Jour 92

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J'ouvre les yeux. Le premier ordre que mon cerveau m'envoie c'est : « Ne bouge pas ». J'ai tellement rêvé de ce moment que j'ai du mal à croire qu'il soit devenu réalité. Je suis allongé sur le côté, donc je n'ai pas à faire un geste pour pouvoir regarder Irénée. Il dort paisiblement. Son torse se gonfle doucement, puis s'abaisse. Il a l'air si serein, il est tellement beau. Parfois, l'angoisse m'étreint. Je me demande si je mérite un petit copain aussi magnifique, je me demande pourquoi il m'aime. Oui, parfois je ne suis pas sûr d'être assez beau, intéressant, intelligent. J'ai peur d'avoir de trop nombreux défauts.


J'ai envie de poser ma main sur son torse. J'ai envie de le caresser puis de me blottir contre lui. Mais cet instant est trop pur, je n'ai pas envie de le perturber. Je sais qu'il ne m'en voudrait pas si je le réveillais, sauf que je n'ai pas le cœur à écourter sa nuit parce que j'ai ce besoin égoïste de le sentir contre moi. À cet instant, plus rien d'autre n'existe. Qu'importe où je me trouve, qu'importe ce qui se passe dans le monde. Il n'y a que nous, là, dans ce lit et c'est comme si l'essentiel était ici, que je n'avais besoin de rien d'autre.


Je ne sais pas combien de temps dure ce moment. Évidemment, il doit prendre fin. Irénée ouvre les yeux. Son sourire est plus précieux que tous les mots. Il me fait signe de venir contre lui et je ne vais pas m'en priver. La douceur de sa peau, son odeur, sentir son cœur battre. En une fraction de seconde je peux combler ce qui m'a manqué pendant toutes ces semaines. Le bonheur, parfois, ne tient pas à grand-chose. Il suffit qu'il y ait de l'amour et que l'objet de ce sentiment soit là, avec moi. Ce n'est pas rien et en même temps ça a l'air si simple. Tout semble évident quand je suis avec lui.


Le soleil monte dans le ciel. Le temps passe et pourtant je veux croire qu'il est suspendu. Je n'ai pas envie que cela s'arrête. Pour toujours, je veux rester contre celui que j'aime. Pourquoi faut-il que la vie continue ? On ne pourrait pas se contenter de rester comme ça ?

— Ne bouge pas.

Non, je ne veux pas être seul dans le lit, je ne veux pas qu'il me quitte une seule seconde. Je ne le vois plus et tout s'assombrit. Oui, je suis complètement accro. Il revient avec un plateau sur lequel il a disposé tout ce que j'aime pour le petit déjeuner. Il est attentionné, il me connaît par cœur, je ne pourrai jamais en aimer un autre...

— Je voudrais qu'on reste comme ça toute la journée.

Il n'a pas à continuer, il est facile de réaliser son souhait. Moi je n'ai nulle part où aller. Lui par contre...

— Ce soir, je donne encore une représentation, il faut que je répète.

— Je peux venir avec toi ?

— Évidemment ! Je n'ai même pas imaginé que tu restes dans la chambre.


Nous prenons notre douche ensemble, nous nous préparons ensemble, j'ai envie de me coller contre lui et ne plus le lâcher. J'espère qu'il ressent la même chose. Encore un doute, je devrais vraiment être plus sûr de moi. Alors que nous nous apprêtons à sortir, on frappe à la porte. Naïvement, je me dis que c'est un employé qui vient faire le ménage. Je devrais savoir que les choses ne sont jamais aussi simples.

— Bonjour Irénée, bonjour...

— Mathieu. Mon chéri, je te présente les manageurs de Dan.

Ah oui, cette star que je ne connais pas !

— Installez-vous.

— Vous deviez peut-être sortir ?

— Je dois aller répéter, en effet, mais nous avons quelques minutes à vous accorder.

Le journal de Mathieu (10)Where stories live. Discover now