Le pas anxieux du suzerain produisait un claquement dont la mélodie inconsciemment produite emplissait la silencieuse salle du banquet. Dames, demoiselles, messieurs et damoiseaux se faisaient encore attendre. Ou peut-être se cachaient-ils? Pensa Octave. Peut-être se cachaient-ils de la méchante reine tyrannique, tels des enfants poltrons? C'était ridicule. Tout simplement ridicule. Certes, dame Nephraelle Isdrake avait une lourde réputation et certes, il ne pouvait nier que lui aussi redoutait le moment où elle entrerait dans la pièce. Mais il ne s'en présentait pas moins sous son meilleur jour pour la recevoir, de la même façon qu'il l'avait fait avec tous ses invités.
Il repensa aux mots qu'avait prononcé son conseiller juste avant qu'il ne dispose pour s'apprêter dans ses appartements: "les cousines Maria et Nephraelle sont toutes deux des partis intéressants. Quoique les rumeurs puissent dire à propos de la princesse nordienne, je vous prierai de ne pas négliger la dot qu'une telle jouvencelle vous rapporterait. De plus, aussi volage et terrible soit-elle, elle n'en reste pas moins aussi belle que sa cousine." Octave y repensait encore. Il n'avait aucune envie de se marier, mais il avait déjà dix sept ans. Cela faisait déjà deux ans qu'on le pressait d'engendrer des héritiers, surtout par le danger qui guettait le royaume...
Ser Pérécon entra. Il dépêcha sa révérence, et se présenta devant le roi:
-Majesté...Elle est arrivée.Octave fronça les sourcils. Elle? Comment ça "Elle"?
-Elles n'étaient pas sensées être deux?Ser Pérécon semblait mal à l'aise:
-Il semblerait qu'une seule des deux seulement se soit présenter à la cour.Une seule? Bon voilà qui était quitte ou double. Soit il s'agissait de la douce Maria de Sierra, et dans ce cas, les choses serait plus simples et agréables. Soit...Il s'agissait de Nephraelle Isdrake, et dans ce cas...Octave préféra ne pas y penser plus longtemps. Il posa la question qui lui brûlait les lèvres:
-Et..Qui est-ce?
Pérécon blêmit:
-Eh bien, nous l'ignorons monseigneur. Les deux jeunes filles se ressemblent comme deux gouttes d'eau et nous n'avons pas encore pu déterminer qui elle était. Ses sujets rassemblent ses affaires, mais elle devrait entrer d'un instant à l'...les battants des deux grandes portent s'ouvrirent, laissant pénétrer dans la pièce l'halo de lumière lunaire et avec lui, un grand cortège de servants, cadeaux exotiques, épices aux senteurs exquises, étoffes précieuses, armes redoutables et matériaux rares à l'intention du roi. Une formidable parade musicale de danseuses et d'instrumentalistes espagnoles accompagnaient les présents. Et trônant modestement au centre de ce délicieux ballet, la princesse. Cette créature dont le nom demeurait encore inconnu à Octave, mais dont la beauté se dévoilait autant que la clarté de la pleine lune le permettait. Elle lui paraissait un mirage, à tel point qu'Octave cru, un court instant, à une illusion magique. Ses cheveux noirs comme la nuit et ses yeux bleus comme l'océan parvenaient presque à le détourner de la généreuse poitrine que la saya, une somptueuse robe rouge lassée sur le côté et brodée d'or et d'argent laissait entrevoir.
Elle sourit au roi et s'inclina devant lui. Octave resta bouche bée. Jamais il n'avait vu plus belle jeune fille. Lui qui avait peur de se trouver face à un démon de sadisme, avait l'impression de rencontrer l'être le plus angélique qui soit. Il s'inclina également.-Je suis honorée de me trouver dans la si légendaire contrée de Fanellon, commença la femme. Cela faisait bien des années qu'on me ventait la place importante qu'occupe la magie en ce pays, et il me tardait de le vérifier.
Un sourire charmant maquilla le coin des lèvres pourpres de la demoiselle. Octave se trouvait plus enchanté à chaque instant qui passait: il n'avait pu écouter un mot de ce qu'elle venait de dire, tant il avait été agréablement surprit par la doucereuse mélodie que la voix féminine offrait à ses oreilles. Mais l'alarmante interrogation que ser Pérécon avait soulevé une minute avant, lui revint comme un coup de massue sur le crâne: qui était l'être angélique qui venait de lui apparaître ? Il regarda ser Pérécon avec gène. Aussitôt, le chevalier réprimanda l'annonceur qui regardait la nouvelle arrivante d'un air hébété sans réagir.
-Et bien crieur, criez!L'intéressé sursauta, comme tiré d'une rêverie particulièrement délicieuse. Pris au vif, il bredouilla:
-Euh...Oui...Enfin non...C'est à dire que euh...
La princesse et un petit rire clair et tout à fait charmant. Elle adressa un doux sourire au crieur:
-Oh vous n'arrivez pas à me reconnaître? Mais bien sûr, ou avais-je la tête. Il est vrai que vous ne m'aviez jamais vu qu'en portrait, et que les miens sont en tout points semblables à ceux de ma cousine. Je suis Maria De Sierra, princesse d'Espagne majesté.
Elle se tourna à nouveau vers le roi, d'un air certains. Celui-ci en fut encore plus troublé et déglutit difficilement. Il s'avança vers elle et embrassa sa main comme le voulait l'étiquette. Cependant, jamais il n'avait été aussi paniqué à l'idée d'un tel contact. Contact qu'il avait pourtant machinalement répété pendant dix sept ans, mais cette fois, tout son être tremblait. La dame sembla tout à fait flattée de l'effet qu'elle lui faisait. Maria De Sierra. Il s'agissait là de la lady d'Espagne, et non pas de celle du Nord. Il souffla de soulagement, tout allait de mieux en mieux. Il pensa cependant que Nephraelle aurait été un point fort pour son royaume, mais chassa bien vite cette pensée tant il était sous le charme de la nouvelle venue.
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La cour du roi : Les cousines de l'eau
ParanormalFanellon est un mystérieux royaume, qui n'apparaît sur aucune cartes. Pourtant, depuis la mort de l'ancien monarque, nombreux sont les arrivants à la cour. Pourquoi? La Garde du Sang, une organisation de magie noire dirigé par l'auto-décrété Marquis...