Chapitre 10 : Miss Weller

199 41 60
                                    

Restée seule avec Nicolas et Isabelle, Miss Weller se sentait terriblement mal à l’aise. Dire que tout ce qu’elle voulait à l'origine était d’apprendre le métier de professeur d’histoire aux côtés d’un bon précepteur, et c'était tout. Elle adorait les musées et apprendre des choses, elle avait pris énormément de plaisir à visiter les dédales de couloirs du musée, et malgré l’agitation des élèves qui avait parfois été un obstacle à la concentration, elle avait adoré la visite.

Elle travaillait aux côtés du professeur Smith depuis le début de l’année et quand elle avait rencontré son tuteur pour la première fois, elle n'aurait jamais pu imaginer que cette histoire de terminerait d'une manière aussi cauchemardesque.

Weller détestait le conflit, elle était en général de ceux qui préféraient ignorer les problèmes jusqu’à la fin plutôt que de tenter de les résoudre, elle se sentait trop faible pour être capable de venir à bout d’un obstacle, qui la concernait ou non. C’est pourquoi elle ne faisait que rougir, sans répondre, lorsque des élèves, à tout hasard Loup et Cléa, s’en prenaient à elle.

Elle n’avait pas vraiment pu opposer de résistance au fait que Smith veuille qu’elle reste avec ceux qui voulaient enquêter plutôt que de chercher des secours, même si elle-même aurait préféré être avec la majorité du groupe. Mais elle faisait confiance à Smith, et puis elle n’aurait pas eu le courage de contester.

Maintenant face à Nicolas et Isabelle, ces deux élèves qu’elle ne connaissait pas faute de les avoir en cours, Weller ne savait comment réagir. Elle observa les deux élèves discrètement pendant plusieurs minutes, et se fit la réflexion qu’ils étaient très opposés en apparence.

Isabelle était très grande, peut-être le mètre soixante-dix-sept, et Weller avait déjà remarqué qu’elle dépassait Cléa alors que la blonde possédait déjà une taille respectable. De longs cheveux noirs et lisses sans une mèche de travers, des yeux tout aussi sombres, et un visage d'une pâleur presque maladive. Elle paraissait très sobre et froide, élégante aussi, à sa façon. Rien dans son apparence n'attirait réellement le regard, elle aurait été invisible dans une foule. Tout en elle respirait la discrétion.

A côté, Nicolas n’atteignait qu'à grand peine la taille de la jeune fille, et ses cheveux blonds en désordre contrastaient avec son style vestimentaire soigné. Ses yeux étaient clairs également, d’un vert d’eau presque transparent, et captaient parfois des rayons de lumières vacillant dans ses pupilles d'une manière presque hypnotique. Il portait encore un col roulé malgré la température qui augmentait à vue d'œil au fil des mois, et ses éternelles mitaines noires. Contrairement à Isabelle, son charme bien que sobre était indéniable.

Bien que leur physique était relativement opposé, ils paraissaient à cet instant tout aussi froids l’un que l’autre. N’esquissant pas un sourire, le visage fermé, ils s’approchèrent de Weller et  Isabelle pris la parole la première :

- On retourne inspecter le cadavre. Au calme, sans personne pour nous déconcentrer. Il y a forcément quelque chose qu'on a raté, un indice qui nous mettrait sur la voie.

La jeune stagiaire sentit ses mains se mettre à trembler, mais elle les serra pour éviter que les deux élèves ne le remarquent. Sans les regarder, elle bégaya une réponse.

- Je… Vous ne préféreriez pas attendre le reste du groupe ici ?

- Non, la coupa Nicolas d'un ton froid tout en la scrutant de son regard perçant. Si on a voulu rester, c'est justement pour pouvoir enquêter tranquillement. Pas pour attendre sans rien faire.

- Dans ce cas, est-ce que je peux venir avec vous ?

- Désolé Miss mais non, on a encore aucune preuve que vous n'êtes pas le meurtrier, expliqua Isabelle avec un calme terrifiant. Nous prenons déjà assez de risques en cherchant à deux, alors c'est suffisant.

Miss Weller commença à paniquer. Elle ne pouvait pas laisser les deux adolescents s'approcher à nouveau du cadavre… Surtout si elle ne pouvait pas les suivre. Elle croisa le regard du garçon et se figea sous la lueur d'humour qu'elle lu dans celui-ci, et qui ne ressemblait en rien à l'attitude habituelle de son élève, qui à ce qu'elle avait pu en voir, ne riait jamais.

- S'il vous plaît, ne me laissez pas toute seule… supplia l'adulte les larmes aux yeux.

Elle devait avoir l'air pitoyable, mais tant pis. Elle devait surveiller ces deux lycéens coûte que coûte.

- Impossible, persista Nicolas. Ne vous inquiétez pas, les autres reviendront rapidement ici.

Sur ce, il fit demi-tour et s'éloigna, Isabelle lui emboîtant le pas après un dernier regard dans la direction de leur professeur paniquée.

Celle-ci décida, sous le choc, de s'asseoir, et de ne plus bouger. Elle était peut-être seule, mais il était hors de question pour elle de tenter de les suivre ou de rejoindre l’autre groupe. Ou encore de se mettre à la recherche de celui composé par Nancy, Loup et Cléa.

Puisqu'elle était seule, elle allait bien occuper son temps.

L'Art de TuerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant