BONUS N°5

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Juillet - Remise des diplômes du bac

Point de vue : Ludo

Elle était là, belle dans son uniforme, ses cheveux attachés en un chignon aussi strict que son regard. Elle avait grandi, ses épaules s'étaient élargies, ses cuisses s'étaient affinées et on devinait sans peine une musculature puissante sous la combinaison kaki de rigueur. J'entends Claire souffler à côté de moi.

-Je pensais avoir une chance d'être plus grande qu'elle un jour, soupire-t-elle. Je crois que je peux faire une croix sur mes espérances.

Je ricane en secouant la tête, reportant de nouveau mon attention sur Jack. Elle m'a manqué. Depuis nos visites au début du mois de janvier, elle m'a manqué. Je pensais que si elle partait, si nous ne nous parlions plus, l'expression « loin des yeux, loin du cœur » prendrait tout son sens. Pourtant, j'attends toujours la partie « loin du cœur ».

Lorsqu'elle est arrivée sur l'estrade tout à l'heure, mon sang n'a fait qu'un tour, mon cœur, aussi sportif puise-t-il être, s'est mis à battre trop vite, et mes mâchoires, comment retenant le reste de mon corps, se sont serrées.

Quand arrive son tour de recevoir une médaille et son diplôme du bac, Tom se lève pour applaudir sa sœur, fier comme un paon, souriant à Jack un sourire léger qu'elle s'empresse de cacher pour se mettre au garde à vous. Le major et elle échangent quelques mots, sous le regard presque jaloux d'une fille au deuxième rang. 

Au bout d'une demi-heure, après un discours barbant d'un homme politique que je ne connais pas, tout le monde est invité à rejoindre la tente dressée au milieu du parc, où nous attendent rafraîchissements et amuses-bouches. J'aperçois Kelly et Tom un peu plus loin. 

-Attend-là ici, on vous retrouve sous la tente, me glisse Claire, son regard amusé me faisant soupirer. 

Elle ne tarde pas à me rejoindre, ce sourire bien trop modéré sur ses lèvres. 

-Je suis contente que vous ayez pu venir, fait-elle, sans pour autant rompre cette distance entre nous. Tu te rends compte, Ludo ? J'ai eu mon bac du premier coup ! Sans rattrapages ! 

Ses lèvres s'étirent un peu plus, et ce n'est qu'une bourrasque de vent qui me sort de ma contemplation. Dieu qu'elle m'avait manqué. 

-Félicitation Hertel, je réponds, lui proposant mon bras avant de nous diriger vers le groupe qui avait déjà pris beaucoup d'avance. 

-Je... commençons-nous au même moment. 

Je me sens stupide et pris au piège d'un scénariste de mauvais film romantique. Elle m'invite à reprendre d'un signe timide de la tête. 

-Je suis désolé, je continue. D'avoir juste... arrêté de te répondre comme ça. 

-C'était le mieux à faire, Ludo. 

Je 'ose ni la regarder, ni répliquer, ni même la relancer. Je serre la mâchoire, encore, le regard vide. Nous nous arrêtons à l'entrée. 

-Tu as arrêté de fumer ? s'enquit-elle. 

-Oui, quand tu es partie. Je me suis dit qu'il valait mieux faire passer tous les mauvais moments d'un seul coup. 

-Je suis contente pour toi. Je... Je... hum. Je suis désolée d'avoir pris la décision de partir seule. D'un autre côté, j'ai vraiment l'impression que c'est la meilleure décision que j'ai prise de ma vie. Tu... Bon tu me manques vraiment énormément, mais... il n'empêche... J'aime vraiment ma vie ici. 

-Tu me manques beaucoup aussi, je dis simplement, quasiment certain qu'elle n'attendait pas d'autre réponse de ma part. 

Elle me sourit, et nos regards se croisent enfin. J'ai envie de lui dire des milliards de choses, à quel point je l'aime, à quel point elle est belle, à quel point j'ai envie de vivre ma vie avec elle, à quel point je suis prêt à tout pour elle. Je n'en fais rien. Ce sourire comblé qu'elle a me satisfait déjà assez. 

-Merci de me laisser être heureuse, murmure-t-elle tout en me prenant dans ses bras. 

Je ferme les yeux, profite de son parfum, faisant mon deuil de cet amour que je lui porte et duquel je ne semble pas capable de me libérer. Mon téléphone sonne soudain, nous forçant à nous séparer. 

-Je... je vais retrouver les autres, balbutie-t-elle. 

Je décroche malgré le numéro inconnu, ravi d'avoir un prétexte pour faire une pause dans ce mélo-drame ridicule que je m'inflige. 

-Allô ? 

-Ludovic ? 

-Qui le demande ? 

-Hannah Pellard, du service d'admission de l'Ecole Sherman. 

Et alors ? [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant