Alice arrive au palais. Pendant le trajet, elle a pensé à la façon dont elle va aborder son interrogatoire. Elle a pris soin de prévenir Victor, qui comme elle s'y attendait, a vivement réagit en la bombardant de questions auxquelles elle n'a pas encore les réponses, d'où cette convocation officieuse qui doit paraître officielle.
Elle entre dans son bureau, agacée et de mauvais poil. Son greffier le remarque donc n'en rajoute pas davantage en restant discret. Mathieu est déjà installé, serein, prêt à être interrogé.
- Bon, débute t'elle en s'asseyant et ouvrant un dossier fictif. Tu es entendu dans le cadre du meurtre du procureur Éric Solanas. Tu apparais dans la liste de ses derniers contacts. Peux-tu me dire quels étaient vos rapports et quand est-ce que tu l'as vu pour la dernière fois ?
- Je ne l'ai jamais vu, dit-il. Nous avons juste eu des échanges téléphoniques.
Alice se tourne vers Victor et lui fais signe de prendre note, de faire semblant de taper le procès verbal d'audition.
- Et qu'elle est la raison de ces échanges, poursuit-elle.
- Je ne peux pas répondre à ça, déclare t'il.
- Et pourquoi, s'étonne t'elle. Je te rappelle que tu as déjà un casier pour complicité d'homicide donc si tu décides de ne pas coopérer, tu seras immédiatement mis aux arrêts. Et dans ces conditions, tu ne pourras pas voir Paul.
Il se tortille sur sa chaise, nerveux. Autant avouer qu'elle a touché un point sensible.
- Ce n'est pas que je ne veux pas, Alice. Mais je ne peux pas, se justifie t-il.
Il semble camper sur sa position, elle change donc de tactic.
- Peux-tu me dire alors, où tu étais hier, avant de venir chez moi, entre 18h et 19h30 ?
- Je ne peux pas te dire non plus, décline t'il.
Elle s'agace, ferme le dossier et croise les bras en s'adossant à son fauteuil pour l'affronter du regard.
- Tu es venu pour quoi alors si tu ne peux pas me donner d'informations, le pique t'elle.
- Pour te parler de Paul ...
Elle pousse un ricanement.
- Alors là, tu rêves Mathieu. Vu les soupçons qu'il y a contre toi, c'est hors de question que tu l'approches. Mieux vaut éclaircir la situation d'abord, propose t'elle.
Il tourne la tête, semble réfléchir et reviens vers elle.
- Je n'ai rien à voir dans cette histoire, crois-moi.
- Étant donné tes antécédents dans l'affaire des diamants et les éléments qu'on a contre toi, permets moi d'en douter. De plus, ce ne serait pas la première fois que tu me mens, fait-elle remarquer.
Le téléphone sonne, Victor décroche puis interpelle discrètement le procureur en lui faisant signe de prendre l'appel.
- C'est moi, dit Fred à l'autre du fil. Il est en face de toi, demande t'il.
- Oui, répond elle simplement.
- La moto est à son nom mais immatriculée au rue Saussaies.
Un blanc s'installe dans la conversation pour laisser le temps d'intégrer l'information.
- C'est le central de la répression des fraudes, lui explique t'il.
Elle reste silencieuse, dans la réflexion.
- Je ne comprend pas, balbutie t'elle.
- J'ai convoqué Dina Marquezzi, elle est en route. Elle pourra m'en dire plus, dit le commandant. Je te rappelle dès que j'ai des infos.
Face à son inhabituel mutisme, il s'inquiète.
- Ça va, Alice, tu veux que je vienne, propose t'il.
- Ça va aller, merci. On se tient au courant, répond-elle de façon volontairement indifférente pour ne pas éveiller la curiosité de son suspect.
Elle raccroche et décide de lancer sa dernière carte.
- Qu'est ce tu trafic avec la répression des fraudes, lui lance t'elle.
Il sourit, démasqué.
- C'était Marquand, c'est ça ?
Elle ne répond pas, ce qui confirme son idée.
- Je me doutais qu'il y mettrai son nez.
Elle ignore sa remarque.
- La carte grise de ta moto porte l'adresse de leurs locaux. Si tu ne me dis pas toi-même pourquoi, Fred ne tardera pas à le découvrir.
Décidé à avoir l'avantage sur son rival, il s'explique.
- Après plusieurs mois en cavale au Brésil, j'ai été retrouvé par les fraudes. Ils avaient besoin de moi. Il leur était plus avantageux de profiter de mon savoir que de me remettre en prison. J'avais pour mission d'être informateur et coincer les hauts dignitaires de trafic de diamants opèrant en France. J'étais le mieux placé pour m'intégrer en tant qu'indic.
Alice jette un oeil à Victor, abasourdie.
- Et pourquoi as-tu accepté, demande t'elle.
