CHAPITRE 3

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Patrick Doyle - Courage and Kindness

Royaume de Bavery

Roi James

La foule acclame son nom à mesure que le carrosse royal descend la rue qui mène à Sainte-Mary. Je ne peux nier que Carah est adorée par notre peuple. Regardez-moi toutes ces petites mains et drapeaux s'agiter sur notre passage, tous ces enfants crier de joie. Cette femme ne cesse de m'étonner et de m'apporter son lot de problèmes et de bonheur. J'ignore encore où se trouve ma place dans ce mariage que nous tentons de bâtir ensemble, mais ce dont je suis certain est l'amour inconditionnel que je lui voue. Malgré toutes les péripéties que nous traversons, elle demeure la femme que j'aime, même si cette tête de mule hurle le contraire à qui veut bien l'entendre.

La voir se dandiner sur son siège et titiller le peu de patience qu'il me reste m'est insupportable. Je rêve de lui ôter sa capeline blanche pour lui prouver toute mon envie impétueuse. La chaleur de ses bras me manque, ainsi que l'ardeur de ses baisers et la force du regard qu'elle me porte lorsque la passion la dévore. Sait-elle combien son absence laisse un vide immense au fond de notre lit ? Son parfum aux notes de jasmin flotte encore dans notre chambre, me torturant nuit après nuit, jour après jour. Je ne trouve plus le sommeil, me tournant dans un sens et dans l'autre pour tenter d'effacer son doux souvenir de mon esprit.

Oh, Carah... Si seulement, vous saviez combien je vous aime...

J'aimerais lui envoyer un de ces moineaux qu'elle idolâtre tant dans ces contes de fées. Il lui soufflerait alors le tourment dans lequel je suis plongé depuis des mois, cherchant un moyen de toucher par une de mes flèches son cœur. Peut-être lui porterait-elle plus d'attention et de crédibilité que ma propre parole. Parole qui a perdu tout sens et foi pour ma reine. J'ai le sentiment d'être gauche, de ne pas savoir m'y prendre. Je n'ose l'aborder, l'approcher, la toucher. C'est totalement absurde, nous sommes unis pour l'éternité. Hélas, je crains d'avoir perdu toute légitimité à ses yeux. J'ai conscience que le protocole et la Couronne sont de lourdes responsabilités, mais je ne peux leur tourner le dos. À ma naissance, mon destin était déjà scellé. Je dois honorer ce siège qui est le mien, même s'il m'en coûte beaucoup. Combien de sacrifices serais-je encore poussé à faire pour mon peuple ? Peuple qui ne me porte pas en très grande estime, je dois bien l'avouer.

— James, cessez d'arborer une mine pareille, ronchonne Carah, m'arrachant à mes pensées. Vous devriez témoigner un peu plus d'intérêt à nos sujets. N'est-ce pas là le devoir d'un bon souverain ?

Grizel hausse un sourcil entendu et me fait signe de les saluer. Tandis que je m'affaire à ma tâche, elle nous rappelle le planning de la journée. La matinée sera entièrement consacrée aux enfants qui rencontreront le Père Noël. Ensuite, nous déjeunerons sur place avec les religieuses de l'orphelinat. Puis, nous terminerons par l'inauguration de celui-ci.

Encore une longue journée...

Je soupire de lassitude, guettant la réaction de ma femme. Sa maquilleuse aura beau faire des miracles, ses cernes sont la preuve évidente de son état de fatigue général. Mais à mon grand étonnement, elle me semble heureuse et satisfaite d'inaugurer l'orphelinat.

L'air mutin, elle se penche vers moi. Lorsqu'elle m'observe avec ce nez retroussé et ce regard hardi, je peux m'attendre à une avalanche de sarcasmes en tout genre.

— Que se passe-t-il ? Je pensais que vous seriez heureux et satisfait que j'entre dans un de vos moules.

La voilà qui me cherche encore des poux.

— Moules ? fais-je, sur la défensive. Mais de quoi parlez-vous ?

Du doigt, elle forme un petit cercle effronté sous mon nez.

À JAMAIS 2 : L'indomptable CarahOù les histoires vivent. Découvrez maintenant