- Je vais t'avoir mon petit ! souffle la jeune fille.
Celle-ci remonte ses cheveux, dorés comme le blé, par-dessus ses épaules. Accroupie sur un sol boueux après la bruine du matin, la jeune enfant fixe son premier indice : une empreinte fraîche. Elle penche son nez et hume l'air. Il s'agit bien d'une niéryce ! Puis, elle tâte l'empreinte, similaire à celle d'une gazelle, et constate que peu de débris naturels l'ont recouverte. La jeune fille est sur la bonne voie ! Il faut qu'elle persévère et surtout qu'elle ne fasse aucun bruit...
Calmement, elle regarde tout autour d'elle, à la recherche du moindre mouvement, ou du moindre bruit suspect. Apparemment elle est bel et bien seule, pour l'instant. De toute manière elle sait se défendre ! Bien que son père ait ordonné à Titus de la surveiller... En plus elle est la plus jeune fille du chef de son village et c'est son rôle de chasser pour nourrir les siens. Aujourd'hui il semble que la chance soit de son côté, une belle niéryce pourrait bien lui servir de garde-manger.
La fille remet son carquois sur son dos, bande son arc et ajuste une flèche pointue. Avant sa mort, sa mère leur a attribué des couleurs à elle, sa sœur et ses deux frères. Le rouge pour Ajax, le bleu pour Hélène, le vert pour Titus et le jaune pour elle. Par conséquent, ses flèches mortelles et son arc taillé dans du chêne sont peints de la couleur du soleil. Pourtant, depuis qu'elle est toute petite, elle envie la couleur d'Hélène. Peut-être parce-que leur mère avait les yeux bleus...
Brusquement, un bruit de feuilles écrasées fait sursauter la jeune fille ! Celle-ci se retourne furtivement, en position de tir ! Ses yeux de chasseuse s'assombrissent, prêts à rencontrer ceux d'un animal féroce ou d'un serviteur de Cortitlán. Mais rien ne surgit... :- Calme-toi Iphigénie ! Calme-toi, se dit-elle à voix haute.
Puis un écureuil curieux se faufile entre les fougères, saisit trois glands et les cache dans sa gueule qui double de volume. Iphigénie manque de rire en regardant cet animal gourmand aux joues gonflées. Mais elle doit continuer à chasser la niéryce ! Plus le temps passe, moins elle aura de chance de la tuer. Quelle honte pour elle si la princesse Iphigénie revenait bredouille au village !
Mais la chance lui sourit à nouveau: des poils marron-clair sont restés accrochés à une ronce ! La chasseuse les saisit puis les évalue au toucher : ils sont encore chauds... Iphigénie enlève les épines qui se sont enfoncées dans le chintz de son sarong.
En tant que fille d'Ulysse, la princesse est revêtue de cette étoffe de valeur ! Bien que le chintz soit courant à Kork, il reste cependant rare dans les villages. Iphigénie est vêtue d'un apodesme qui lui enroule la poitrine dans un chintz bleu-pâle. Son sarong, qui entoure ses hanches, a été teint de la même couleur et des rubans de soie violette ont été cousus sur les contours de sa tenue. De loin, tous les habitants de Hualpazuma reconnaîtraient une princesse par sa tenue ! Mais l'accessoire le plus précieux à ses yeux reste ses deux boucles d'oreilles. Minuscules et taillées dans du rubis !
Iphigénie essaie de se repérer... Elle a quitté Calypsacaä pour l'Ouest il y a environ deux heures. Le crépuscule va bientôt s'annoncer, une niéryce est passée par-là... Par conséquent, Iphigénie devine qu'une clairière doit être proche d'elle ! Les troupeaux de niéryces raffolent des prairies humides.
La jeune princesse bande son arc et traverse une forêt de sapins baumiers avant de déboucher enfin à la lisière d'une prairie colorée par le soleil couchant.
Comme prévu, un troupeau de niéryces femelles broute l'herbe jaune. Semblables aux antilopes, seuls les mâles possèdent des cornes. Les rayons du crépuscule rendent leur pelage orange avec des reflets rouges sur le dos !
Iphigénie ferme les yeux et remercie Mersita de l'avoir aidée. Les villageois de Calypsacaä la vénèrent. La déesse Mersita qui possède un carquois, un arc et des flèches magiques. Voilà pourquoi tout le monde à Calypsacaä doit savoir manier l'arc dès le plus jeune âge, surtout en cette période sombre. Associée à la lune, Mersita aide les chasseurs à trouver leurs proies. Chaque village croie en une divinité différente.
Iphigénie rouvre ses yeux et contemple ces animaux sacrés qui sont aussi l'emblème de Mersita. Soudain, dans les sous-bois, à sa droite, elle repère un mâle caché surveillant les femelles et prêt à sonner l'alerte. Dissimulée derrière le tronc d'un sapin, la princesse peut l'observer à son gré.
Puis, elle suce son index pour ensuite le lever en l'air. Le vent souffle contre elle : la niéryce mâle ne peut pas humer son odeur humaine ! Des yeux noirs, des cornes pointues en forme de lyre... Voilà le genre de trophée rêvé pour Iphigénie ! Sa cible se trouve à une bonne dizaine de mètres... Mais cette chasseuse redoutable a déjà tué bien d'autres animaux sauvages à des distances encore plus éloignées. Après avoir évalué la situation, la princesse commence à bander son arc, prête à décocher sa flèche :
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Prince Atamocté
FantasíaVingt ans après son coup d'Etat, le tyran Cortitlan règne sur une contrée à feu et à sang. Alors que les peuples s'entrechoquent dans une symphonie de fer et de larmes, quatre jeunes guerriers se lancent dans une quête pour ramener la paix au sein d...