Jour 91

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C'est l'heure de vérité. La compétition de natation va commencer. J'espère que l'équipe est bien entraînée, parce que c'est moi qui serai responsable, quoi qu'il arrive. Si on gagne je serai porté en triomphe. Si on perd, ce sera entièrement de ma faute. Je n'ai pas le choix, je dois assumer pleinement les deux issues. En plus, tout le monde est venu. Mes amis et mes parents sont dans les gradins. Je dois motiver l'équipe et je dois me motiver moi-même. Comme Sébastien est hors jeu, mon rôle est un peu plus grand que d'habitude. Je ne dois surtout pas me répéter que je ne suis pas à la hauteur.


Alors que les épreuves s'enchaînent, je viens m'asseoir à côté de l'ancien coach.

— Tu ne dis rien.

— Je n'ai pas de commentaire à faire.

— Si, je suis certain que tu as ton opinion. Tu dois me dire si on est en train de se planter.

— Je vais pouvoir prendre ma retraite.

— Qu'est-ce que tu racontes ?

— Les mecs n'ont jamais aussi bien nagé qu'aujourd'hui, je les reconnais à peine. Tu as ça dans le sang, Mathieu.

— Ils ont envie de gagner, c'est tout.

— Quand j'étais le capitaine, oui, c'était tout. Je les motivais en leur faisant miroiter la première place. Ils se démenaient pour monter sur la plus haute marche du podium.

— Comme aujourd'hui.

— Non, ils s'en fichent de ça. Ils donnent le meilleur d'eux-mêmes pour une autre raison.

— Ce n'est pas le moment de faire des mystères.

— Ils se démènent pour que tu sois fier. Quand j'étais à ta place, ils se battaient pour la médaille d'or. Maintenant, ils veulent juste te faire plaisir. C'est une motivation qui est beaucoup plus puissante.

Juste après cette remarque, un membre de l'équipe vient vers moi. Il a réalisé une belle performance, il vient de sortir du bassin, il est encore essoufflé et il attend.

— Génial, tu m'as épaté.

Il repart avec un grand sourire.

— Tu vois, il ne prend même pas le temps d'écouter la proclamation des résultats. Il s'en fiche du temps qu'il vient de faire, ce qui compte c'est que tu le félicites.

Bon, j'ai du mal à avaler tout ça mais on va dire que si Sébastien parle comme ça, c'est qu'il s'agit de la vérité. Dans ce cas, pourquoi est-ce que je me bats, moi ? Est-ce que c'est juste pour être fier de moi-même ?


Sans surprise, nous avons gagné haut la main. Je dis sans surprise parce que les autres équipes n'étaient pas vraiment du même niveau. Je ne me cherche pas des excuses pour expliquer notre succès, je veux juste être réaliste. Sous la douche, les autres me tapent amicalement dans le dos ou carrément sur les fesses. Quand ils ont gagné ils deviennent très tactiles, ce qui est presque gênant quand nous sommes tous nus... Certains me prennent même dans leurs bras, oubliant toute décence. Vraiment, ma fidélité aura été mise à rude épreuve. Si j'ai résisté à toutes ces tentations, c'est que je peux résister à tout.


La fête qui suit n'est pas seulement une célébration de notre victoire. C'est aussi pour fêter la fin des cours et donc mon départ, dans quelques heures, pour les États-Unis. Tout le monde est réuni en un seul endroit, c'est assez pratique.

— Voilà, Mathieu, tu as pris ma place. À la rentrée, tu seras officiellement le capitaine de l'équipe.

— Je n'en veux pas si tu as envie de continuer, tu es un très bon coach.

Le journal de Mathieu (10)Where stories live. Discover now