Un coeur de pierre glacée, Nephraelle

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Au nord, bien plus au nord, était un pays éternellement gelé. Les Royaumes du Nord étaient plongés dans un hiver sans fin. Ils étaient appelés de bien des manières même s'il n'y avait qu'un seul roi, ou qu'une seule reine pour les diriger. En l'occurrence, c'était une princesse qui était chargée de veiller sur ce pays. Et du haut de sa tour de pierre, elle regardait les mers.

La princesse Nephraelle était belle. Immensément belle. Et riche. Immensément riche. Elle avait de nombreux prétendants. Tous aussi inintéressants les uns que les autres à ses yeux. Elle faisait tout de même semblant de les aimer jusqu'à ce qu'ils lui demandent sa main. Alors, elle les regardait et un sourire narquois se dessinait sur son visage. Et toujours, elle donnait la même réponse "oui". Elle se jouait d'abord des hommes imprudents, utilisant leurs sentiments et désirs contre eux, les ruinant en demandes de robes et de bijoux. Et quand le mariage approchait, elle rompait les fiançailles, laissant le pauvre homme abattu et honteux.
Elle était désormais connue. Une légende même parmi les habitants des Royaumes du Nord. La légende disait que la pierre qui manquait dans les murailles du fort où elle habitait, était le coeur de la princesse.

Nephraelle régnait en tyran sur son royaume. Menaçant, pillant et torturant quiconque ne se pliait pas à ses règles. Et dans la prison de son fort aussi grand que glacé, on entendait les gens hurler. C'est la raison pour laquelle elle vivait dans la plus haute tour. Ça l'empêchait de dormir.

Personne ne lui rendait jamais visite, derrière les dents de glace, la chaîne de montagnes aux pics acérés. Seule sa cousine venait encore.

Maria de Sierra, princesse du royaume d'Espagne était aimée de tous. Elle avait pour meilleure qualité de voir la beauté partout. Même là où elle était la seule à la voir. En particulier chez Nephraelle. Elles s'adoraient. Et elles étaient si semblables qu'elles échangeaient souvent de royaume. Nephraelle allait faire un tour en Espagne tandis que Maria allait gouverner le Nord. Jamais personne n'avait pu soupçonner quoi que ce soit. Elles se connaissaient par coeur et étaient aussi bonnes comédiennes que riches. Et dieu sait qu'elles étaient riches. Nephraelle ne pouvait même pas stocker toutes ses richesses dans son palais. Elle avait une ancienne mine où elle mettait tout son argent. Les mines de l'Amorna étaient envahient par des montagnes d'or et d'argent, de soies précieuses et de bijoux rares. Et au milieu de tous les scintillements d'argent brillait bien plus fort le coeur du dragon. Une énorme pierre qui semblait brûler de l'intérieur.

Elles pouvaient ainsi jouer l'autre gouvernant le royaume à sa place.

Les Royaumes du Nord avaient plusieurs noms. On pouvait les appeler le pays de l'or blanc. Car il y avait un grand commerce de cornes de licorne. Le pays d'Aran. Déformation du mot hareng. Il y avait plein de poisson.

La princesse regardait les dents de glace. Les sommets déchirés. Les corbeaux et autres charognards qui y tournoyaient. Le ciel par dessus. Les ruisseaux qui dévalaient les flancs en cascade d'argent. Et elle ferma les yeux. Quand elle les rouvrit, elle eut une sorte de vision. Les corps de ces ennemis empalés sur les sommets. Elle sourit et frissona. Elle aimait ce genre de vision. Le sang tachait la neige fondouillante. La pureté souillée par le liquide poisseux. Le blanc qui perdait contre le rouge. Elle y imagina son père maintenant décédé. Sa mère morte également. Et puis... ce sorcier. Ce petit sorcier de pacotille. Le corps sur une stalactite de pierre, les rats des neiges déchiquetant sa peau et les vautours fouillant parmi ses entrailles. Ses trippes à l'air, ses yeux crevés par les rapaces. Ses mains devenues grises où perlent des gouttes rouges. Elle éclata de rire. Lui, mort. Mort. Mort. Son rire s'élevait dans les airs tandis que ses yeux bleus étaient fixés sur les pointes.
- HA ! TU VOIS BIEN, J'AI RÉUSSI À T'AVOIR IMBÉCILE !
Elle continua à rire. Rire.
- TU VOIS ! T'ES MORT ! CONNARD !
Elle s'écroula, pliée. Tandis que les servants avaient fuis. Ce n'était pas la première fois qu'elle se mettait en colère ainsi contre quelqu'un. Et à chaque fois, c'était effrayant.

Des pas résonnèrent dans l'immense palais gélé. Quelqu'un approchait. La princesse se releva. Elle savait qui approchait. Elle reconnaissait le pas clopinant de son vieux conseiller, avec sa cane et sa jambe de bois. Jambe arrachée par Drako, un jeune dragon, il y avait maintenant presque dix ans. Le dragon en question fut tué, malgré les caprices de la jeune princesse... Il arrivait certainement avec un prétendant... Encore... Elle soupira. Certains voulaient donc toujours tenter leur chance.

- Ce que ça peut être prétentieux, un homme... à moins qu'il ne soit extraordinairement con... ou extraordinairement naïf...

Elle haussa les épaules

- On verra bien si je vais le classer dans une de ces catégories... ou toutes

Elle analysa les échos. Non. Ce pas n'était pas l'impressionnant pas d'un chevalier. Elle leva un sourcil. Encore un petit marquis empotté qui allait lui faire sa cour, vantant les mérites de son domaine ou de son château. Mais elle n'avait que faire d'un petit marquis grassouillet comme mari. À vrai dire... elle n'avait que faire d'un mari tout court. Sa solitude lui suffisait amplement. Et s'il fallait un héritier, elle en adopterait un. Il n'y avait aucun problème. Mais elle ne voulait pas d'un mari qui viendrait gouverner à sa place. Bien sûr, si elle venait à y être forcée, elle ferait en sorte de contrôler, par la ruse ou par la force, les actions et pensées de son mari.

Le vieil homme entra dans la chambre après avoir frappé quatre coups sur la porte pendant lesquels Aphraelle s'était accoudée à la fenêtre, adoptant une position où elle était à son avantage. Elle dirigea son regard vers l'extérieur afin de faire croire à son prétendant qu'elle ne s'attendait pas du tout à sa visite. Elle avait seulement eu le temps de se remettre un peu de parfum.
- Princesse, fit le conseiller à moitié dégarni en s'agenouillant, le marquis Varund ici présent est venu pour vous offrir quelques présents.

Elle se retourna vers l'homme en question. Pas bien grand, rondouillet, cheveux blonds et longue moustache. Ses habits étaient tachés légèrement au niveau de la poitrine. Apparemment, il ne savait pas manger proprement. Il fit un sourire, découvrant une rangée de dents un peu jaunies. Nephraelle fit de même, ne laissant pas paraître son dégoût pour un tel homme. Elle croyait presque à une blague. Déjà que les plus puissants et séduisants seigneurs ne parvenaient pas l'impressionner, alors ÇA. Non. Rien que s'imaginer embrassant cet immondice, elle en avait la nausée. Mais que voulez-vous. Les affaires sont les affaires...

Petite Note des Auteures
Le nom de Nephraelle ne vient pas de nous au départ. Il vient d'un oc à une amie (Aphraelle) qu'on a un peu changé. Je vais créditer cette amie (même si à mon avis... personne ne lira ça mdr)
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