Chapitre 2 - Partie 1

12 4 0
                                    

Arrivée à la gare avec dix minutes de retard, je couru à toute vitesse afin de rejoindre le premier guichet qui se présentait à moi. Grâce à mon téléphone, j'avais pu vérifier dans le bus les horaires de trains et j'avais eu le malheur de voir qu'il ne me restait plus que cinq minutes pour monter à bord. Cinq minutes. Ce n'était pas assez long pour gravir toute cette foule, acheter un billet et rejoindre le train en question. J'étais faite comme un rat. On allait me prendre la main dans le sac. Bon dieu, pourquoi étais-je tant guidée par la malchance ?

Sans prendre le temps de réfléchir aux bonnes manières, je dépassai toute la file d'attente en m'excusant de mon impolitesse.

− Je suis en retard... Je suis désolée... Mon train part dans cinq minutes, ne cessais-je de répéter.

Les cris de protestation ne se firent pas attendre, mais je m'en moquais bien. Il me fallait ce billet, tout de suite. Je me postai donc devant le guichet, toute essoufflée, sous le regard médusé de la vendeuse.

− Un billet pour Peyroles, s'il vous plaît, demandai-je en lui tendant cinquante euros.

− Vous devez faire la queue comme tout le monde, s'indigna soudainement la brunette, changeant sa posture.

− Si vous êtes en mesure de faire attendre le train quinze minutes de plus, pas de problèmes, je ferais la queue. Mais si ce n'est pas le cas, vous êtes priée de me donner ce ticket tout de suite.

− Comment osez-vous... ? S'exclama-t-elle.

− Ecoutez, ma sœur souffre d'une anémie aplasique. Ma moelle est compatible avec la sienne. Il faut que j'aille lui faire un don de moelle osseuse pour qu'elle vive. Alors donnez-moi ce billet histoire que j'ai une chance de la sauver !

Je feins une moue désespérée, humidifiant mes yeux pour rendre mon excuse plus crédible. La vendeuse me dévisagea longuement, hocha la tête, puis me donna le billet en question. Je le pris en main et quittai le guichet aussi rapidement que possible. Ma course continua donc et je longeai la gare jusqu'à arriver près de la porte numéro dix. Je pris un grand souffle et pénétrai sur la voie ferrée, ravie de voir que le train n'était toujours pas parti. Mon cœur tambourinait d'excitation. J'allais pouvoir quitter cette ville cauchemardesque pour rejoindre celui de mes rêves.

Comme je m'y attendais, le train était rempli de passagers. En cette période quasi-estivale, il n'était pas étonnant de voir autant de monde se diriger vers le sud du pays. Le train qui allait m'emmener à Peyroles passait aussi par Bellemare, ville hautement connue pour ses plages touristiques. Je n'y étais allée qu'une seule fois, lorsque je n'étais encore qu'une enfant. Mon père n'avait nullement apprécié ces plages bondées de monde « malpropre et indigne ». Il avait besoin de ces immenses buildings à l'architecture droite et simple pour se sentir plus à l'aise. L'état sauvage et imprévisible de la mer n'était pas fait pour son petit esprit bien fragile. Il ne se sentait bien que dans son grand hôpital, ultra hygiénique. Je me demandais bien quel genre d'enfer il pouvait bien faire vivre à ses collègues de boulot. Cesse de penser à lui, me dis-je à moi-même, t'es enfin libre, profite.

Un mince sourire se dessina sur mon visage et je pris une forte inspiration, savourant le goût de la liberté. Je me sentais légère comme une plume. Mon esprit venait d'être soulagé d'un fardeau. J'avais passé le premier quart de ma vie à vivre tel un petit automate bien dressé. Plus rien ne pouvait me forcer à retourner dans cette zone paternelle si dangereuse pour mon âme libertine. Aucune menace. Aucun chantage. J'avais pris si longtemps pour me décider. Les dés étaient jetés et il n'y avait plus de retour en arrière possible. Il ne me restait donc plus que deux choses à faire ; survivre et observer de loin l'étendue des dégâts que j'avais causé.

Equinoxe - Tome 1 : Ne Jamais S'oublierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant