POV : Ukrainia
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Kiev est mort le 13 août 1944 à 23h13
Lviv est morte le 20 août 1944 à 13h50
Donetsk est mort le 1 septembre à 5h23
Sébastopol est mort le 4 septembre à 1h45
Odessa est morte le 16 septembre.
Toutes mes villes sont mortes.
Il ne reste plus qu'Ukraine.Ma famille va mourir, ça me fait de la peine de les voir tous aussi rachitiques et épuisés. Un jour, Russie a essayé de riposter contre un SS, en vain. Le soldat lui a mis un coup de genou dans l'entrejambe et mon frère s'est étalé par terre, rouge de douleur et hurlant, les larmes aux yeux.
Tous les jours, ils abattent sans pitié n'importe qui qui devient incapable de manier une pelle.
Ils nous lavent à grands jets d'eau glacée, nous nourrissent au pain sec. Belarus et moi avions trouvé une technique peu ragoûtante pour nous hydrater : creuser un trou dans la terre et y boire l'eau terreuse, la soif nous tuerait plus que l'épuisement ou la faim.
Nous passions nos nuits, collées l'une contre l'autre, je sentais ses larmes et sa peur que je tentais d'étouffer.
Quand j'étais petite, j'avais peur des monstres comme Baba Yaga ou des fantômes. Maintenant, mes monstres sont des hommes qui marchent en rang, germanophones, aux uniformes impeccable, qui vous frappent au fouet et qui vous haïssent.Encore une journée de travail, cette fois-ci les nazis étaient encore plus strictes que d'habitude. Des femmes sont tombées d'épuisement, je devais à chaque fois retenir Belarus par la manche. Si elle les aidaient, ils la flingueraient avec elles. Il faut donc les voir s'effondrer au sol sans rien faire, juste creuser inlassablement la terre qui sera notre tombe.
Ils sont de plus en plus haineux envers nous, les communistes, parce qu'ils ont essuyé une lourde défaite par Stalingrad. Alors dès qu'ils en ont l'occasion, un coup de fouet sur les jambes ou sur le dos.La nuit nous dormions toujours, Belarus et moi, collées pour se réchauffer. Comme les lits des baraquements étaient partagés, je sentais aussi les autres déportées s'appuyer sur mon dos.
Et puis cette nuit-là, j'ai senti le corps de la ville derrière moi se raidir et lentement se refroidir. Un poing glacé le serrait l'estomac : elle venait de mourir sur moi.
C'est alors que j'ai réalisé dans quel enfer nous vivions, Belarus, Russie, Kazakhstan et moi.
J'ai serré le corps chaud de ma sœur, son cœur qui battait était pour moi le meilleur des réconfortants.
Cette nuit-là, les garçons étaient venus.- Vous êtes fous d'avoir écouté la conversation de Third Reich ! Chuchotais-je
- Peut importe. Demain matin, ils vont nous déporter vers un autre camp, nous n'y survivront pas. Déclare Russie sur le même ton
- Il faut donc qu'on se cache maintenant, quelque part. Ajouta Kazakhstan.Tu travailles dans le tri des affaires de déportés, non ? Le tas de vêtements fait environ quelle taille ?
Je réfléchis un instant. Puis murmura :
- Assez pour nous cacher.
- Parfait. On y va alors. Déclara Russie. C'est tout ou rien. Donne moi Belarus.
Je lui passa le petit corps endormi de notre sœur, puis descendit à mon tour.
Nous traversâmes le camp jusqu'au baraquement où étaient stockés les affaires des déportés.
Russie y "creusa" un grand trou et nous y rentrons tous ensemble.
La chaleur était étouffante, tout puait sa sueur et la terre. Il ne fallait pas parler au risque d'être découverts.
Nous avons attendu des heures ainsi.Puis, des gens ont ouvert la porte du baraquement
- Watwaa uuu iouu faïnd inisink .
Ce n'était pas de l'allemand. Quelque chose d'intelligible. C'était de l'anglais, américain.
- On sort. Ordonna Russie
- Wat sa fik ?! Cria USA par surprise quand il nous vit émerger de la montagne de vêtements.
Un autre soldat lui murmura quelque chose, puis s'exprima :
- Restez-calmes, nous sommes vos alliés.
Ils nous a tendu des vestes et du pain.
- Iour nigtmèr iz over, nô. Déclara l'Américain
Je ne comprenais pas. Mais j'ai tout de suite deviné «Votre enfer est fini»
C'était la libération des camps.