- En échange, mon casier était blanchi et j'intègrais la brigade en tant que conseiller spécialisé, conclut t'il. Une façon pour moi de continuer dans ce milieu qui me passionne tout en restant irréprochable.
Elle rit ironiquement.
- Toi, à la répression des fraudes, se moque t'elle. La bonne blague.
Mathieu grimace, vexé.
- Je me suis racheté une conduite auprès de la société, Alice. Je fais de mon mieux.
- Et tu as décide de te racheter une conscience auprès de ton fils par la même occasion, c'est ça ?
Il aquiesce silencieusement.
- Et pourquoi maintenant ? Pourquoi tant d'années après alors que tu étais manifestement à Paris ?
Il soupire.
- J'étais en couverture. Je voyageais beaucoup. Je ne pouvais pas avoir de contact avec mes proches au risque de vous mettre en danger, explique t'il.
- Et le lien avec Solanas ?
- Apparament, il cherchait de quoi t'accabler. Il a mené son enquête sur le père de ton fils, il a réussi à remonter ma piste grâce à ses réseaux et a fini par découvrir que je n'étais pas au Brésil. Il a failli me griller mais il a été tué avant.
La procureur tente de digérer tout ces éléments et de faire le tri.
- Tu penses que les diamantaires que tu as infiltré peuvent être responsables ?
- J'en doute, étant donné que ton collègue n'était pas blanc comme neige et occupant un poste au parquet, ils auraient trouvé un terrain d'entente. Et ce n'est pas leur genre de tuer comme ça en pleine rue, ils sont plus discrets, ils ont d'autres méthodes.
- Bien, on va vérifier tout ça, conclut-elle.
Elle se lève, salue Victor et ouvre le chemin à son ex amant. Ils descendent tous les deux les escaliers du palais dans un silence gênant. Il s'arrête ensuite à proximité d'une colonne de la salle des pas perdus, attrape Alice par le bras, à la volée, pour la plaquer contre la paroi de marbre.
- Tu sais, tu peux me poser des questions plus personnelles aussi, dit-il charmeur en collant son visage au sien.
- Je n'y tiens pas, ça ne m'intéresse plus, Mathieu, répond-elle froidement en tentant de se dégager.
- Avoues que ça t'as fait quelque chose de me revoir, parce que c'est mon cas, tout m'est revenu, tu m'as manqué, Alice, murmure t'il en lui caressant la joue du dos de sa main.
Puis il tourne la tête avec un sourire malicieux. Elle suit son regard et aperçoit Marquand qui marche dans leur direction. Elle lui asséne une gifle.
- Tu ne changeras décidément jamais, gronde t'elle. Tu l'as vu arriver, tu l'as fait exprès, rage t'elle en le poussant pour se libérer de cette étreinte forcée.
Remarquant la colère sur le visage du commandant, Mathieu se recule. Son expression blêmit quand il aperçoit Dina accompagner Fred, et Alice ne peut réprimer une once de jalousie. La tension est palpable quand les quatres protagonistes se retrouvent dans le hall.
- Tu t'en est prise une autre, Brémont, lâche Fred, moqueur et conscient de son stratège.
Alice souffle en détournant la tête, clairement agacée par la situation.
Mathieu se frotte la joue, tout en fixant Dina.
- Jte laisse quelques heures et tu n'es pas capable de te tenir, le réprimande t'elle ironiquement comme un enfant.
Il ne répond pas, manifestement assez embarassé.
Fred regarde Alice, amoureusement fier et soulagé de sa rébellion. Elle porte encore la colère sur son visage.
- On fait un point à la brigade, Mme le procureur, propose t'il.
Elle est tirée de sa bulle orageuse et prend congé de ses interlocuteurs sans un mot. Le commandant lui emboîte le pas mais se retourne une dernière fois.
- Ah, au fait, Dina. Inutile de te préciser que ton ptit protégé ne doit pas quitter le territoire, lui indique t'il.
- Compte sur moi, Fred, aquiesce t'elle en clignant des yeux.
Fred offre à son rival un sourire forcé, mêlé à un regard provocateur. Il rejoint ensuite Alice qui sort déjà du palais à grandes emjambées, manifestement très contrariée. Elle est si belle quand elle est énervée, cette veine au centre de son front qui gonfle en même temps que sa colère, ses yeux foudroyants, sa bouche pincée, son tic nerveux d'agiter les doigts dans le vide, sa mâchoire qui se serre . . . Il sait comment la calmer, il a sa petite idée . . .
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Nouvelle Saison 17
FanfictionLors d'un repas de famille, Mathieu Brémont refait surface après plusieurs années de silence. Paul est ravi de voir son père, ce qui n'est pas le cas d'Alice ni Fred, très surpris par cette visite inopinée. Éric Solanas a été victime d'une attaque...