Chapitre 9 : Colin

339 54 207
                                    

Être enfermé la nuit dans un musée, alors que tous les gardiens avaient disparus, Colin pouvait le supporter. Même découvrir le cadavre de Jérémy, il l'avait mieux vécu qu'on aurait pu le croire. Après tout, le garçon était calme et posé, il savait réfléchir et gérer les situations compliqués. Depuis qu'il faisait partie de cette classe, il avait toujours consolé ceux qui en avaient besoin, réconcilié les amis qui se disputaient, allégé la peine de ses camarades autant qu'il le pouvait. Il savait que tout dégénérerait s'il cédait à la panique, car certains se reposaient sur lui et qu'il faisait son possible pour les rassurer, en tant que délégué et en tant qu'ami.

Il n'avait jamais aimé Jérémy, même s'il était rare qu'il ne voit rien de bien en quelqu'un. Ce sale fouineur l'avait bien cherché, il fallait dire. Enfin, c'était le passé. Il ne reviendrait plus harceler personne, à présent.

En revanche, si Colin avait supporté calmement le début de soirée, cette fois c'en était trop pour lui. Contrairement à Jérémy, Adrien était son ami. Alors quand il entendit l'ascenseur se mettre en branle, son camarade enfermé à l'intérieur, il se précipita contre les portes closes et cria en frappant dessus de toutes ses forces.

Le grand brun ne se considérait ni comme courageux, ni comme impulsif, pourtant l'espace d'un instant il ne contrôla tout simplement pas son corps. La peur qu'il avait refoulé une heure durant refaisait brusquement surface.

Comment la porte avait-elle pu se refermer sur Adrien ? Personne n'avait appuyé sur le bouton. Colin avait beau essayer de se convaincre que le clown de la classe allait réapparaître comme si rien ne s'était passé, le souvenir du mot de M lui donnait des frissons. Le meurtrier avait prévu de tuer l'un d'eux à chaque heure, et au moment prévu un élève disparaissait. Il y avait de quoi être terrifié.

Un petit ding le fit sursauter et il s'éloigna de l'ascenseur, l'espoir ressurgissant soudain. Les portes commencèrent à s'écarter, et le brun eut l'impression qu'elles mettaient des années à le faire.

Mais quand enfin elles furent grandes ouvertes, il n'y eut plus aucun doute possible : Adrien ne s'y trouvait plus.

Colin resta figé devant, les yeux écarquillés. Il reprit deux grandes inspirations. Il avait conscience des regards fixés sur lui, car ses camarades et son professeur ne l'avaient jamais ni entendu crier, ni perdre ses moyens auparavant. Mais le garçon savait ce qu'il avait à faire à présent.

Il se redressa et entra dans la cage d'ascenseur, alors que Monsieur Smith lui ordonnait de rester où il était. Il patienta plusieurs secondes pour voir si les portes allaient se refermer sur lui, mais ne fut pas vraiment surpris que ce ne soit pas le cas. Après tout, un seul d'entre mourrait à chaque heure… ils en avaient donc une entière pour trouver le coupable sans qu'un autre ne disparaisse. Était-ce possible ?

- Il n'est pas mort, annonça-t-il malgré tout à ses camarades. Sinon il y aurait du… du sang. Ou des traces de lutte. Il n'est pas mort.

- Il aurait très bien pu être assommé, fit remarquer Cléa avec calme. Par quelqu'un qui se trouvait plus bas ou plus haut, puis tué et caché quelque part, ce n'est pas de coins noirs qu'on manque dans ce musée. Peut-être que le corps a été enfermé dans une cabine de toilettes et qu'on ne le retrouvera pas de sitôt.

La voix froide de la jeune fille avait réussi à arracher un cri paniqué à Lila qui avait enfoui le visage dans ses mains pour s’empêcher de pleurer. Nancy avait entouré les épaules de la jeune fille de son bras pour la consoler, et lança un regard noir à la blonde platine qui fixait toujours l'ascenseur avec insensibilité et ignorait avec arrogance les réprimandes muettes de la première de classe.

- On dirait que tu y as bien réfléchi, constata Loup avec son sempiternel sourire.

Il redressa son menton face à Cléa, et ses yeux glacials passèrent la blonde platine au peigne fin. Il semblait la défier une nouvelle fois, et les élèves sentirent à ce moment là que bien que d’apparence leurs duels restaient les mêmes, le fond avait changé, et cette fois le ton arrogant n’avait plus les mêmes lueurs d’amusements. Les deux belligérants qui d’habitude jouaient au chat et à la souris, semblaient cette fois avoir entamé un jeu d’ombres stratégiques.

L'Art de TuerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant