26. Mémoires

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Jungkook avait passé son dimanche entier au lit à se plaindre au ciel. Du matin au soir, il n'avait cessé de se maudire et de ruminer son agacement, accompagné de sa peluche lapin qu'il serrait contre lui comme s'il voulait le faire fusionner avec son corps.

Trois ; c'était le nombre de jours qu'il avait réussi à tenir avant de faiblir à nouveau devant Taehyung. Se préserver ? Mon œil ! Il avait complètement perdu la main. Ce n'était pas étonnant qu'il y ait autant d'espèces en voie d'extinction si elles se préservaient de la même manière qu'il le faisait.

En y réfléchissant bien, sa première erreur était sans nul doute d'avoir accepté de continuer les cours de soutien. Pourquoi l'avait-il fait, d'ailleurs ? Il ne le savait pas lui-même. Peut-être était-ce à cause des excuses de Taehyung qui l'avaient malgré lui profondément touché. Ou peut-être car il avait décelé une profonde sincérité dans ses paroles quand il lui avait dit qu'il ne le dégoûtait pas. Quoi qu'il en soit, il n'aurait pas dû accepter. Il l'avait fait. Fin de l'histoire.

Sa deuxième erreur fut de craquer, ce qui était encore moins dur à admettre. Même si, sur ce point-là, il ne pouvait réellement se le reprocher ; n'importe qui à sa place l'aurait fait.

– Tu ne peux pas ignorer l'attraction qu'il y a entre nous, lui avait dit Taehyung.

Bien sûr qu'il y avait une attraction, une attirance ou qu'importe comment on pouvait qualifier la chose. Jungkook n'était certes pas un as en matière de sentiments, mais il savait au moins reconnaître ça. Il était amnésique, non ignorant ! Et même s'il affirmait ne rien ressentir pour Taehyung, ce n'était malheureusement pas le cas et il ne pouvait pas le nier. Il serait si simple qu'il se fasse à cette idée et qu'il arrête de vouloir lui résister. Mais Jungkook était une personne pleine de fierté, et il était encore loin de vouloir s'y plier.

Kim Taehyung...

– Je te déteste ! jura-t-il dans la pénombre de sa chambre en agitant son lapin en l'air.

Il soupira puis arrêta de lui tordre le cou. Ses bras reposèrent le long de son corps et ses paupières se fermèrent tandis qu'il sombrait progressivement dans le sommeil. Jungkook aimerait tellement que les choses soient moins compliquées. Être normal, avoir une vie normale, des relations normales...

Des rêves normaux...

– Tu sais, Jungkook, peu importe la forme qu'elle prend, l'amnésie exerce un pouvoir très puissant sur le cerveau et sur l'esprit. Il est très difficile de se libérer de son emprise. Il est tout aussi dur de lutter contre l'entrave qui anesthésie ta mémoire. Mais tu veux que je te dise ? Il existe quelque chose d'encore plus puissant que l'amnésie. Quelque chose capable de déjouer ses chaînes.

– Qu'est-ce que c'est ?

 Ton propre corps, Jungkook.

 Dites m'en plus, s'il vous plaît.

Au fil des mois, les séances avec le docteur Anderson se passaient de mieux en mieux. Ce dernier avait fini par percer sa coquille progressivement, avec l'aide de son fils qui avait lui aussi grandement contribué à l'évolution du garçon. Connaissant la nature de Mike à constamment vouloir sauver les petits animaux perdus (comme il disait souvent), il avait conseillé à la mère de Jungkook de le faire entrer dans le même lycée que lui, plaçant volontairement son patient sur le chemin de son propre enfant. Depuis qu'ils s'étaient enfin rencontrés, les crises de Jungkook s'étaient espacées, il semblait plus éveillé et développait une curiosité sur tout ce qui l'entourait.

 Il y a plusieurs types de mémoires que je classe souvent en deux catégories distinctes. Les mémoires dites cérébrales et celles dites corporelles. La deuxième catégorie est dans ton cas la plus importante. C'est celle qui comprend la mémoire sensorielle et émotionnelle. Ton corps est comme un disque dur de secours sur lequel serait sauvegardé des données cryptées.

Sous l'ombre des souvenirs ・ᵛᵏOù les histoires vivent. Découvrez maintenant