Désillusion

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Mais la réaction du neuropédiatre fut tout autre que celle que ma mère espérait et lui il expliqua que c'était impossible que mon frère et ma sœur soient autistes. Ma mère avait eu beau lui expliquer les similitudes qu'elle avait trouvées entre ce handicap et le comportement qu'avaient mon frère et ma sœur, le spécialiste ne voulut rien entendre de ce que ma mère lui expliquait. Il lui expliqua que le retard de langage qu'avaient mon frère et ma sœur pouvait très bien être la raison de leur isolement. Une hypothèse qui fait bien rire ma mère aujourd'hui. Car ce médecin avait oublié que l'autisme pouvait expliquer leurs difficultés de langage. Certains autiste ne parle d'ailleurs jamais ! Devant l'insistance de ma mère, le neuropédiatre céda tout de même à lui donner les coordonnées d'un pédopsychiatre censé être un spécialiste en autisme. J'ai bien dit censé car, hélas, pour ma mère ,mon frère ainsi que ma petite sœur, ce fut loin d'être le cas. Ce psychothérapeute avait à peine observé mon frère et ma sœur, deux minutes, qu'il décréta qu'ils n'étaient en aucun cas autiste et commença à s'intéresser à l'enfance qu'avait eue ma mère. Autant vous dire qu'elle est ressortie complètement dépité de son bureau. Mais ce n'était pas pour autant qu'elle laissa tomber ce qui était devenu pour elle une conviction et elle allait se battre. Elle enchaîna les visites chez les spécialistes, criant haut et fort la vérité de ce qu'elle endurait avec mon frère et ma sœur, ne cessant de répéter les difficultés qu'elle avait rencontrées avec mon frère et ma sœur depuis leur naissance. Elle avait même pris l'habitude de demander des témoignages écrits aux enseignants ainsi qu'aux différents thérapeutes qui suivaient mon frère et ma sœur. Ils confirmaient tous les observations qu'avait faites ma mère . Mais rien à faire ,les différents thérapeutes qu'elle consultait, restaient complètement sourd à sa détresse quand on ne lui proposait de suivre une psychothérapie. Jusque-là, ma mère avait toujours cru à la médecine, mais aujourd'hui, je peux vous dire que c'est encore loin d'être le cas. Elle avait beau accumuler les preuves de ce qu'elle avançait, c'était comme parlé à un mur. Et encore, je pense qu'elle aurait eu certainement plus de chance d'obtenir des réponses du mur que d'obtenir des réponses de leur part. Des réponses, c'était tout ce qu'elle voulait. Pourquoi ses enfants avaient du mal a manger ? Pourquoi ses enfants agitaient leur mains à longueur de journée. Pourquoi n'obtenait-elle pas de réponses de leur part quand elle les appelait ? Pourquoi mon frère refusait de la regarder dans les yeux ? Pourquoi ses enfants la repoussaient quand elle tentait de les prendre dans ses bras ? Pourquoi étaient-ils si différent ? Autant de questions qui restaient toujours sans réponses. Ma mère désespérait de plus en plus de les connaître un jour. Et cela la consumait ! Qu'avait-il de pire pour une mère que de se sentir impuissante ? Qu'avait-il de pire pour une mère que de ne pas comprendre ses propres enfants ? Mais ma mère n'était pas la seule à souffrir. Moi aussi je souffrais en silence ! Mais je refusais de l'inquiéter davantage. Je souffrais de toute l'attention qu'elle accordait à mon frère et ma sœur. Attention, je ne dis pas par là que j'étais jalouse ! Non, c'était loin d'être le cas ! C'était la présence de ma mère qui me manquait. Elle était tellement inquiète pour mon frère et ma sœur , ce que je pouvais comprendre , qu'elle en oubliait de passer du temps avec moi. J'avais beau être adolescente, j'avais encore besoin de ma maman. Cette maman que je voyais de plus en plus dans la souffrance. Cette maman qui était si fatiguée. Fatigué de se répéter, fatigué de ne pas être entendu dans toute la détresse qu'elle éprouvait. Elle avait beau savoir faire preuve de courage et de détermination. Elle n'en restait pas moins un être humain qui subissait chaque jour les difficultés de ses enfants, qui subissait chaque jour leur colère à la moindre frustration. Je voyais bien qu'elle était au bout du rouleau. Pourtant, elle tenait bon et recommençait encore et encore les mêmes gestes qu'elle avait faits la veille. J'aimais mon frère et ma sœur profondément, mais il m'arrivait parfois de détester leurs différences ! Cette différence qui détruisait ma mère à petit feu sans que personne ne réagisse. J'étais en colère ! En colère que l'on puisse laisser ma famille dans sa détresse ! En colère de voir certaine de mes amies m'abandonner après être venues une seule fois à la maison. En colère de voir les gens se retourner sur ma mère quand par malheur mon frère et ma sœur piquaient une colère en pleine rue. Quand on parle d'handicap, on parle souvent de la détresse des parents, mais jamais de celle de la fratrie. Et pourtant, on est souvent en première ligne, car nous sommes les premiers à en subir les conséquences. Car quand nos parents sont occupés entre les visites chez les spécialistes ,les logopèdes ,les thérapeutes d'après vous où nous sommes. Nous sommes seuls ! Désespérément seuls ! Et c'est en fouillant sur internet dans un moment de solitude que finalement, j'allais aider ma mère sans en avoir conscience sur le moment.

L'autisme : Le combat d'une mère ( Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant