Le journal de Mathieu (10)

Jour 99

Ça ne rigole plus. Je suis sur le point d'entrer en Première Scientifique. Je ne sais pas encore réellement ce que je veux faire de ma vie et je ne pense pas être particulièrement doué pour les sciences. Comme beaucoup, sans doute, j'ai choisi cette filière parce que mes meilleurs potes s'y sont engouffrés. Je sais, ce n'est pas comme cela qu'on doit décider de son avenir. En même temps, j'ai eu du mal à me faire des amis, ce n'est pas dans ma nature d'être sociable, donc je ne veux pas recommencer tout à zéro.

Comme j'ai passé l'été à arpenter les États-Unis, je n'ai absolument rien préparé. Aujourd'hui, Sébastien m'accompagne au centre commercial. Ce sera plus simple ici, nous aurons tout à disposition. Le shopping n'est pas vraiment notre activité favorite, sauf que là je n'ai pas le choix.

— Évidemment, tu as déjà tout acheté.

— Début juillet, pour éviter la foule !

C'est malin de me dire ça. Je ne suis pas comme Sébastien, j'ai une vie moi ! Non, c'est méchant. Je suis juste légèrement énervé parce qu'effectivement nous sommes loin d'être les seuls. On dirait que toute la France s'est réunie dans ce centre commercial.

— Tu veux commencer par quoi ?

— Les fournitures. Il me faut à peu près tout.

En réalité, je pourrais réutiliser des fournitures que j'ai achetées l'an dernier. On n'use jamais complètement ses stylos et on ne vide que rarement ses rouleaux de scotch. Mais je ne sais pas, quand c'est la rentrée, j'ai envie de n'avoir que du neuf. Ce qui est un peu plus facile avec la carte de crédit des parents, qui ne m'ont pas donné de limite. Ils partent sans doute du principe que je vais être raisonnable, nous allons voir ça.

— C'est un véritable petit ordinateur cette calculatrice.

— Il te faudra au moins ça. N'oublie pas dans quelle filière tu as décidé d'aller.

Des jolis cahiers, des stylos plus fantaisie que vraiment utiles. Et le plus important : l'agenda. Mes séances de sport et les soirées que nous organisons, je rentre tout ça sur le calendrier de mon smartphone. Pourtant, bizarrement, pour les cours, je veux un agenda papier. Sans doute pour ne pas mêler le plaisir avec les obligations.

— Avec une photo de New York en couverture, très original !

— Laisse-moi deviner ce que toi tu as choisi, Sébastien. Sur ton agenda, je mettrais ma main au feu qu'il y a une voiture de luxe.

— Ouais bon, ça va, prends ce que tu veux.

Je ne pensais pas agir autrement.

Donc, il y a eu de la bagarre dans les rayons des fournitures scolaires. Les gens sont légèrement agressifs aujourd'hui ! Ils sont tous avec leur liste en main et, l'individualisme aidant, ils ne font pas du tout attention aux autres. Tout ce qu'ils veulent c'est partir le plus vite possible. Ce qui n'est pas une mince affaire étant donnée la file d'attente qu'il y a aux caisses. Je ne sais vraiment pas comment ma mère fait pour supporter les courses chaque samedi. Là tout de suite, j'ai des envies de meurtre.

Ensuite, nous allons dans une boutique pour acheter de nouvelles fringues. Je l'ai dit, pour la rentrée je ne veux que du neuf. C'est une bonne occasion pour se rhabiller totalement.

— Pourquoi tu vas dans le rayon des chemises ?

— J'ai envie de changer de look. Je trouve ça assez classe, pas toi ?