Jour 110

173 9 0
                                    

Ce vendredi 13 novembre 2015 commence de façon tout à fait normale. Sébastien est chez moi. Personne d'autre n'est censé venir. Ça arrive souvent que, tous les deux, nous nous retrouvions seuls.

— Qu'est-ce que tu fous, Mathieu ? On peut commencer la partie ?

— Juste un instant, je valide une grille de l'Euromillions.

— Tu joues à ce truc ?

— Il y a une grosse somme en jeu et je ne vois pas pourquoi elle ne serait pas pour moi !

— Tu connais le pourcentage de chance de gagner ?

Ce n'est pas la première fois qu'il me donne une leçon de morale à ce sujet.

— On est vendredi treize.

— Super ! Ça va décupler tes chances !

— Tu prendras un autre ton quand j'aurai gagné.

Bref, il faut que je me dépêche de valider parce qu'à partir d'une certaine heure il n'est plus possible de jouer.


Une fois cette tâche accomplie, je peux venir m'asseoir à côté de Sébastien. Dans ce contexte, mon lit ne sert à rien, puisque nous sommes installés sur le sol. Nous n'avons officiellement pas le droit de boire, mais je suis chez moi, donc je peux offrir des bières à mon invité. Et ça va aussi pas mal fumer, c'est pour ça que la fenêtre est grande ouverte, même s'il ne fait pas super chaud.

— Tu t'es entraîné depuis la dernière fois ?

— Je ne rattraperai jamais les dix années durant lesquelles tu n'as fait que jouer à des courses de voitures !

Je sais à l'avance que je vais perdre plusieurs fois. Ce qui compte pour moi c'est d'être avec mon meilleur pote et de passer une bonne soirée à discuter et à rigoler. Le jeu, finalement, n'a pas vraiment d'importance. Et je ne dis pas seulement ça pour relativiser mes futures débâcles.

— Et voilà, c'est trop simple de te battre.

— Tu ferais moins le malin avec Mario Kart.

Oui, ça me soûle de jouer avec des voitures qui existent dans la vraie vie, sur des circuits connus. Moi ce que j'aime c'est faire la course dans une voiture en forme de carapace de tortue avec des personnages imaginaires. Pour me faire plaisir, Sébastien accepte de passer sur ce qu'il considère comme un jeu puéril.

— Alors, on fait moins le malin !

Je ne dis pas que je gagne plus souvent quand nous sommes sur Mario Kart, mais j'ai quand même davantage de dextérité dans cet univers.


On ne voit jamais le temps passer quand nous sommes à fond dans nos jeux. Les parties ne sont entrecoupées que de pauses pipi, le désavantage de la surconsommation de bières. Il est environ vingt-et-une heures trente. Ça fait déjà plus de deux heures qu'on joue.

— C'est quoi ce boucan dehors ?

L'appartement est situé non loin de l'avenue de Clichy. Celle qui conduit directement au Stade de France. Et puis, il y a aussi un hôpital à proximité donc, au début, je relativise.

— On est vendredi soir, il y a toujours plus de sirènes.

Dix minutes passent et c'est vrai que le bruit devient inhabituel.

— Il a dû y avoir un accident ou quelque chose.

— On ne peut pas fermer la fenêtre, il faut laisser sortir la fumée.

Le journal de Mathieu (10)Where stories live. Discover now