Accusation . . . 8

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Le couple entre dans le bureau et trouve le capitaine assis.
- Capitaine Granier, l'acceuille la procureur. Je vois que vous avez pris vos aises, remarque t'elle.
Il lui tend une poignée de main avec un léger sourire, amusé par sa courageuse spontanéité.
- Commandant, dit t'il en saluant Marquand, surpris qu'il soit présent, à chaperonner sa supérieure.
Mais le couple ainsi que Victor ignorent son étonnement.
Alice s'installe à son bureau, Fred à ses côtés, debout, en soutien.
- Alors, que puis-je faire pour vous, capitaine.
- J'ai des informations que je souhaiterais partager avec vous, afin d'éclairer ma lanterne, explique t'il.
- Je vous écoute, l'encourage t'elle.
- À dire vrai, mon service suit de près les agissements de votre collègue depuis plusieurs mois déjà. Quand il disait être surveillé, c'est parce que nous étions sur sa trace pour le coincer.
Alice jette un oeil à Fred : ils ne peuvent cacher leur stupéfaction.
- Nous avons de nombreux éléments contre lui mais nous tenions également à arrêter ses receleurs, mettre à jour d'éventuels autres collègues véreux, indique t'il en les regardant d'une façon suspicieuse.
- C'est une accusation là ou bien, s'emporte Fred.
L'homme s'amuse de la réaction sanguine de son homologue.
- Il vous a quand même confié son fils unique. Ce n'est pas pour rien, ça prouve qu'il vous faisait confiance, les provoque t'il.
Alice peine à garder son calme face à ces absurdités mais elle sent son compagnon bouillir donc prend sur elle.
- Amaury est au collège avec Ada, ils sortent ensemble. Ce n'était qu'un service entre parents auquel on n'a pas trop eu notre mot à dire tellement il était paniqué, raconte t'elle.
Il ignore sa remarque laissant sous entendre que leur filature est la conséquence de cette anxiété.
- J'ai eu aussi vent qu'il a tenté, par ces contacts avec la presse, de vous discréditer lors de votre nomination, en vain, puis il vous a rejoint au parquet, Mme Nevers. Ça fait beaucoup de points en commun, n'est-ce pas ?
Fred serre la mâchoire, prêt à bondir. Elle pose sa main sur son avant-bras pour tenter de le calmer mais il se détache de ce geste et vient se positonner près de leur visiteur. Alice regarde Victor. Ils sont conscients qu'un rien peut le faire sortir de ses gonds. Ils sont donc sur leurs gardes, croisant les doigts pour qu'il ne poursuive pas dans cette voie-là, au risque de déclencher un orage.
- Voyons, capitaine. C'est absolument incensé. Vous ne pensez tout de même pas que j'ai une quelconque implication dans cette affaire, dit-elle avec un grand calme, sur un ton faussement détaché pour déstabiliser son adversaire qui n'est pas dupe, en témoigne ce sourire narquois qui ne le quitte pas.
- Ce n'est pas si improbable quand on connaît votre passif, Mme le procureur, la provoque t'il. Ce ne serait pas une première : le père de votre fils impliqué dans le meurtre de son patron, grand diamantaire, en cavale suite à l'affaire des pierres chauffés, ensuite un de vos amants arrêté pour trafic d'armes puis un dossier bidon pour adopter cette petite africaine sous le concours du commandant, dit-il en se retournant vers lui.
Il n'en faut pas davantage à Marquand pour le saisir par le col, le lever d'un geste et coller son visage au sien.
- Vous êtes sérieux là, s'énerve t'il.
- Commandant, s'exclame la procureur qui s'est aussi levée, suivie par son greffier.
La tension est palpable dans le bureau mais seul le capitaine semble s'en satisfaire.
- Votre réaction m'encourage à poursuivre dans ce sens, continu t'il, provocateur.
Marquand s'énerve de plus belle et le bouscule.
- Marquand, crie t'elle en tentant d'intervenir, en vain. Fred, arrêtes, insiste t'elle pour les séparer.
Les hommes tentent d'en venir aux mains mais Alice ainsi que Victor les en empêchent, rapidement rejoint par le gendarme en faction dans le couloir, alerté par le brouhaha.
- Merci Guillaume, se soulage t'elle. Veuillez raccompagner le capitaine vers la sortie, engage t'elle.
Cette fois, il a perdu son faciès satisfait.
- Je n'en ai pas encore fini, Mme le procureur, indique t'il.
- Je serais ravie de poursuivre cette conversation quand elle sera accompagnée de preuves irréfutables et non d'allégations calomnieuses, capitaine, précise t'elle.
Sur ces mots, il tourne les talons, vexé et quitte la pièce.

