Investigation . . . 2

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Pendant le trajet qui les mène sur la scène de l'attaque, le silence est pesant. Alice et Fred sont encore sous le choc de cette visite indésirable. Elle se tourne vers lui, le regard désolé, triste. Il présente le même faciès. Elle pose sa main sur la sienne, sur le levier de vitesse. Il la lui prend, y dépose un baiser et se force à sourire. Ils arrivent rapidement sur les lieux et retrouve Djibril qui leur fait un premier topo.
- 3 balles de petit calibre. Deux individus casqués et cagoulés sur une moto noire, sans immatriculation. Ça a été rapide, une attaque de professionnels.
Ils s'avancent vers le corps étendu à même le sol. Alice se met accroupie près de lui et relève le drap blanc.
- Il a été tué sur le coup, précise le lieutenant.
Malgré son animosité envers cet homme, Fred est tout de même contrarié par cet événement malheureux, ne serait-ce que par rapport à Amaury et donc à Ada.
- Kadiri, tu seras en charge de la surveillance des enfants, ordonne t'il.
Celui-ci fait une moue boudeuse.
- Ce n'est pas du baby-sitting. Solanas nous a dit être en danger. Il nous a confié son fils. Il l'est donc peut-être lui aussi. Et avec le retour de Brémont, je tiens aussi à garder l'oeil sur Paul.
Djibril paraît surpris. Il cherche des réponses à ses questions auprès du couple mais ni l'un ni l'autre n'en dit davantage. Ils restent fermés et muets. Il s'exécute donc sans broncher et quitte les lieux pour rejoindre la maison familiale.
Un homme s'approche alors.
- Granier, de L'IGPN, se présente t'il. A qui ais-je l'honneur, demande t'il.
- Commandant Marquand de la brigade criminelle, répond Fred.
- Procureur adjoint Nevers, l'imite Alice.
L'homme semble réfléchir.
- Nevers ... vous connaissiez la victime ?
- Un collègue de travail, intervient Fred.
L'homme comprend que le commandant protège la procureur du fait de cette réponse rapide. Il se tourne de nouveau vers elle.
- Pourquoi avez-vous tenté de le joindre juste avant son décès, l'interroge t'il.
- On n'est pas suspect quand même, coupe Fred.
- Serait-il possible de laisser répondre madame, commandant ? Et ce sera à moins d'en tirer les conclusions qui s'imposent ...
Alice pousse un soupir.
- Le commandant Solanas nous a momentanément confié la garde de son fils parce qu'il se sentait en danger et qu'il avait des choses à régler. Nous n'avions plus de nouvelle donc j'ai essayé de le joindre, explique t'elle.
L'homme semble convaincu par cette réponse.
- Vous n'êtes pas saisis de l'affaire, indique t'il. De plus, vous avez un lien indirect avec la victime donc je ne peux pas vous laisser instruire l'enquête.
Le couple se regarde, circonspect. Rien ni personne n'a jamais empêché ce duo de têtes brûlées d'agir malgré les interdits.
- Est-ce qu'on peut au moins avoir accès à son portable pour récupérer les coordonnées de la mère et la prévenir, demande Alice, une idée en tête.
L'homme se retourne, claque des doigts pour interpeller un de ses hommes qui rapplique aussitôt. Il lui arrache des mains un sachet contenant l'appareil qu'il tend à la procureur.
Elle pianote rapidement sur le clavier, fais glisser la liste des contacts, des appels récents, à la recherche d'indices puis se fige subitement. Marquand remarque sa stupéfaction. Elle penche l'écran vers lui, il y aperçoit un nom bien trop connu : Mathieu Brémont.
Le couple tente de masquer leur réaction et rend la pièce à conviction.
- Il n'est pas impossible que vous soyez contacté par nos services et entendu dans le cadre de l'enquête, ajoute t'il.
Ils opinent de la tête avant de s'éloigner et rejoindre leur véhicule .
- Putain, c'est pas possible, crie Fred. Brémont est impliqué !
- Attends, Fred. On n'a pas tous les éléments, le contredit t'elle.
- T'es sérieuse ou bien ? Comment explique tu que ces deux là soient en contact ? Ouvres les yeux, Alice ! Tu croyais vraiment que son retour était anodin ?
- Hé bé on va le lui demander, propose t'elle.
- Comment ça, s'étonne t'il.
- Je vais le convoquer à mon bureau, explique t'elle.
- Mais t'as entendu comme moi le con de l'IGS : on est déchargé de l'enquête !
- Mais Mathieu ne le sait pas ça, précise t'elle.
Fred roule des yeux, agacé.
- Dans quelle merde il s'est encore fourré celui-là, râle t'il.
Ils montent dans la voiture, Alice se tourne pour lui faire face.
- On doit tirer ça au clair, Fred. On ne peut pas laisser faire l'inspection générale sans mener notre propre enquête de notre côté.
- On va droit aux emmerdes, dit-il en se frottant le visage nerveusement.
- Comme tu dis, si Mathieu n'est pas là pour les bonnes raisons, on doit savoir pourquoi. Ne serait-ce que par rapport à Paul, s'émeut elle.
Il se résoud à suivre l'intuition de sa femme, comme toujours.
- Et comment fait-on pour le joindre, le Brémont ?
- Il a dû aller à l'appartement qu'il a légué à son fils, il a gardé un double des clés, avoue t'elle.
Fred pousse un soupir, décontenancé. Il met le contact et se dirige vers ce fameux logement dans un mutisme total.
Avant de monter dans l'immeuble, Alice se radoucit.
- Ça va aller, mon amour, assure t'elle.
Il ne répond qu'en une moue boudeuse.
- Essaies de ne pas t'emporter, mon chéri. Ça ne ferait que lui donner davantage de crédit. Je sais que c'est beaucoup te demander. Je ne suis pas plus ravie que toi de le voir, crois-moi, ajoute t'elle, peinée.
Il lui offre un chaste baiser avant d'ouvrir la portière et se jeter dans cette nouvelle épreuve.
- Quelle journée de merde, marmonne t'il.
Elle sonne à la porte, entend la démarche de Mathieu sur le vieux parquet.
- Je ne pensais pas te revoir si vite, se surprend il en la découvrant.
Fred, resté sur le côté, se décale pour être vu.
- Aahh, et vous non plus, Marquand, se désole t'il.
Le commandant lui répond en un large sourire faussement exagéré.
Alice ignore leur dualité.
- Est-ce que je peux te parler ?
Mathieu se décale pour les laisser entrer, non sans fusiller son rival du regard quand ce dernier le frôle par provocation.
- Tu pouvais venir sans ton chien de garde, lance t'il.
Fred fait un pas en avant pour répondre physiquement à cette réflexion désobligeante mais Alice l'en empêche, encore une fois, en lui bloquant le passage.
- J'ai quelques questions à te poser, explique t'elle.
Il l'invite à s'assoir autour de la table. Seul Fred reste debout, sur ses gardes, en profitant pour observer discrètement la pièce, à la recherche d'éventuels indices.
- Quels sont tes rapports avec Éric Solanas, lâche t'elle de but en blanc.
Mathieu paraît étonné, comme démasqué, ce que le commandant ne manque pas de remarquer, laissant apparaître un sourire de fierté.
- Pourquoi tu me demandes ça ? J'ai cru que tu venais pour parler de Paul.
- Réponds à la question, s'il te plaît.
Celui-ci se tourne vers Marquand mais reste muet.
- Crache le morceau, Brémont et fais nous gagner du temps, lance Fred.
Ils échangent un regard glacial. Alice interrompt leur rivalité visuelle.
- Mathieu ...
Il revient vers elle, l'oeil malicieux.
- Je ne parlerais pas devant lui.
Alice lève les yeux au ciel.
- Nan mais sérieusement, tu as quel âge, s'agace t'elle.
Marquand s'impatiente, il saisit sa compagne par le bras pour la relever.
- Tant pis, on se casse. On lui enverra une convoc, bluffe t'il.
Le couple se dirige vers la sortie.
Mathieu les interpelle au moment où la porte s'ouvre.
- Je te dirais tout ce que tu veux savoir, Alice. Mais seul à seule, propose t'il.
Le couple se regardent sans même se retourner vers lui. Après une brève réflexion, Fred lui ouvre la voie pour sortir, refusant cette condition, s'apprête à la suivre mais arrête son élan. Il revient sur ses pas, se place devant lui et lui asséne un coup de poing, franc et sec, faisant perdre l'équilibre à Mathieu, qui se rattrape à la table pour ne pas tomber.
- Fred, crie Alice, restée sur le palier.
Il la rejoint, secouant sa main de douleur, laissant son rival reprendre ses esprits.
Alice le réprimande du regard.
Il descend les escaliers à grandes emjambées, elle peine à le suivre avec sa jupe fourreau et ses talons. Elle le retrouve dans la rue, essoufflée.
- Il l'aura pas volé, celle-là. Depuis le temps que je me retiens, dit-il encore énervé.
Elle ne peut s'empêcher de laisser échapper un rire moqueur.
- Ça t'amuse, se vexe t'il.
- Bê un peu quand même, le taquine t'elle. Et ça m'excite un peu aussi, ajoute t'elle en s'approchant.
Elle noue ses mains derrière son cou, le tirant vers elle pour l'embrasser. Même s'il reste réfractaire un court instant, il ne tarde pas à succomber et répondre à son étreinte en posant ses mains sur ses hanches, la plaquant contre lui. Il s'approprie alors ses lèvres par un baiser fougueux, comme une récompense ou pour marquer son territoire bafoué.
Mathieu les observe de la fenêtre, blasé, avec un goût amer de déjà-vu, comme le soir de sa sortie de prison. Mais à une différence prête. Leur relation a bel et bien évolué, leur couple est légitime, paraît solide, complice, passionné. Autant d'aspects qui sont présents depuis longtemps, avant qu'ils ne s'en rendent compte eux-mêmes, avant de s'établir ensemble et avec lesquels il n'a jamais pu rivaliser, malgré lui avoir offert un enfant qu'elle élève sans lui et pour lequel il n'a en effet plus aucun droit. Il doit se rendre à l'évidence. Mais il ne baissera pas les bras si facilement pour autant.
Malgré une douleur qui le perce au coeur et à la fierté, il continue de les regarder. Alice glisse sa main dans la poche du pantalon de Fred, titille sa virilité qui réagit aussitôt et en ressort les clés de la voiture.
- Je vais conduire, annonce t'elle en riant.
Elle lui tourne le dos pour se diriger vers le côté conducteur mais il la retient, la fait pivoter pour lui offrir un dernier baiser, mêlé à un regard de braise, qui laisse présager la suite des événements de la soirée.

Nouvelle Saison 17 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant