★ CHAPITRE 4⎜La popularité n'était pas ma fin

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La popularité n'était pas ma fin

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La popularité n'était pas ma fin

Eminem⎜Lose Yourself

Il y avait le mini-monde lycéen et puis mon royaume à moi. Sur internet, j'étais qui je voulais, ma propre rockstar. C'était pas la Charlie des autres, c'était celle que je voulais devenir.

Puis, il y avait la troisième fille : celle de mes parents. Parce que mon corps ne m'appartenait pas, j'étais à eux parce que je leur devais tous mes gènes de diva, défaillante en cas de crise de panique. Si je mélangeais ces trois personnes, c'était fini. Alors, à dix-sept heures, il n'y avait que moi à la maison et je pouvais être la Charlie d'internet, celle qui filmait ses performances pour le peuple de la toile.

Chaque pièce fut inspectée, je partis dans le garage et soulevai la housse élimée de mon ancien vélo : planque inventive pour mon matériel de dissidente. Je passai la main sur le sol poussiéreux caillouteux, j'en tirai ma caméra — un peu rétro, mais mieux que mon téléphone —, mon micro et mon pied.

Les bras surchargés, manquant de me fracasser sur le parquet, je tirais mes conneries jusqu'au salon. Ça explosait dans mon nombril, je souriais comme une gosse. Frémissante, j'actionnai la fine clé aux arabesques baroques de riche et délivrai mon piano de son couvercle. Le froid des touches m'était hostile, mais je me détendis presque rapidement. Il n'y avait personne pour me surprendre, il n'y aurait personne.

Quelque part, je me sentais mieux ainsi. J'avais moins peur parce que personne ne pouvait me juger : ni Thomas, ni même ces abruties de footballeuses, ces philadelphiennes et tous les autres cons qui me méprisaient — au fond, ouais. Ils ne savaient pas pour mon piano.

Je m'échauffai puis me résignai à commencer l'enregistrement vidéo. C'était une reprise d'Eminem, j'avais improvisé une mélodie plus marquée. J'explorais toute ma tessiture et je me sentais puissante. J'abandonnais à plusieurs reprises, étouffant des hurlements. Je ne savais pas dire si c'était de l'angoisse ou ma peur de la médiocrité. J'allais m'essouffler mais c'était souvent lorsque j'étais à bout que mes performances étaient meilleures. Il fallait m'user. Je vérifiais souvent le retour de la caméra, je ne voulais pas que mon maquillage coule, que l'on voit que, sous ce t-shirt Radiohead, il y avait une jupe de fille disciplinée.

La porte d'entrée s'ouvrit, ma mère posa quelques paquets dans un fracas. Son visage plissé se présenta dans l'embrasure de la porte du salon, ses lèvres fatiguées se pincèrent. C'était comme ça quand les choses lui déplaisaient. Une vague d'humiliation me bloquait, je la décevais encore une fois.

Alors, mes fantasmes de révolte devenaient futiles parce que l'obéissance restait plus simple et c'était ce que j'avais toujours fait, sans trop de problème.

« Charlie, tu te fous de moi j'espère ? me sermonna-t-elle avec une hypocrite bienveillance.

Elle se massait les sinus en démontant mon matériel de sa main libre.

RIVAL [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant