Cet après-midi –là, alors que les douze cavaliers pénètrent dans la première enceinte de la cité, les herses des barbacanes se lèvent à leur passage. Leur meneur, à la monture blanche, fait un signe de la main aux gardes postés sur le chemin de ronde. Les cavaliers longent l'enceinte intérieure. Une dernière porte les attend à l'Est de la cité. L'ultime barbacane, sans doute la plus fortifiée, résonne de cors. Des étendards noirs et blancs, accrochés aux remparts, se balancent au gré du vent. La herse levée, les chevaliers se glissent dans la ville.
Kork, capitale de Hualpazuma. Autrefois connue pour abriter les errants et les exilés, cette cité était un lieu de marché où les peuples de la contrée se rencontraient pour régler des affaires. Les marchandises étaient échangées contre d'autres en fonction de leur valeur. Mais depuis le coup d'Etat de Cortitlán, Kork est devenue bien plus qu'une ville de troc et de négoces. Dorénavant, cette forteresse de pierres et de molasse fait office de demeure royale.
Les habitants de la cité entendent le son des sabots du cortège résonner dans les rues pavées. Des femmes et des enfants crasseux sortent de leurs maisons à colombages pour réclamer l'aumône. Les hommes s'inclinent au passage des cavaliers. Le chevalier à la monture blanche continue sa route à travers la cité sans même prêter attention aux miséreux.
Depuis la prise de pouvoir du tyran, la faim et la crasse ont envahi Kork. Seuls les bergers et les messagers sont autorisés à quitter la ville à double enceinte. A l'intérieur des maisons en chaume, des vieillards allongés sur des draps en lambeaux peinent à respirer. Une odeur de pisse mêlée à celle des égouts se propagent jusqu'à l'intérieur des bâtisses. Les cadavres des nourrissons mort-nés gisent sur les perrons.
Habituée à ce spectacle de misère, Lilith s'arrête face au château royal. Ce dernier possède ses propres remparts. Même si la population est affaiblie, les habitants de la forteresse craignent un soulèvement. Un cheval noir comme l'ébène rejoint celui de Lilith. Héraclès lève son bras droit et les portes de la forteresse s'ouvrent enfin.
Les héritiers et leur escorte s'engagent sous la barbacane château et atterrissent dans la cour. La princesse et son frère descendent de leurs montures. Aussitôt, les écuyers s'affairent à la tâche pour emmener les chevaux aux écuries de la basse-cour. Lilith dépose son casque argenté et ordonne à un des écuyers de la délivrer de son armure.
Libérée de sa cuirasse et de sa cotte de maille, la tunique flottant sur son corps souple, la jeune fille enfile prestement ses poulaines, décorées de fils dorés, que son écuyer vient de lui apporter sur un coussin pourpre. Puis, elle glisse sa main dans sa chevelure ambre pour masser sa nuque, endolorie par l'armet.
Héraclès contemple avec fierté la forteresse. En guise de clochetons, les tours sont surmontées par des fourches à deux dents, qui semblent transpercer les cieux. Un blason orne de son emblème l'entrée principale. Il représente un sanglier et un chien se dressant sur leurs pattes postérieures, face à face. Chacun des deux brandit une fourche à deux dents. Au sommet de l'emblème, dominant les armes et les bêtes, un pivert déploie ses ailes vertes.*
Face à sa psyché, la princesse de Kork se laisse parer par sa servante qui lui dépose délicatement sur sa tête un diadème argenté surmonté d'émeraudes. Au sommet du joyau s'envole un pivert couronné, décoré de perles, de grenat et d'or émaillé. Sur le ventre de l'oiseau, scintille un rubis. La coiffeuse brosse une dernière fois les cheveux de feu avant de les laisser tomber sur l'étoffe rouge-sang de la stola, parsemée de rubans dorés. Pensive, Lilith contemple son bracelet en or cloisonné, incrusté de verre. La silhouette d'un fier sanglier se dessine, frappée dans le précieux métal. La servante achève son travail en recouvrant les épaules et les bras nus de la princesse d'une palla pourpre. Après avoir ajusté quelques fibules pour maintenir l'étolle, la jeune fille se détourne du miroir pour se lever :
- Merci Lavande, murmure la princesse songeuse, tu es une merveilleuse ornatrix. Je veillerai à ce que tu en sois récompensée un de ces jours.
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Prince Atamocté
FantasyVingt ans après son coup d'Etat, le tyran Cortitlan règne sur une contrée à feu et à sang. Alors que les peuples s'entrechoquent dans une symphonie de fer et de larmes, quatre jeunes guerriers se lancent dans une quête pour ramener la paix au sein d...