la région Piaf criait au rythme des manipulations que Zelda devait être en train d'effectuer dessus. Link avait hésité à la laisser partir sans lui. Mais après tout, que pouvait-il lui arriver à bord de Medoh ? Et puis, Revali restait avec elle. S'il devait malgré tout arriver quelque chose à la princesse, il serait bien plus efficace que Link à bord de la créature divine.

Le chevalier soupira. Il se leva et prit le chemin du village Piaf.

En dehors de sa ville natale, Elimith, et du domaine Zora, où il avait grandi, le village Piaf devait être le lieu préféré de Link dans l'entièreté d'Hyrule. Il y était venu quelques fois dans sa vie et la simplicité qu'il dégageait l'avait toujours fasciné. Ailleurs que chez lui, Link n'était jamais à l'aise. La Cité Gerudo était magnifique, mais son faste l'avait toujours impressionné. Le village Goron était trop industriel, et puis la chaleur qui y régnait était à peine tenable, même avec l'équipement nécessaire. La citadelle d'Hyrule était trop animée, et le village Cocorico très accueillant, mais trop secret.

Mais le village Piaf, il était... Chaleureux. Malgré les températures fraîches qui pouvaient y régner, Link ne trouvait pas de meilleur mot pour le définir. Les huttes en bois, les escaliers interminables, la bienveillance des Piafs, Vah'Medoh survolant le village, rassurante, et la beauté du paysage... Link aurait adoré vivre ici. Il pouvait passer des heures à arpenter les escaliers du village en regardant la chaîne d'Hébra au loin.

De retour à l'auberge, il quitta sa tenue Piaf et remit sa tunique bleue. Étonnamment jovial, il se dirigea vers la grande place du village, depuis laquelle s'envolaient tous les Piafs. Sans quitter son épée, il s'assit au bord de la place, les jambes dans le vide, et admira. Il admira la vue imprenable, le ciel dégagé, les cercles de Medoh, il admira la beauté de la vie, tout simplement.

Jamais il ne laisserait le Fléau Ganon ternir cela. Quel qu'en soit le prix.

Link resta là de longues heures, jusqu'à entendre le pas lourd de la princesse derrière lui, suivie de Revali. Il s'empressa de se lever et de lui faire face.

-Vah'Medoh ne présente aucun dysfonctionnement. Je vais de ce pas en informer le chef du village.

Et elle s'en alla, le laissant seul avec Revali. Ce dernier toisa Link de son regard condescendant habituel. L'intéressé ne sourcilla même pas.

Revali était quelqu'un de très fier et de très arrogant, avec une façon de parler toujours très théâtrale. Mais il était dévoué à son devoir de Prodige. Malgré l'animosité que le Piaf ne dissimulait guère à son égard, Link aimait bien Revali. Il avait perçu chez lui un grand manque de confiance, qu'il essayait à tout prix de camoufler derrière ses grands discours incessants comme quoi il devrait être le grand héros, et pas Link. Mais Revali était incapable de voir ses propres valeurs. Il savait être excellent archer, c'est vrai, et ne se privait pas de s'en vanter, mais Link se demandait s'il réalisait vraiment être meilleur archer que lui ne le serait jamais, et que probablement personne ne serait jamais en Hyrule. Il le répétait haut et fort à qui voulait l'entendre, mais le pensait-il ? Ou camouflait-il maladroitement l'incertitude qui l'habitait ?

Mais Link n'avait pas le temps pour l'empathie. Revali devrait gérer ses problèmes de confiance tout seul. Il avait d'autres priorités, le temps après lui, et une assez mauvaise approche sociale.

-Dis-moi, Link, je ne t'ai jamais montré la Rage de Revali, si ?

Link secoua la tête négativement.

-Prépare-toi à être impressionné.

Revali sauta dans le vide. Link attendit, curieux. Soudain, un violent courant d'air ascendant le frappa de plein fouet. Revali se tenait en son centre, très majestueux. Il se posa sur le garde-fou de la place, et croisa ses grandes ailes.

-Impressionnant, je sais. Très peu peuvent être maîtres des cieux. Pourtant, j'ai réussi l'art de créer un courant d'air ascendant qui me permet de m'envoler. C'est considéré comme un chef-d'œuvre des techniques de vol, même parmi les Piafs. Avec une utilisation correcte de mes grandes compétences, je ne vois aucune raison pour laquelle on ne pourrait pas se débarrasser de Ganon. Ma capacité à fendre les cieux est remarquable... Mais n'oublions pas – pardonne-moi d'être si direct – n'oublions pas que je suis le meilleur archer de tous les Piafs. Et malgré tout ça, il semble que j'ai été désigné pour t'assister ! Rien de plus ! Tout ça parce que tu as petite « lame purificatrice » dans le dos ! C'est tellement... stupide. A moins que... tu penses pouvoir me prouver que j'ai tort ? Peut-être qu'on devrait régler ça en duel. Mais où... oh, je sais ! Pourquoi pas là-haut ?

D'un grand geste théâtral, Revali désigna Medoh, qui passait au-dessus d'eux à ce moment-là.

-Oh, je te prie de m'excuser ! s'exclama-t-il d'un air faussement désolé. J'avais oublié que tu n'as aucun moyen de rejoindre la Créature Divine tout seul !

Revali déploya ses ailes et, à l'aide de sa Rage, s'envola en direction de Medoh.

-Bonne chance pour sceller le Fléau !

Cette phrase résonna dans l'esprit de Link, et il sut instantanément qu'elle y résonnerait pour l'éternité. 

The Legend Of Zelda : A Memory of The Wild Où les histoires vivent. Découvrez maintenant