Le 18 janvier 1945, suite à notre révolte qui avait échouée, nous étions quatre-vingt-deux détenus du Sonderkommando mais à la fin de la journée nous étions peu nombreux. Je ne pourrais vous dire le nombre exact car je ne sais pas qui a pu échapper aux SS. Néanmoins je peux affirmer Filip Müller et Bernhard Sakal ainsi que Dow Paisikovic et son père ont pu leur échapper. Le matin lors de l'évacuation du camp, on a entendu : "Aujourd'hui vous ne partez pas travailler. On vous évacue. On évacue le camp". Les troupes de SS étaient désordonnées ce qui nous permis de nous échapper du crématoire et de rejoindre le camp D. Pendant, cette course bon nombre d'entre nous furent tués d'une balle, mais je ne me suis pas retourné pour savoir qui était tombé. Mon seul objectif était d'arriver en vie au camp D. Je me battais pour ma vie car je ne voulais pas qu'elle se termine dans ce camp. Je ne voulais pas qu'on oublie ce qui s'était passé et ce qui nous était arrivé. Ensuite, tous les détenus du camp D étaient rapatriés dans le camp principal d'Auschwitz et c'est là que les SS nous cherchaient. Ils ne voulaient aucun témoin de ce qui s'était produit dans les chambres à gaz. Ils nous ont appelé pour l'appel mais personne ne s'est présenté car nous savions que si nous y allions nous allions être fusillés. Je m'étais caché sous un lit pour ne pas être découvert. Je suppose que ceux qui ont réussi à sortir d'Auschwitz ont fait comme moi.
Nous sommes sortis d'Auschwitz pour la première fois et nous avons entamé ce que nous appellerons plus tard "les marches de la mort". Nous devions marcher par -25° avec nos habits de détenus et des sabots aux pieds. Certains portaient un sac contenant des vivres qu'ils n'allaient pas tarder à abandonner car cela pesait trop lourd. Ils avaient pu avoir ce pain et ces conserves à leur sortie des baraquements mais comme je faisais partie du Sonderkommando et que je n'étais pas censé être en vie je n'eus pas cette chance. On a fait soixante kilomètres dans le froid, la neige et la peur. Nous avons marché trois jours et deux nuits avec seulement quelques arrêts mais ces arrêts ne nous permettaient pas de nous reposer. Nous étions tous mal en point à cause de ce qu'on avait vécu à Auschwitz et beaucoup sont morts dès le premier jour. Je compris alors que le but de cette marche était de fuir le camp car les soviétiques arrivaient mais aussi que cette marche devait tuer le plus de détenus possible pour qu'il n'y ait aucune trace de nous. Au bout de quelques heures de marche, la soif nous tenaillait mais nous n'avions rien à boire... Cette soif s'accentuait avec le froid. C'était un froid sec qui nous asséchait la gorge. Le seul moyen que nous avons trouvé pour ne pas mourir de soif a été de manger de la neige. Elle était sale : elle venait d'être piétinée par plus de trois mille personnes mais nous n'avions pas le choix, c'était ça ou la mort. Alors nous ramassions la neige, on la suçait... Sur le moment cela soulageait notre soif mais l'effet ne durait pas longtemps et dès lors notre gorge nous brûlait et c'était pire qu'avant. La soif me donnait des hallucinations et bientôt je vis une fontaine avec des jets d'eau devant mes yeux mais il n'y avait pas de fontaine. Il y avait juste des centaines de personnes qui marchaient devant et derrière moi et toutes avaient l'air de pouvoir à tout moment s'effondrer de fatigue, de faim, de soif... Derrière moi j'entendais des coups de feu, les chiens et les cris des SS... tout cela se confondait dans un bruit assourdissant. Des SS étaient derrière nous et ils tiraient sur tous ceux qui ne marchaient pas assez vite et ces détenus étaient alors écrasés par les tanks. Nous avions laissé à Auschwitz ceux qui étaient incapables de marcher et tous les malades mais ça n'empêcha pas les épidémies de se répandre. Ceux qui avaient la diarrhée devaient faire leurs besoins sur eux tout comme nous. Nous faisions plus d'une vingtaine de kilomètres par jour et nous ne pouvions pas nous reposer alors nous marchions tel des morts-vivants. On dormait en marchant et je vis même un groupe de cinq femmes qui se tenaient, ainsi celle qui était au milieu pouvait dormir pendant que les autres avançaient et elles tournaient à tour de rôle. Bientôt nous les imitèrent et cela nous permis de nous reposer cependant nos forces nous quittaient et marcher devenait de plus en plus difficile. J'avais mal aux pieds, aux muscles et même aux os mais je me répétais : "il faut que tu marches, il faut que tu avances pour ne pas mourir." alors j'avançais encore et toujours. Finalement, nous sommes arrivés à un carrefour ferroviaire où se trouvait un camp qui venait d'être vidé de ses occupants. Nous étions à Gleiwitz et aujourd'hui encore je ne sais pas comment j'ai fait pour tenir jusque-là... sûrement la volonté de vivre.
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Hans Müller
Historical FictionBonjour Monsieur, Je m'appelle Hans Müller et grâce à un ami j'ai su que vous étiez historien et que vous rassemblez des témoignages de personnes ayant été réprimés et déportés pendant le seconde guerre mondiale. J'ai été déporté dans le camp d'Ausc...