★ CHAPITRE 5 | Souriants pour leur sauvagerie

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Souriants pour leur sauvagerie

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Souriants pour leur sauvagerie

Cage The ElephantNight Running

Grace était charmante et détestable. Son accent new-yorkais me rappelait ces chanteurs dédaigneux de Broadway, démesurément souriants pour leur sauvagerie. Son talent me gênait. Elle avait pu, chaque été, s'offrir des stages de chant avec des professionnels de New York. Toutes ces années je m'étais contentée d'exécuter mes solos de guitare dans ma chambre.

Elle était lisse et superstar. J'étais lisse et un peu trop retardée pour ne pas reconnaître ma future défaite. Je brûlais de jalousie quand j'apercevais ses longueurs blondes, et cacher ça était difficile.

« La vénitienne est derrière la porte. » m'alerta Dan en mordillant un crayon.

Je jetai un coup d'oeil assassin en sa direction et elle disparut.

Anthony flânait sur son téléphone et moi je vérifiais la liste des candidats : nous tentions aujourd'hui de recruter un deuxième guitariste, pour me permettre de me concentrer sur mes performances vocales.

Pour gratter quelques dollars nous comptions jouer dans certains bars du coin, à la méconnaissance de mes parents : il nous fallait un quatrième membre. Aussi, je m'étais trouvée un petit salaire pour me sauver du bon vouloir de mes parents et espérer fuir en école de musique après le lycée. Après mon drame de la vidéo, j'avais envoyé mon CV dans un disquaire près de San Francisco : je commençais le lendemain.

Un premier guitariste entra et de son index, Dan poussa son gobelet débordant de café jusqu'à moi. Je lui jetai un sourire complice et me craquai les doigts.

Leur musique ne consolait pas mon égo, ces guitaristes n'étaient pas assez bons pour nous. Ce type trop pop n'avait pas de technique, ce roi du métal sautait partout. Nous avions une certaine prestance à respecter. Daniel me chuchotait des moqueries à l'oreille, il me faisait rire pour ne pas me laisser péter les plombs. Ces amateurs commençaient à m'agacer.

Je me levai brutalement et lissai frénétiquement notre logo pendu à la table : Brut. C'était le nom du groupe. Après des semaines de débats j'avais triomphé de Dan pour ce mot : il disait au monde que notre musique était authentique. Le groupe de Thomas s'appelait Hellish et c'était probablement parce qu'il était un petit enfoiré.

« Charlie Williams, calme-toi ! » s'égosilla Dan alors qu'un grand rouquin entrait dans la pièce.

Je ne supportais plus le moindre détail de travers. Il fallait remettre les choses en ordre, sinon mon avenir était foutu. J'ouvris la fenêtre, jetai mon pull à terre, Daniel me lança ma bouteille d'eau en soufflant un « princesse ». Mes vagues de chaleur seraient bientôt guéries.

RIVAL [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant