Chapitre 8

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Le désirer

Maël raccompagna Gabrielle chez elle en fin de journée. Il se gara devant l'immeuble et coupa le moteur avant de passer son bras derrière l'appui-tête du siège passager sur lequel était assise la jeune femme. Cette proximité, l'espace réduit de l'habitacle de la voiture, l'instant présent, tout parvenait à troubler Gabrielle qui n'avait qu'une envie : s'enfuir en courant. Elle ne maîtrisait pas l'effet que Maël avait sur elle et se sentait complètement démunie face à lui. C'était la première fois qu'un homme pouvait se vanter d'avoir une telle emprise sur elle. Un peu gênée, elle esquissa un léger sourire et le remercia avant d'avancer une main hésitante vers la poignée afin d'ouvrir la portière. Maël fut plus rapide, il tira sur la ceinture et la boucla avant que Gabrielle ne puisse quitter son siège. Elle se tourna vers lui, surprise par son geste et le questionna du regard.

— Tu pensais vraiment que j'allais te laisser partir comme ça ? s'amusa Maël en se penchant vers elle. C'est mal me connaître, ajouta-t-il.

Gabrielle soupira, épuisée d'être la proie d'un homme qui semblait éprouver un désir fou à jouer au jeu du chat et de la souris avec elle. Même s'il était indéniable qu'il l'attirait, la jeune femme le craignait, sans trop savoir pourquoi. Ses regards la troublaient et chaque mot qu'il prononçait sonnait comme un couperet, une menace, une invitation à descendre avec lui aux Enfers à la manière d'Orphée et d'Eurydice. Elle ignorait qui il était mais elle sentait qu'une part d'ombre planait sans cesse au-dessus de Maël, un voile obscur et impénétrable qui ne manquerait de l'ensevelir elle aussi si elle ne prenait pas garde. Ce qu'il lui avait révélé au sujet de sa famille ne la quittait pas. Il était beaucoup trop proche d'elle, ses démons pouvaient aisément rejoindre les siens et elle n'avait pas besoin d'une autre âme brisée dans sa vie, la sienne lui suffisait amplement.

— Maël, je te suis infiniment reconnaissante de m'avoir aidée lorsque ce type s'en est pris à moi, vraiment. Le hasard a voulu que nous nous recroisions, c'est complètement dingue mais c'est ainsi. Tu es un homme très attirant, j'imagine que ton égo surdimensionné est clairement au courant que tu peux séduire qui tu veux quand tu veux pourtant ça ne va pas le faire. Je n'ai pas envie de jouer à ça avec toi.

Maël sourit. Un de ces sourires qui trahissent une confiance démesurée et qui annoncent une victoire prochaine inévitable. Gabrielle croisa les bras en le dévisageant d'un air sévère, ce qui ne fit qu'accentuer l'amusement de Maël.

— Je peux savoir ce qui t'amuse à ce point-là ? demanda-t-elle.

— Toi, répondit-il le plus naturellement du monde, sans prendre la peine de développer.

— Bien. Je suis contente d'avoir égayé ta journée. Merci de m'avoir raccompagnée, je ne te dis pas à bientôt, ce serait totalement hypocrite de ma part. Salut !

Gabrielle retira sa ceinture et se précipita à l'extérieur sans un regard en arrière. Elle s'attendait à entendre gronder le moteur de la voiture mais rien ne vint. Parvenue devant la porte de son immeuble, elle risqua un coup d'œil par-dessus son épaule. Maël se tenait contre le capot de manière nonchalante, une main dans sa poche, un sourire satisfait sur les lèvres.

— J'étais sûr que tu te retournerais, lui lança-t-il avant de se redresser et d'avancer dans sa direction.

Gabrielle leva les mains en secouant la tête pour lui signifier de rester là où il était. Pourquoi l'attitude de Maël ne l'étonnait-elle pas ?

— N'avance pas ! ordonna-t-elle d'une voix peu maîtrisée. Tu ne monteras pas chez moi, que ce soit bien clair.

Maël ne prêta aucune attention à son injonction et s'arrêta à sa hauteur en rivant son regard sur le sien. L'éclat que Gabrielle y décela la déstabilisa, elle dut baisser les yeux sur ses chaussures pour ne pas laisser paraître son trouble. Elle sentit alors les doigts de Maël saisir délicatement son menton pour l'obliger à relever la tête vers lui. Ce simple contact l'électrisa, une brûlure au fer rouge lui aurait paru moins douloureuse que de sentir la chaleur de sa peau contre la sienne. Instinctivement, elle dégagea son visage de son emprise et lui jeta un regard glacial.

— J'aimerais rentrer chez moi, souffla-t-elle. Seule.

— Je n'avais pas l'intention de monter, rétorqua Maël sur un ton un peu brusque avant de se radoucir et de poursuivre. Je ne te forcerai jamais la main, je ne suis pas ce genre de mec. Et généralement, je n'en ai pas besoin.

— Alors qu'est-ce que tu veux à la fin ? Tu souffles le chaud puis le froid, tu me cherches, tu me provoques, tu me repousses, tu m'attires. J'ai juste l'impression d'avoir une espèce de type bipolaire en face de moi !

— Et toi, qu'est-ce que tu veux ? demanda Maël d'une voix rauque et faisant un pas vers elle.

— Rentrer !

La réponse claqua, indiscutable. Maël se figea, il observa Gabrielle lui tourner le dos avant de s'engouffrer dans le hall de l'immeuble. Elle se dirigea vers les escaliers et disparut.

Gabrielle se précipita sous la douche, elle ne désirait qu'une seule chose : se débarrasser des empreintes de Maël sur sa peau et oublier jusqu'à leur rencontre. Elle n'était pas de taille pour ce genre d'homme et elle en avait parfaitement conscience. Gabrielle n'était pas un cœur fragile qu'on pouvait facilement piétiner, bien au contraire, elle plaisait et en jouait, pourtant, Maël semblait se classer dans la catégorie supérieure. Il fallait savoir admettre les choses et ne pas tenter le diable même lorsqu'il apparaissait sous les traits parfaits d'un homme comme Maël. L'alchimie avait été immédiate, elle ne pouvait le nier mais il ne s'agissait que d'une histoire d'hormones en ébullition, une simple attirance sexuelle, rien de plus. Elle devait passer à autre chose désormais, tourner la page et ranger dans un coin de sa mémoire les deux jours qu'elle venait de vivre. L'idée de parler à Franck pour en savoir un peu plus sur son mystérieux sauveur ne lui semblait plus aussi importante que la veille. Même si la journée n'avait pas été désagréable en sa compagnie, Maël représentait tout ce dont elle se méfiait : le mystère, l'obscurité, la souffrance. Derrière ses airs de séducteur sans remord, elle avait bien perçu les failles qu'il tentait de dissimuler. Le désirer était une chose, passer à l'acte en était une autre. Elle devait réfréner ses pulsions ou chercher à les assouvir avec quelqu'un d'autre. Cet homme-là était intouchable !

Kill me, babyWhere stories live. Discover now