Jour 131

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Nous nous rendons au club privé dont est membre le père de Patrick. Pour dire à quel point cette société est dingue, on nous a imposé un dress code pour avoir l'autorisation d'entrer. Un costume et une cravate. Ce n'est pas vraiment un repère de gentlemen, juste l'association d'hommes riches, puissants, influents. Évidemment, mon petit copain est un habitué des lieux, il connaît les codes. Moi je me contente d'essayer de l'imiter pour ne pas faire trop tache.

— Veuillez me suivre.

Un employé du club nous conduit dans une petite salle à part, sans doute réservée à ceux qui veulent avoir une conversation à huis clos. Le plus souvent on doit conclure des affaires juteuses et pas vraiment légales, dans cet endroit. Aujourd'hui, c'est pour une discussion un peu spéciale.

— Bonjour, les garçons, asseyez-vous.

On nous sert deux verres de whisky !

— Ne soyez pas timides, je sais bien que vous n'avez pas l'âge légal pour boire mais ici ça n'a aucune importance.

Je suis extrêmement tendu. Je voudrais être n'importe où ailleurs plutôt que face au père de Patrick, assez impressionnant.

— Ne soyez pas aussi crispé, Mathieu, vous savez déjà pourquoi vous êtes là. Vous couchez avec mon fils !

D'accord, on ne va donc pas tourner autour du pot. La conversation entre hommes sera directe.

— Effectivement.

— Patrick, ce n'est pas la première fois, n'est-ce pas ?

— Non papa, j'étais homosexuel avant de rencontrer Mathieu.

— Évidemment, on ne devient pas homosexuel, on l'est dès l'origine, je ne suis pas stupide ! Je m'en veux, je n'ai rien vu venir. Je n'en reviens pas qu'il m'ait fallu dix-sept ans pour m'en rendre compte.

— Tu es déçu ?

— Pas vraiment, non. Je crois que je n'arrive pas encore à réaliser.

J'essaie d'avoir l'air sérieux et impliqué mais vu que je ne participe pas directement à la conversation j'ai bien l'attitude du spectateur.

— Tu en penses quoi ?

— Les mentalités ont beaucoup évolué, fiston.

— Tu veux dire que ça ne te choque pas ?

— Non, il faut juste trouver un moyen de changer les choses.

— Quoi ?

— Mon fils unique un homosexuel ! C'est absolument impossible.

— Mais je croyais que...

— C'est une maladie, on peut en guérir.

— Tu racontes n'importe quoi, papa.

— Je veux te soigner, fiston. Je ferai tout pour t'aider.

— Mais ce n'est pas une maladie et il n'y a rien à guérir !


Le père de Patrick se tourne vers moi. Je sens la transpiration couler dans mon dos, je suis terrifié. Ce n'est pas pour rien qu'il nous a demandé de venir ici, l'endroit est impressionnant et rend la situation encore plus dramatique.

— Mathieu, combien voulez-vous pour laisser mon fils tranquille ?

— J'ai peur de comprendre votre question.

Il sort son chéquier, il n'y a plus un seul doute.

— Papa ! Je n'aurais jamais cru que tu oserais faire ce genre de chose. Tu ne comprends pas qu'il ne s'agit pas d'argent ?

Le journal de Mathieu (10)Where stories live. Discover now