EMMA
La nuit a été courte. Je me suis réveillée à cause du froid ; dans la précipitation de cette nuit, je n'ai pas eu le temps de prendre une veste. Nous ne sommes qu'au début de l'automne mais l'air est déjà frais et humide.
À la lumière du jour, j'observe à nouveau mes blessures : mon poignet est enflé et tout bleu, comme mes genoux d'ailleurs. Mes mains sont quant à elles rouges à cause du sang qui a coulé. Il faut que je trouve un point d'eau pour boire et me nettoyer un peu.
J'entreprends alors de descendre de l'arbre tout en prenant le temps avant d'enfiler les deux bretelles de mon sac de randonnée. Lorsque mes pieds touchent le sol, je sais déjà que les jours qui vont suivre ne vont pas être simples. J'ai mal partout et les muscles de mes jambes sont engourdis et courbaturés.
Je ne sais pas quelle direction prendre ; je sors donc la carte du coin que j'étends sur le sol qui commence déjà à être recouvert de feuilles mortes. Après avoir tourné la carte plusieurs fois de sens, je pense savoir où je suis. Je me trouve environ à une dizaine de kilomètres au sud-est de ma maison, si je ne me suis pas trompée dans la lecture de la carte. J'aurais dû être plus attentive lors des courses d'orientation en primaire. En regardant la carte, je trouve une zone où un lac est représenté. La ville de Perdu-sur-nulle-Part se trouve tout près ; ça serait l'occasion pour moi de trouver à manger et à boire. Je regarde ensuite l'échelle pour savoir combien de kilomètres je dois parcourir pour atteindre la ville : 25 kilomètres.
Malgré la douleur, la faim et la soif me poussent plein Est. Plus que 25 bornes.
La forêt est déroutante, il est presque impossible de s'orienter, de savoir si l'on marche en ligne droite ou pas. J'ai vu tout à l'heure sur la carte qu'il est censé y avoir une route départementale, la D213, tout près. Je vais essayer de m'en rapprocher et de la suivre, ça me ferait gagner du temps et de l'énergie.
Alors que je commençais à désespérer et penser que j'étais définitivement perdue en pleine forêt, j'entends des bruits de moteur. Un, puis deux, puis trois... ça ne semble pas s'arrêter. L'espoir me gagne à nouveau et je me laisse guider par le bruit. Après plusieurs centaines de mètres, j'aperçois enfin la route. Attends, y'a un truc qui cloche, plus personne n'utilise de voiture. Un nœud se forme au creux de mon ventre. La peur se fait de nouveau sentir mais j'ai besoin de savoir pourquoi j'entends des véhicules. Je me rapproche doucement de la route tout en restant cachée derrière les arbres. C'est avec effroi que je reste plantée devant le spectacle qui s'offre à moi : l'homme paniqué qui est entré par effraction chez moi a raison d'avoir peur, les ricains sont bel et bien ici, lourdement armés et par centaines.
Au même moment, je vois un homme sortir des buissons en face de moi. Il tente de s'enfuir dans la direction opposée mais sans crier gare, un soldat pointe son arme sur lui et tire.
Cette vision va me hanter jusqu'à la fin de mes jours, j'en suis certaine... C'est la première fois que je vois un homme se faire tirer dessus et j'ai l'horrible pressentiment que ce ne sera pas la dernière. Je reste là pétrifiée, complétement paniquée.
Je n'entends plus de moteurs depuis plusieurs minutes lorsque je me risque à bouger. Rien. J'expire l'air de mes poumons comme si j'avais arrêté de respirer à la seconde où le soldat a appuyé sur la détente.
Il faut que j'aille voir, il faut que j'aille voir s'il est mort.
Je prends mon courage à deux mains et demande à mes jambes de traverser la route. Je n'ai pas besoin de trop m'approcher pour me rendre compte qu'il est mort ; il est tombé face contre terre, il n'a même pas pu mettre ses mains en avant pour amortir la chute.
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How I survived: Partie 1
Fiction généraleEn 2020, le peuple français procède à une Révolution qui mène à la destruction et au chaos dans le pays tout entier. Alors que le gouvernement s'est enfui face aux menaces des Rebelles, la France est laissée aux mains de l'armée américaine qui a po...