Une extravagante demoiselle, Octave

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Le roi s'arrêta net d'un air penaud:
-La...La courtiser? Moi?

Pérécon éclata d'un rire franc et lui asséna une tape amical.
-Eh bien oui Octave! Te voilà un homme fait depuis que tu es roi. Il serait grand temps d'engendrer des héritiers, surtout par les temps qui courent. Je te rappelle que tu es le seul représentant de la famille royale, et que le marquis veut ta mort. Maria De Sierra me semble un parti idéal.

Il remarqua son trouble et arqua un sourcil perplexe.
-Ne me dis quand même pas que tu ne la trouves pas à ton goût?

Octave réfléchit paniqué:
-Quoi?! Oh bien sûr que si, elle est divine! Enfin, non...Je veux juste dire qu'elle m'intimide un peu...Je n'ai jamais courtisé qui que ce soit...

Pérécon sourit malicieux, et déjà, commença à s'éloigner.
-Eh bien tu vas pouvoir commencer aujourd'hui même, là voilà qui vient.

Il partit, et en effet, au loin se dessinait la voluptueuse silhouette de la princesse qui avançait vers le roi. Elle agita sa main pour signifier qu'elle venait le voir, et ses dames de compagnies pouffèrent en jetant ça et là des regards au souverain.

-Vous pouvez nous laisser mesdames.
Dit Maria à l'intention de son cortège, et les jouvencelles s'en allèrent en riant aux éclats. Elle se tourna vers Octave et lui adressa un sourire éclatant.
Dans ses yeux brûlait une étincelle malicieuse que le jeune homme ne leur aurait guère soupçonné. Il s'y perdit si assidûment que la jeune femme dû trouver le temps long, car elle s'accrocha à son bras sans qu'il l'y invite et l'entraîna sur un sentier des jardins qui menait au lac.
-Que la nature est belle à Fanellon! S'exclama t-elle. On m'a tant parlé de ce lac, il me tarde de le découvrir. Je suis ravie d'en faire l'expérience en vôtre royale compagnie majesté.

Elle battit des cils et Octave n'osa se risquer à dire quoique ce soit. Courtiser était plus simple qu'il ne l'aurait cru: il n'avait rien eu à faire qu'elle semblait déjà tout à fait réceptive au peu qu'il parvenait à lui dévoiler. La balade les conduit enfin sur les rives du lac où les parfums marins et bucoliques se disputaient l'air enivrant. Octave ne sentait pourtant que celui de sa compagne de marche dont il ne pouvait définir l'odeur presque magique qui lui était envoûtante.
Joueuse, la jeune femme se détacha de lui et souleva son jupon pour se déplacer plus aisément. Ainsi, elle marcha un moment au bord de l'eau en souriant à son spectateur de temps à autres. Elle fini par s'asseoir sur une motte d'herbe sèche, les pieds dans l'eau, qu'elle souleva pour en retirer ses talonnettes. Octave ne s'en offusqua pas outre mesure. Puis, lentement, elle poursuivit en découvrant ses cuisses, retirant ses hautes chausses. Le jeune souverain s'empourpra alors et détourna le regard. Il lui semblait avoir posé les yeux sur quelque chose d'interdit, d'avoir péché. Le faible clapotis de l'eau lui signifia qu'elle avait replongé ses jambes dans le lac et il s'autorisa à la regarder de nouveau: elle avait tourné la tête et lui souriait gaiement. Pour la première fois depuis l'entrevue il osa lui adresser la parole:

-Vous..Vous ne craignez pas d'attraper un mal par cette température dame Maria?
La voix féminine se laissa envoler à un rire délicat. Octave alla s'asseoir à côté maladroitement.

-Ne vous en faites pas pour moi mon roi. Je supporte très bien le froid. Voyez vous, il m'arrive régulièrement de rendre visite à ma cousine Nephraelle, dans les royaumes du Nord. Il fait si froid là-bas qu'on raconte qu'un homme du Sud peut se transformer en un diamant de glace rien qu'en y pénétrant, d'où la prodigieuse réserve de pierreries de la contrée scandinave !

Octave sourit. Peut-être était-elle moins impressionnante qu'il ne le s'était imaginé. Elle était même plutôt amusante et décomplexée finalement. Il se détendit un peu et lui répondit:

-Pourtant vous êtes du Sud, et vous ne vous êtes pas changée en diamant lorsque vous vous y êtes rendu.

