— Les sentiments sont nuisibles, néfastes et inutiles. C'est la fin de la leçon.
Le professeur referma son livre et parcourut d'un regard las, une dernière fois, la salle. Lorsque son regard azur rencontra ceux d'une jeune fille, seyant au fond de la classe, il sembla brasiller d'inimitié pendant une microseconde puis reprit son ennui éternel. Il contourna son bureau et sortit de la pièce aussi rapidement qu'il y était entré. La porte blanchâtre claqua derrière la cape qui couvrait son dos. Les quelques mots qu'il s'efforçait de prononcer chaque jour paraissaient beaucoup l'ennuyer.
Depuis le départ de leur professeur, les élèves n'avaient pipé mot. Ils ne fixaient que le tableau noir, devant eux, qui contrastaient avec le blanc de l'endroit. La pleine lune éclairait, aidée par les lampes, à travers les fenêtres qui longeaient l'un des murs les visages inexpressifs qu'aboraient les adolescents.
Leurs yeux étaient dénudés de toute émotions, véritables puits sans fonds, ils reflétaient le vide qu'avait laissé les sentiments. L'humanité.
Mais parmi, cet amas de masques inexpressifs et morne, un seul visage, un seul regard peinait à contenir toutes les émotions qui nuançaient sa figure et ses prunelles. Elle s'efforçait de revêtir le masque austère de ses camarades pourtant, en détaillant bien les traits de la jeune fille, on percevait avec aisance sa différence.
Dans un grincement presque mélodieux et à peine perceptible, la porte s'ouvrit. Une jeune fille fit lentement son apparition et avança avec grâce jusqu'à son bureau, la talonnade de ses talons à aiguilles sur le carrelage blafard rythma sa marche. Elle était vêtue d'un pantalon fait de denim sombre et d'une chemise blanche aux manches lâches surhaussée d'un corset sombre qui dessinait parfaitement sa svelte silhouette. Ses cheveux de jais, bouclés naturellement, recouvraient ses épaules et encadraient son visage pâle.
Ses yeux bleu charron respiraient indifférence et mépris vis-à-vis des élèves et ses lèvres fines vermeilles tiraient un sourire forcé.Lorsqu'elle fut derrière son bureau, les élèves se mirent debout et d'un geste machinal de la main, elle leur intima de se rasseoir. La jeune fille sortit du sac qui pendait à son flanc — jusqu'à présent caché par la cape noir qui surplombait sa tenue —un livre qu'elle feuilleta, avant de lancer :
— Nous allons voir les règles de la sphère.
Sa voix se voulait gentille mais conservait une animosité mal dissimulée.
Les règles de la sphère, les élèves les connaissaient par cœur. Après tout, c'était elles qui rythmaient leur vie.
— Premièrement: adorer Ymiris seul et l'aimer plus que tout.
Deuxièmement : ne pas chercher à comprendre.
Troisièmement: exterminer les habitants de la zone zéro.
Quatrièmement: Ne pas ressentir de sentiments.Et elle continua.
En tout, la sphère renfermait une trentaine de règles à ne pas transgresser sous peine "d'élargissement".
La professeure avait fini d'énumérer les règles de la sphère. Ayant la gorge sèche, elle sortit de son sac une pochette en plastique empli d'un liquide et une pipette avec laquelle elle perça la poche et sirota son contenu rougeâtre . Ses yeux se promenèrent un instant dans la pièce avec la même lassitude que le professeur précédent : elle était harassée de former des êtres inférieurs. Lorsque la jeune fille aperçut sa tignasse blonde pâle, la lassitude dans son regard s'envola et le mépris s'intensifia.
Que ce soit son apparence, de la couleur de ses yeux en passant par ses cheveux ou encore par son attitude et son regard : tout était trop différent.
La professeur haussa de façon hautaine ses fins sourcils « encore une non-élargie qui posera problème. » pensa-t-elle.
— Passons à l'appel, numéro dix-un, appela-t-elle.
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10-10 ou LiLy ?
Fantasy« La Guerre est déclarée» Lorsque deux dieux qui se vouent une haine dissimulée décident d'enfin savoir lequel de leur peuple est le plus puissant. Quand deux espèces décident d'en finir avec l'autre au nom de leur Dieu : Le gagnant n'est pas à do...