Prince Atamocté

CHAPITRE 11 : Trahison

Avec précaution, Iphigénie descend de sa monture, veillant à ce que personne ne distingue la flèche cachée dans son sarong. Une dizaine de gardes entourent la messagère et Dame Blanche, leurs arbalètes braquées sur elles. Sur ses gardes, la chimère s'apprête à donner l'alerte, au cas où elle apercevrait le javelot de Morrigan. Girouette rattrape ses deux partenaires et vient se percher sur l'épaule de la jeune princesse.

C'est alors que les portes s'ouvrent sous l'emblème de Kork. Une jeune femme sort de la forteresse, sa robe fushia léchant le sol derrière elle. Trois chevaliers l'escortent. Iphigénie reconnaît bien la princesse Lilith avec ses cheveux couleur ambre. Son diadème argenté scintille férocement sous la lumière des torches de feu.
L'une en face de l'autre, les deux princesses se regardent un moment mais Lilith ne peut s'empêcher d'observer la chouette effraie géante. Enfin, les yeux baissés, elle s'incline devant la jeune Calypsacayenne :

- Bienvenue à Kork Votre grâce, murmure-t-elle. Quelle fut ma surprise lorsque l'on m'a annoncé votre venue. D'autant plus qu'il s'agit de la plus jeune des enfants d'Ulysse.

Eberluée par tant de politesse et de charme de la part de son adversaire, Iphigénie se contente de s'incliner légèrement :

- Votre Altesse ! Sachez que c'est avec fierté que j'endosse ce rôle. Cet accueil chaleureux dont vous me faîtes preuve renforce mon enthousiasme à discuter avec vous.

La fille d'Ulysse se surprit elle-même à prononcer des phrases aussi bien construites.

- Voilà de belles paroles, sourit Lilith. Venez donc vous réchauffez à l'intérieur ! Une table garnie de mets vous est réservée ma chère. Ce voyage depuis les Griffes Argentées par les airs a dû vous fatiguer.

- Avec joie ! Puis-je emmener mon compagnon de vol ?

Lilith scrute la petite chouette à lunettes et s'esclaffe de rire :

- Evidemment ! Cette petite boule de plumes a l'air d'avoir faim.

Iphigénie se mord les lèvres en sentant les serres de Girouette pincer son épaule. Apparemment il n'a pas apprécié ce surnom :

- Et qu'adviendra-t-il de la déesse ? demande-t-elle.

- La chimère vous voulez dire ? répond Lilith. N'ayez crainte ! Le javelot de Morrigan est sous clef.

« Quelle courtoisie ! » se murmure Iphigénie à elle-même. Une voix mielleuse, une tenue élégante et un regard perçant. Cette fille a vraiment le don d'ensorceler les gens. Qu'est-ce que ça doit être avec les hommes ! Pour l'instant, la politesse l'emporte sur la rivalité, mais jusqu'à quelle limite ? Déjà, Iphigénie croit distinguer sous le tissu de la robe de Lilith les traits d'un poignard...

*

Accoudée à une table en bois, Lilith observe son hôte se garnir de cuisses de poulet. Iphigénie n'a jamais eu la chance de profiter d'un si bon repas auparavant. Girouette, lui, se contente de regarder les alentours : une petite salle d'audience illuminée par des torches. De chaque côté de la pièce, des vitraux sont creusés dans la roche. Deux gardes cernent l'entrée de l'escalier en colimaçon. La petite chouette a la désagréable impression de se trouver dans une cellule...
Lilith boit une gorgée de vin rouge et entame la conversation :

- Veuillez pardonner mon père, Sa Majesté le roi Cortitlán. Etant donné son état, je crains qu'il ne puisse être des nôtres ce soir.

- Quel dommage ! J'en suis navrée, répond Iphigénie la bouche pleine.

- Vous vouliez me faire part d'une chose urgente il me semble, continue la fille de Cortitlán en massant sa nuque.

- C'est exact ! Si je suis ici, c'est dans le but de mettre un terme à cette guerre.