La princesse arqua un sourcil et, mystérieusement, rétorqua:

-En êtes vous bien sûr?

Octave éclata de rire et Maria l'imita ensuite. Il fini par enlever ses bottes lui aussi et profita de la fraîcheur de l'eau.
Les effluves des fleurs avoisinantes pénètrèrent ses narines que chatouillait la brise matinale. Il ferma les yeux.
-J'aime beaucoup ce lac, j'y viens depuis que je suis enfant, chaque matin. Père m'a transmis cette habitude. Il disait que c'est important pour un roi d'avoir son endroit favoris, que cela est bon pour réfléchir.

Maria sourit.
-Et où vont vos pensées ce matin monseigneur ?

Octave rouvrit les yeux et regarda l'horizon. Le ciel était sillonné tantôt d'un mauve nocturne qui transitait vers un bleu éclaté et cette union de couleurs dansant autour d'un soleil qui naissait du lac donnait lieu à ce rosange, fruit d'épousailles entre jour et nuit, si singulier. Tout cela se reflétait sur l'eau lisse vers laquelle Octave baissa la tête.
Le jeune souverain sourit à cette vue.
-Mes pensées sont aussi troubles que ces eaux.

Il soupira.
-Je ne sais comment unifier le royaume. Chaque famille m'a prêté allégeance, comme ce fût le cas pour mon père, mais toutes ont admiré ses exploits. Quels sont les miens ? Je n'ai encore rien accompli d'autre que la formation de cette cour.

La jeune femme posa également son regard sur l'horizon.
-Nous pensons tous vivre dans l'ombre de quelqu'un que l'on admire. C'est mon cas aussi. Mais il faut croire en ce que vous avez déjà accompli. C'est vous qui avez rassemblé les nobles gens de ce monde. Vous encore qui avez assuré la sécurité de votre royaume en fortifiant vos alliances et en en créant de nouvelles.

Octave la regarda et lui sourit.
-Vous êtes très positive, vous avez sans doutes raison.

Maria se tourna aussi vers lui et sourit. Elle se rapprocha un peu puis dit d'une voix plus proche du souffle que du murmure:
-Le temps file comme cet astre s'élève, vous devriez arrêter de vous en faire plus que de mesure... Et goûter au plaisirs de votre jeunesse...

Le teint d'Octave vira à l'écarlate. Il détourna vite le regard et se leva.
-Nous...nous devrions probablement rentrer... Il n'y a pas de garde, ce n'est pas sûre...

Là princesse l'imita et épousseta sa robe. Elle croisa les bras et arqua un sourcil d'un air malicieux :
-Peut-être avez vous peur de moi?

Octave la regarda et balbutia:
-Quoi ? Non... Quoi... Pas du tout, simple formalité... Et puis nous allons être en retard pour le déjeuner...

Elle rit et se dégagea des herbes de la rive pour rejoindre le sentier. Il regarda un moment sa silhouette s'éloigner et la rejoignit en souriant comme elle lui faisait signe.

Il la trouva plus timide lorsqu'il entamèrent ensemble le chemin du retour. Ils étaient probablement tout deux plongés dans leurs pensées tumultueuses. Finalement, elle releva la tête vers lui et l'interrogea:
-Il y a bien un tournoi ce samedi ?

La question tira Octave de sa rêverie. Le tournoi... Il avait, le temps de la balade, complètement oublié cet événement dont la marquise De Melcorto, chargée de l'organisation, lui rebattait tant les oreilles.
-Oui, c'est exact.

Maria replongea un instant dans ses pensées avant de poursuivre:
-Nous pourrions nous retrouver dans la clairière de la forêt avant ? Je veux vous souhaiter bonne chance ! Et j'aurais sans doutes des choses à vous dire.

Le suzerain eut un rire nerveux...L'idée de voir la lady d'Espagne juste avant le tournoi le stresserais sûrement plus que prévu.
-Oh, vous savez je ne risque absolument rien. Vous imaginez, je suis le seul héritier de la couronne. Je participe juste à l'ouverture face à ser Pérécon. Autant vous dire qu'il ne va rien m'arriver, c'est juste pour la forme. Mais, je dois admettre que c'est une charmante attention, je viendrais à la clairière.

Il lui sourit. La princesse sembla satisfaite.
-Je compte déjà les jours qui nous séparent de cette entrevue.
Dit-elle d'une voix enjôleuse.

La cour du roi : Les cousines de l'eauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant