●○ Partie III ○●

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Le train arriva à la gare d'Auschwitz le 24 juin 1942 au matin vers neuf heures, nous sommes descendus sur le quai en laissant tous nos objets personnels, puisqu'on nous affirmait qu'ils nous seraient restitués plus tard. Les SS nous ont fait mettre cinq par cinq puis ils nous ont escorté avec leurs chiens jusqu'au camp. Nous nous sommes retrouvés en face d'un bâtiment des plus austère. Devant nous se dressait une tour centrale avec en son milieu une ouverture qui donnait accès au camp, de part et d'autre de cette tour se trouvaient deux bâtiments qui n'avaient pas de fenêtres. A cette vue, notre peur et notre désespoir se sont accentués jusqu'à devenir insoutenables.

Arrivés au camp, les SS nous ont séparé en deux groupes : les hommes et les femmes. Chaque groupe a été envoyé dans un bâtiment différent,les hommes ont été dirigés à l'ancienne caserne polonaise mais nous ne savions pas où ont été emmenées les femmes. Dans cette caserne, on nous a complètement déshabillés et ceux qui étaient mariés, ont dû retirer leurs alliances. On nous a ensuite tondus et passé à la douche, puis, on nous a habillé de vêtements usés qui étaient blancs avec des rayures bleues. Ces vêtements étaient ceux des déportés d'Auschwitz et sur chaque vêtement était cousu un signe distinctif : l'étoile de David pour les juifs, un triangle rose pour les homosexuels, un triangle noir pour les "asociaux",un triangle bleu pour les personnes ayant fui le Reich... Pour ma part, sur mes vêtements se trouvait un triangle rouge symbole qui représentait les opposants politiques. Ces signes permettaient aux SS surveillants du camp de repérer d'un seul coup d'œil à quelle catégorie de personnes nous appartenions. Après cette étape,nous avons été interrogés sur nos noms, nos professions et si nous possédions des dents en or, les SS complétaient nos fiches au furet à mesure de nos réponses. Dès lors, des détenus sont arrivés avec des aiguilles et de l'encre. Nous ne comprenions pas ce qu'ils comptaient faire avec ça... malheureusement nous eûmes notre réponse lorsqu'ils nous ont appelé un par un pour nous tatouer un numéro sur l'avant-bras gauche. C'était la dernière fois que nous entendions notre nom car dès le tatouage fini, notre matricule était devenu notre nouveau nom. Les hommes de notre convoi reçurent les matricules 40 681 à 41 613, j'eus le numéro 41 457... Les Allemands étaient très méticuleux sur ce point : toutes les personnes arrivant dans ce camp devaient être répertoriées. Le but de ce camp était de briser les personnes et ce tatouage nous volait une part de notre humanité. Ils ont aussi supprimé notre nom...Certains réussirent à le conserver, mais pour cela il fallait qu'ils trouvent en eux la force de se raccrocher à un élément de leur vie passée et que ce nom signifie ce qu'ils étaient auparavant. D'autres au contraire avaient abandonné toute résistance et se laissèrent mourir, le camp avait eu raison d'eux.

Ensuite nous fûmes conduits dans différents blocks. Je me retrouvais dans le numéro 18. Les blocks étaient aménagés avec des boxes dans lesquels on devait dormir à six ou sept : ils mesuraient environ deux mètres de largeur. Ils étaient prévus pour 300personnes mais nous étions au moins le double et ce chiffre ne cessa d'augmenter au cours des prochains jours.

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Hans MüllerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant