Malédiction

Chapitre 4

Je trouve finalement un bus de nuit qui passe à Erynt. Je n'ai pas d'argent alors je fraude. Il n'y aura pas de contrôleurs à cette heure ci donc je peux être tranquille.
Je m'assois dans les rangées du fond. Je mets ma capuche et colle ma tête contre la vitre froide et humide. Le bus est quasiment vide.

J'attends impatiemment de rentrer chez moi, manger, fumer une petite cigarette ou deux et aller dormir. Retrouver ma chambre, mon espace, mon univers.
Je pense encore à ma disparition. Bordel, pourquoi tout ça est si étrange ? Et Richard alors, ses yeux... C'est un homme étrange et je n'ai pas envie de le revoir.

Alors que beaucoup d'hypothèses sur ma disparition se bousculent dans ma tête, je remarque que le bus arrive bientôt à Erynt.

Il s'arrête finalement et je descends. J'attends que le bus s'éloigne et je traverse la route. Je suis à une centaine de mètres de chez moi et je me demande comment je vais entrer car mes parents ne sont pas au courant que je me suis échappée. Du moins, pas encore. L'hôpital ne va pas tarder à les prévenir de ma nouvelle « disparition ».

Cette nuit d'automne est vraiment froide et je n'ai qu'une hâte : rentrer chez moi et me réchauffer.
J'arrive enfin devant chez moi, frigorifiée.  Comment rentrer sans me faire remarquer ?
Alors que je réfléchis à comment entrer par effraction chez moi, les lumières de la maison s'allument et j'entends du bruit. Je décide de me cacher derrière un muret. Je perçois à travers la porte-fenêtre l'ombre de mes parents qui ont l'air de se préparer à sortir précipitamment. J'entends une porte s'ouvrir et se refermer, les murmures inquiétants de mes parents. Ils se déplacent vers la voiture et mon père prends le volant. Le moteur rugis et l'automobile avance dans l'allée. Elle s'éloigne petit à petit, me laissant la voix libre pour entrer chez moi. Je me souviens à cet instant que ma mère cache régulièrement une clef de secours sous le nain de jardin, à côté de la porte.  Je vais vérifier si la clef est là. Par chance ma mère l'a laissé.

Je m'empare donc de la clef et rentre dans la maison. Rien n'a changé. Tout est parfaitement rangé, la maison est propre. Aucun magasine ne traîne sur la table basse, aucune trace de poussière sur le dessus des livres. Rien. Rien n'a changé. J'avance lentement vers le salon et redécouvre petit à petit ma maison.

J'emprunte les escaliers menant à ma chambre. Certaines marches grincent sous le poids de mes pas. J'arrive enfin devant la porte de ma chambre, je pose ma main sur la poignée froide et la tourne lentement. La porte s'ouvre dans un  grincement désagréable, me laissant constater que là non plus, rien à changer. Des posters de mes groupes de rock préférés accrochés aux murs, des étagères bourrées de livres que j'ai lu et re-lu, des tonnes de photos de Nolan et moi et une guirlande lumineuse.

Je referme la porte derrière moi et m'assoit sur mon lit. Je fixe chaque mur, chaque meuble, chaque livre, chaque... tout.

Mes yeux se posent finalement sur mon grand miroir. Alors que je fixe intensément mon reflet, les voix reviennent. Ces voix,c es chuchotements qui me font frissonner. Je ne sais pas pourquoi, elles persistent et m'appellent encore et encore.

Je me lève, sans quitter mon reflet des yeux et me rapproche lentement. Plus j'avance vers le miroir, plus les voix sont fortes. Je ne cesse d'observer ce double de moi, identique mais aussi tellement différent. Je ne saurais l'expliquer. Lorsque ma main touche la glace, un flash apparaît dans mon esprit. Ces yeux, toujours les mêmes et un rire démoniaque.  A travers les yeux noirs, une éclipse puis une explosion. Et mon corps est projeté à travers la pièce. Je me cogne contre une étagère et un tas de livres me tombent sur la tête.

Je me relève, un peu assommée et effrayée. Que vient-il de se passer ?

Je me rapproche à nouveau du miroir et avance timidement ma main. Lorsque mes doigts et le miroir entrent en contact, rien ne se passe. Je touche à nouveau le miroir mais plus brusquement cette fois. A ma grande surprise, rien ne se passe.