- Putain, j'aurai bien voulu lui faire bouffer son sourire à ce con, jure Fred.
Il se tourne vers Alice, blanche comme un linge, prête à faillir. Il l'entoure de ses bras et l'asseoit délicatement.
- Ça va pas, mon amour, s'inquiète t'il.
- Si ca va, j'ai eu un vertige, c'est rien, dit-elle en se frottant le visage. Et puis fallait pas t'énerver de cette façon, poursuit-elle. Tu vois pas que c'était son but. Donc calmes toi s'il te plaît, demande t'elle comme un service, affaiblie.
Il est toujours penché sur elle, inquiet.
- T'es sûr que ça va, demande t'il.
Victor s'avance pour lui tendre un verre d'eau, affolé.
- Vous voulez que j'appelle un médecin, Alice ?
- Mais nan, ne vous inquiétez pas, sourit elle mensongèrement.
- Vous avez mangé aujourd'hui, poursuit Victor.
Elle réfléchit, embrumée par cet état vaseux.
- C'est vrai ça, se rend compte son compagnon, tu n'as pas eu le temps de finir tes sushis.
- Je n'en avais finalement plus très envie, précise t'elle.
Les deux hommes se regardent, soucieux. 
- Hé, messieurs, on se détend, je vais bien, je ne suis pas en sucre, minimise t'elle.
- Certes, mais tu n'es pas surhumaine non plus, rétorque Fred.
- J'annule votre rendez-vous de fin de journée. Rentrez, propose le greffier.
La procureur tente de s'y opposer mais avant qu'elle n'en ai le temps, d'un regard, les hommes s'accordent, Fred la tire par le bras, Victor lui passe sa veste et le couple sort du palais.

Dans la voiture, Alice semble boudeuse.
- Qu'est-ce qui va pas, chaton ?
- J'ai du travail, Fred.
- Il sera encore là demain, ironise t'il.
Puis voyant son air désapprobateur :
- J'en aussi mais on a des adjoints qui sont là pour nous alléger la tâche donc n'hésite pas à déléguer, Alice.
Son regard est inflexible mais se radoucit face à la peine de sa compagne 
- Ce n'est pas une punition, mon amour, dit-il en prenant sa main pour y déposer un baiser. On va rentrer tranquillement, profiter des enfants puis de notre soirée.
Elle accepte le programme, pas vraiment en position de négocier.

En rentrant dans l'appartement, Alice s'étonne de ne pas subir l'assaut de son fils. Le couple retrouve Ada assise à la table de la cuisine en train de faire ses devoirs.
- Bonjour, dit Alice en déposant un bisou sur son front, imité par Fred. Paul est dans sa chambre, demande t'elle.
L'adolescente lève le nez de ses livres, étonnée.
- Bê nan, il n'est pas là, indique t'elle.
- Comment ça, il n'est pas là, s'offusque t'elle.
- C'est son père qui est venu le récupérer à l'école, explique t'elle.
Puis devant l'air ahuri de sa mère, elle poursuit :
- Il m'a dit qu'il avait ton accord, panique t'elle. C'était pas vrai ?
Alice tourne sort de la pièce en jurant et fait les cents pas dans le salon.

Fred la rejoint après avoir rapidement rassuré la fillette qui culpabilise.
- Putain, c'est pas possible Fred, s'affole t'elle. Il a pas fait ça quand même, crie t'elle, les larmes aux yeux.
Il l'attrape pas les épaules pour la consoler.
- On se calme, Alice. Ne paniquons pas. Au pire, il n'a pas pu allé bien loin car les enfants ne sont sortis depuis peu. T'inquiètes pas, murmure t'il en se rassurant lui même.

Mais elle est immobile, gagnée par de terribles pensées qui se bousculent dans son esprit. Il s'approche, ouvre les pans de sa veste pour prendre son portable et ainsi trouver le numéro de Brémont. Il laisse longuement la sonnerie retentir mais son appel n'aboutit pas. Alice angoisse de plus bel. Elle court vers la salle de bain. Il la suit au pas de course et la retrouve agenouillée devant les toilettes, le teint blafard.
Il s'accroupit à ses côtés, lui repousse une mèche de cheveux collée sur son visage moite.
- Je suis là, ça va aller, mon amour.
Elle se relève avec son aide, s'appuie au lavabo pour se rincer la bouche.
- Allons à son appart, il doit sûrement être là bas, décide t'il.
- Et si ce n'est pas le cas, Fred ! Qu'est ce qu'on va faire ? Où l'a t'il emmené ? Pourquoi il a fait ça ?
- Hé, dit-il en prenant son visage entre ses mains en approchant le sien. Chaque chose en son temps, Alice. Calmes toi, s'il te plaît.

Le court trajet lui paraît une éternité, comme si elle était en apnée depuis cette information, que sa vie s'était mise sur pause. Hélas une sensation de déjà vu, lorsque Lucie l'avait pris au parc pour aller manger une glace, au début de sa relation avec Fred, cet homme si fidèle, si présent, à ces côtés depuis si longtemps, patient, malgré le temps et les épreuves qui auraient largement pu les séparer mais qui n'a fait que les consolider.

Lui aussi a connu cette désagréable épreuve lors de l'enlèvement de l'ancienne juge. Cette sensation de tout perdre en une fraction de seconde, d'imaginer la vie sans la personne qui nous a été arrachée . . .

Ils n'en sont pas à leur période d'essai, ils ont traversé tellement d'épreuves déjà . . .
Ils sortiront vainqueurs.
Ce n'est pas cette accusation ni cette soustraction qui les feront plier . . .

Nouvelle Saison 17 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant