Je cherchais à me dégager, mais le souverain me tenait fermement contre lui. Une petite pensée sur l'injustice de cette différence de force me traversa, vite remplacée par celle sur mon ami en détresse.
— Lâchez-moi ! Je dois aller l'aider.
— Prince ! gémit Esméralde.
— Ne t'approche pas de la princesse ou je te transpercerai, menaça mon geôlier.
— Lâchez-moi, vous dis-je ! Il est malade, je dois l'aider ! m'agaçai-je de plus en plus.
— Justement ! Il est malade ! dit-il avant de reporter son regard vers mon ami. Si tu ne veux pas faire mourir ta princesse, ne l'approche pas !
Je regardai le malade qui restait figé, obéissant sagement malgré la douleur évidente qui l'animait. Il se plia, la sueur le couvrant de ses cheveux à ses pieds. J'étais déboussolé. Pourquoi le roi Efray agissait-il ainsi tout à coup? Pourquoi Esméralde l'écoutait-il ? Que se passait-il ? Ma respiration était devenue hachée et des larmes d'impuissance perlaient à mes yeux. C'était la première fois que l'on m'empêchait de m'approcher avec autant de force de quelqu'un qui avait besoin d'aide. Mon père arriva alors, suivi de plusieurs individus habillés en noir avec un visage couvert. Je réalisais alors que ce devait être le serviteur qui était parti le prévenir.
— Emmenez-le, ordonna mon père avec peine mais autorité.
— Père que se passe-t-il ? hurlai-je désemparé.
— Vous l'avez aussi dans votre royaume, déclara le souverain en visite.
— Pas ici. Roi Efray. Merci d'avoir protégé Gabriel.
Ce dernier hocha la tête et me relâcha uniquement lorsque les inconnus emmenèrent mon ami loin de nous. Instinctivement, je me précipitai vers celui qui avait toujours su me rassurer et il m'accueillit sans honte dans ses bras. Mes mains se crispèrent sur ses vêtements pendant que je le regardais avec un regard suppliant. L'impression que l'on me cachait quelque chose de très grave me rongeait de l'intérieur.
— Père !
— Pas ici Gabriel. Suis-moi, ordonna-t-il. Sèche tes larmes, personne ne doit être au courant.
— Mais c'est Esméralde !
— Pas ici Gabriel ! tonna-t-il. Arrange-toi un peu, ton maquillage a coulé.
Il me tendit un mouchoir et je déglutis avant d'obéir docilement, essayant de me remettre de la scène horrible à laquelle je venais d'assister. J'entendis les pas du roi Efray s'approcher et je pris une grande inspiration pour contenir un peu plus mes émotions avant de suivre mon père.
Nous nous dirigeâmes vers son bureau pendant que j'essayais au mieux de faire bonne figure, n'étant pas connu pour réussir à dissimuler mes préoccupations. Je fis l'effort de sourire à tous ceux que nous croisions même si mon état ne leur échappa visiblement pas. L'inquiétude pour mon ami me serrait la poitrine. C'était lui qui m'avait appris à m'occuper des fleurs en tant que jardinier royal et j'imaginais mal son absence dans ces lieux que j'aimais. Il était indissociable de cet espace verdoyant pour moi.
Franchissant la porte du bureau, je fus une nouvelle fois ébloui par cette pièce impressionnante. Le tapis bleu roi immense et très doux sur lequel j'aimais jouer enfant, le bureau en acajou massif où se trouvait une pile de papiers, sculpté à la main ainsi que le siège, avec des filigranes en or. Il y avait le tableau de famille derrière. Rare tableau sur lequel j'étais sous mon apparence de garçon. Ma petite sœur était bébé et j'avais à peine fêté mes six ans. Deux chaises d'une banalité sans nom faisaient face au bureau. Elles n'était ni belles ni confortables pour décourager ma soeur et moi de jouer avec. On avait dû en détruire bien trois avant qu'on ne se décide à ajouter celles-ci à la place des anciennes assises. Une bibliothèque ainsi qu'un fauteuil en cuir végétal formait l'angle de la pièce avec une carte du royaume prenant presque que tout le pan de mur adjacent. Lorsque nous étions enfants, nos parents nous racontaient des histoires en nous faisant naviguer sur les eaux du royaumes, nous montrant du doigt le voyage effectué sur cette même cartographie. Pour compléter le tout, sur une console proche de la porte d'entrée, se trouvait un bouquet de lys, les préférés de ma mère, qui parfumait la pièce d'une odeur aussi familière que déroutante. Elle lui en apportait chaque jour de nouveaux pour qu'il n'oublie jamais qu'il n'était pas seul.
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Le Prince et la quête de l'Hibiscus.
FantasyUn danger menace le royaume d'Erodal et tout ceux avoisinant, une épidémie se répand. Apprenant cela, le prince Gabriel décide de prendre la situation en main et de trouver l'antidote. Pour se faire, il devra aller plus loin qu'il n'a jamais était...