RIVAL [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]

★ CHAPITRE 6 | Voler, juger, apprendre

Voler, juger, apprendre

♫ The Neighbourhood⎜Scary Love

Hier soir, mon père avait chopé ma guitare. C'était une routine, toutes les deux semaines on blessait quelque chose qui me tenait à coeur. Ils m'avaient parfois gommé la conscience pour que j'accepte les sermons, il fallait me punir parce que je dépassais les limites qu'ils m'imposaient. À partir de maintenant, je n'avais plus peur de partir de la maison.

Je tenais fort mon étui dans le couloir du lycée, il n'y avait encore aucun élève. Je n'arrivais plus à laisser mon instrument hors de mon contrôle, ils me voulaient tous du mal.

Je déposai ma guitare dans le casier en feraille rouge écaillé et j'en tirai un 501 troué aux genoux, un t-shirt Nirvana et mon perfecto noir. Je filai aux toilettes me changer pour cette tenue interdite. Si tôt dans la journée, le sol glissait encore après le passage de la serpillière et je savais qu'il me restait du temps.

Dans le cabinet, j'exécutais cette routine machinalement, j'avais l'habitude de laisser tomber ma jupe à mes chevilles, d'abandonner mes collants. Ce n'était plus moi depuis longtemps.

Mes converses noires délacées, je me maquillais devant le miroir en fredonnant des vers Hip Hop. Il me fallait pigmenter mes lèvres pour surligner leur couleur, je n'avais pas le rose naturel de Grace. Et puis, j'avais l'air plus intimidante ainsi redessinée.

« J'ai un cadeau pour toi, Cha' ! me surprit Emma en tirant sur mon bras.

Ma vue s'assombrit alors et je m'attendais à m'effondrer au sol, à paniquer de nouveau. Je m'étais conditionnée à anticiper ces crises inopinées mais c'était un bandeau de dentelle noire qu'elle posait sur mes yeux bleus et sur mon mascara humide.

— Qu'est-ce que...

— Ton masque pour le bal de rentrée, posa-t-elle de sa voix assurée.

Cette attention me fit trembler, j'étais incapable d'achever mon maquillage. C'était inconcevable, les autres pouvaient penser à moi. Je coiffais mes mèches châtains, m'imaginant régner ce soir-la.

— Il va te falloir un vrai costume pour jouer sur scène, rajouta-t-elle en pointant une affiche collée au-dessus du séchoir.

Le lycée aimait entretenir nos rivalités entre musiciens. Pour ce premier bal, il comptait sélectionner un groupe, le meilleur, pour performer quelques chansons. L'affiche indiquait que nous avions jusqu'au vendredi pour envoyer une vidéo à la direction.

Je restais immobile alors que d'autres lycéennes entraient dans la pièce. Mes doigts s'humidifiaient et je m'empressai de les laver. J'angoissais et pourtant je me voyais déjà jouer dans le gymnase, sur l'habituelle scène de fortune.