●○ Partie II ○●

31 3 25
                                    

Mon récit commence en 1942, date à laquelle j'ai décidé de fuir mon pays d'origine pour la France où je pensais pouvoir me réfugier,l'Allemagne étant devenue trop dangereuse pour moi. En partant j'ai tout laissé derrière moi : mes amis, ma famille, ma vie. Je suis parti à pied avec pour seul bagage une valise contenant ce que je ne pouvais me résoudre à laisser et de l'argent. Mon voyage a duré environ trois semaines, j'ai parcouru plus de 530 kilomètres et traversé d'innombrables villages et villes où régnaient la misère, la peur et la tristesse. Cette épreuve m'a montré le début des conséquences des actes de mon pays... Rempli d'espoir d'une vie meilleure, je suis arrivé à Paris le 19 juin mais le 21allait signer le début d'un long cauchemar...

Ce jour-là il faisait beau comme souvent au mois de juin et rien ne laissait présager l'horreur que j'allais vivre. J'étais dans la rue quand soudain une émeute a éclaté. Les SS n'ont pas tardé à arriver et ils ont embarqué tout le monde sans exception. Ce n'est qu'arrivé à Drancy qu'ils ont fait le tri parmi nous. Ils nous ont mis en file et ont vérifié nos papiers... Autour de moi c'était le chaos, les gens pleuraient et les personnes déclarées comme étant juives suppliaient les SS de les libérer, mais eux n'avaient aucun sentiment, aucune pitié, aucune compassion. Ils leur disaient de se mettre dans un coin de la salle, qui était surveillé par d'autres SS, ou sinon ils mourraient. Les personnes non juives étaient relâchées et partaient sans un regard pour celles qui n'allaient pas tarder à vivre l'enfer. Mon tour ne tarda pas à arriver et étant jugé comme opposant politique je dus rejoindre les personnes juives. A la fin du tri, les SS nous ont embarqué avec eux mais personne ne savait où nous étions emmenés. La peur devenait de plus en plus présente...

Les policiers français nous ont fait traverser le camp constitué d'un bâtiment en U de quatre étages, et ils nous ont ensuite emmené dans une salle où se trouvait déjà une vingtaine de personnes.Nous sommes restés là tout l'après-midi en espérant que quelqu'un nous fasse sortir... mais c'était de vains espoirs et plus les heures défilaient et plus cet espoir disparaissait. Les autres détenus, lassés de nous voir tourner en rond, nous ont expliqué qu'on ne sortirait pas avant le lendemain. Nous essayâmes alors de dormir mais nous étions plus d'une cinquantaine et nous pouvions à peine nous asseoir, on ne put alors qu'attendre le lever du soleil. Je venais de réussir à m'endormir lorsqu'une personne ouvrit violemment la porte réveillant les quelques chanceux qui avait réussi à trouver le sommeil. Cet homme que je supposais être un gardien du camp nous cria de nous lever et de nous mettre en rang. Lorsque cela fut fait il nous fit sortir et nous emmena dans la cour où d'autres colonnes de détenus nous rejoignait. J'entendis alors d'autres personnes chuchoter que c'était la première fois qu'ils faisaient se rejoindre autant de détenus... Eux qui avaient si peur d'une révolte, avaient entassé près de neuf cents personnes dans une cour cernée d'un bâtiment et d'une clôture.Quand je repense à ce moment, je me dis que nous aurions pu tente rune évasion, mais la peur nous en empêchait et la moitié d'entre nous était dans ce camp depuis longtemps et beaucoup savaient qu'il valait mieux être soumis plutôt que de subir les conséquences d'une évasion ratée. Nous sommes donc restés à notre place et nous avons attendu, nous avons attendu debout pendant près de cinq heures jusqu'à ce que des autobus arrivent. Dès lors, les surveillants nous ont fait rentrer dans les autobus, ou plutôt ils nous ont entassé dedans : nous pouvions à peine bouger. Le trajet n'a pas duré longtemps mais la chaleur était insupportable. J'ai juste eu le temps d'apercevoir une gare que déjà nous étions embarqués vers un autre endroit... En face de nous se trouvait un train composé de wagon à bestiaux et personne ne comprenait ce que nous faisions là... personne ne pouvait comprendre mais surtout aucun de nous était prêt à imaginer ce que ces wagons signifiaient.

Rapidement on nous fit monter dans ces wagons, nous étions environ cinquante dans le mien et nous n'avions pas encore commencé le trajet que déjà nous ressentions la promiscuité et la chaleur étouffante. Les SS fermèrent les portes et dès lors les seules sources de lumière provenaient de deux ouvertures latérales dans les parois du wagon. Le train se mit en route et avec les kilomètres que nous parcourions la peur céda la place au désespoir. Les portes du wagon sont restées fermées tout au long du trajet et lors de notre de départ de France nous ne reçûmes aucun ravitaillement et pas d'eau en cours de route. Pour faire nos besoins nous n'avions qu'un seau que l'on vidait par la lucarne du wagon. Durant ce trajet qui avait duré trois jours et deux nuits, on avait réussi à nous enlever une part de notre humanité et certains commençaient à sombrer dans la folie et à croire que ce qui leur arrivait était mérité. D'autres au contraire commençaient à se révolter et des idées d'évasion germèrent dans nos esprits. Malheureusement notre arrivée au camp d'Auschwitz-I le 24 juin 1942 détruisit tous nos espoirs.

***

Hans MüllerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant