À mon tour de jouer.

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Je me posais un tas de questions. Un tas de questions qui demeuraient sans réponses. Je ne m'étais jamais autant creusée les méninges. Je réfléchissais à tout ce qui aurait pu se passer si je n'avais pas commencé à parler à Zakaria. Ou à Leïna. Si j'avais parlé à l'un mais pas à l'autre, que se serait-il passé ? Et si je n'avais parlé à aucun deux ? Comment était-ce possible de n'avoir rien remarqué ? Était-il sincère ? Et elle, l'était-elle vraiment ? Je ne sais pas, je ne sais plus. Parfois, il y a des réponses qu'on ne voulait pas connaître. Effectivement, la vérité faisait mal mais le mensonge détruisait : encore une fois, supposer un fait ne voulait pas dire qu'on voulait le voir se confirmer. De toute façon, je n'avais qu'une chose à faire : encaisser les coups et ravaler mes larmes. Je n'avais pas le choix d'être forte. La vie ne baissera jamais ses armes. J'avais l'impression que tout me tombait dessus. C'était si difficile. Et moi qui croyait que tout ça était réel...

     Je ne lui en voulais pas. Mais même des mois après, j'avais si mal. J'avais vraiment très mal. Pourtant, la relation avait été courte, et puis, j'en avais vécue des relations. J'étais restée avec un garçon pendant deux années, à l'époque. Je pensais que la rupture avait été destructrice, mais ce n'était qu'une libération comparé à ce que je ressentais depuis ma rupture avec Zakaria. Je me dis que peut-être le fait était que je n'avais pas anticipé cela. Etant donné que je buvais les jolies paroles de Zakaria et que mon esprit rajoutait une couche d'anticipation de l'avenir, je n'avais pas vu la rupture arriver. Encore moins la trahison. Je pensais qu'on allait rester longtemps ensemble, finir nos études ensemble et peut-être aller encore plus loin... Pour une fois, j'avais tout imaginé en avance, sauf la fin. Encore moins celle-là. J'y avais peut-être songé à quelques reprises, mais ne l'ayant jamais vécu, je ne savais pas que ça pouvait être aussi blessant.

     Je repensais souvent aux moments de bonheur que j'avais vécu avec Zakaria. Il m'arrivait d'écrire des messages, et de les effacer tout d'un coup, à deux doigts d'appuyer sur "envoyer". Mais il fallait être plus forte que ça. Il y avait quelque chose d'irréconciliable entre le passé et nous. L'acharnement à faire revivre ce qui était vivant est absolument vain. Ce qui a été ne se retrouvera jamais, disait Jean-Paul Kauffman. Le passé n'est pas un refuge. Il ne me console aucunement de la médiocrité d'aujourd'hui. Je le sais, mais ça ne m'empêche pas de vouloir les revivre. Et oui, on est censés apprendre de ses erreurs.. Moi, je les recommence sept ou huit fois histoire de bien comprendre que ce sont des erreurs. C'est pour ça que je suis toute cassée. Et puis, j'en avais vécu des choses. Mais je crois que personne ne vit sans regrets.

     Les regrets. Quel supplice terrible de la vie. Quelle invention sadique. Regretter quelque chose que l'on avait fait, quelque chose qui s'était passé, quelque chose d'irréversible. Regretter quelque chose qu'on ne pourra jamais changer. Regretter au point de gerber, de se tordre les tripes, de refuser de s'alimenter. Et oui, parce qu'on n'avait pas assez payé. Il fallait qu'on paie pour ce qu'on avait fait, ou ce qu'on n'avait pas fait.. Il fallait payer. Coût que l'on s'infligeait à soi-même.

     J'avais encore séché les cours. J'étais assise dans les escaliers, capuchée, j'avais mes écouteurs enfoncés dans les oreilles. La musique à fond, je ne voulais plus rien entendre, pas même les battements de mon coeur. Surtout pas les battements de mon coeur. Je réfléchissais. Il fallait que j'aille parler à Leïna. J'y pensais déjà depuis quelques jours. Je voulais des réponses à mes questions. Coûte que coûte. Je n'irais pas parler à Zakaria, loin de là, Trop de malentendus pourraient prendre forme. Alors j'irais parler a Leïna.

- Camélia ? Qu'est-ce que tu fais là ? M'interpella une voix aigüe. T'es pas en cours ?

Kelly montait les escaliers accompagnée de Suleyman. Kelly était une petite brune de ma classe. Une kurde. Elle avait été mon coup de coeur de l'année. Elle avait un sens du conseil surprenant. Suleyman, quant à lui, notre histoire était compliquée. C'est quelqu'un que je portais dans mon coeur à une place bien spéciale, il était très important pour moi. Mais il ne le savait pas encore.

Oxymore.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant