Lorsque je longe le mur du manoir, j'ai à peine le temps de taper le code morse que la porte s'ouvre à la volée. Elys me tire à l'intérieur et me serre dans ses bras avant de m'embrasser.
- Espèce d'idiot! Hurle t-elle. J'étais morte d'inquiétude!
Détachant mes yeux de son regard de braise un instant, je distingue le visage de Mme Gretchen par la fenêtre de la cuisine, qui semble épier le bruit depuis sa maison. Aussitôt, je l'étreins pour la calmer.
- Écoute, je commence. Mes parents m'ont totalement interdit de sortir, et...
- Tu aurais pu me prévenir, souffle t-elle en sanglotant dans mes bras.
- Il n'y a rien que j'aurai plus aimé faire, réponds j-je.
- Je ne veux pas te perdre, toi non plus, murmure t-elle.
Nous restons assis sur le sol, dans les bras l'un de l'autre, pendant un bon moment. Son cœur qui s'apaise petit à petit pousse le mien à en faire autant.
Du coin de l'œil, je jauge l'état de la télé. Elle semble avoir été fracassée avec force, puis remise sur son meuble dans cet état. Peut-être qu'on peut la réparer.
Pendant qu'elle part chercher de quoi se préparer un repas du soir, je l'inspecte de plus près. Un récepteur de satellite est branché derrière.
Intrigué, je cherche des yeux une télécommande ou un boitier, mais je n'en trouve pas.
Je détache mon regard du téléviseur pour me reconcentrer sur les allées et venues d'Elys, avant de me rendre compte que son regard est fixé sur moi depuis quelques minutes.
Rougissant, elle détourne le regard, je souris. Elle rompt le silence:
- Tu ne devrais pas rentrer? M'interroge t-elle à demi voix en jaugeant la clepsydre.
- Disons que je suis parti sans demander l'accord de mes parents.
Elys fronce les sourcils sans comprendre.
- J'ai fugué, explicite-je, mal à l'aise.Abasourdie, elle s'approche.
- Tu as fugué... Pour moi?
- Exactement, dis-je en souriant.
Et pour cause, je suis loin de regretter mon geste. Peut-être que mes parents renonceront à m'envoyer dans un autre lycée, à me faire rencontrer d'autres amis, voire à vouloir tenir une conversation.
Tout à coup, son expression change du trouble à une étincelle dans les yeux, de celles qui me donne envie d'aller immédiatement tuer ce monstre et de vivre en paix avec elle.
Dire que la sensation du corps chaud d'Elys contre le mien est agréable serait un euphémisme.
Dire qu'il y a tout juste 4 mois, je trouvais toute forme d'attirance physique ou morale totalement ridicule. Je réalise que rien en l'amour n'est choisi; nous subissons ce poison qui atténue la douleur, comme une drogue.- Ça ne te dirait pas de manger frais, pour une fois? Je m'exclame en me souvenant des sandwichs que j'ai glissé dans mon sac quelques heures plus tôt.
- Je ne me rappelle pas de cette sensation, avoue t-elle.
Je saisis mon sac et en sors les en-cas pour en tendre un à Elys, qui le jauge avec perplexité.- Ce n'est pas grand-chose, dis-je en mordant directement dans le mien, mais ça te changera un peu.
Surprise par ma façon de manger sans préparer mon repas, elle m'imite en croquant un petit morceau de son pain. Son visage s'illumine.
- C'est fou, ce sont les mêmes que ceux que préparait ma mère! S'écrie t-elle.À l'évocation de sa mère, je redoute un accès de tristesse, mais son visage ne laisse rien paraitre; elle semble juste heureuse.
VOUS LISEZ
Le secret du manoir
ParanormalLa ville de Saint-Holnay, où Tommy emménage, parait bien calme. Enfin, jusqu'à ce qu'il se renseigne sur le mystérieux manoir au bout de sa rue, et qu'il décide d'y pénétrer... La vie d'un garçon surdoué, son adaptation à une nouvelle vie et son pas...