30. Mauvais rôle

1.6K 216 60
                                    


Jimin avait passé un bout de temps à réfléchir, étendu sur son lit, après le départ de Jungkook. Discuter de Taehyung de cette manière avait agité beaucoup de choses en lui et il ne pouvait décrocher son regard de la photo clouée à son mur. Il avait fait disparaître toutes les autres de sa vue, pour des raisons qui lui semblaient évidentes. Toutefois il n'avait pu se contraindre à faire de même concernant celle-ci.

Il quitta doucement son lit et ouvrit la porte de son placard sans faire de bruit. Il s'accroupit, dénicha une boîte relativement imposante qu'il arrivait malgré tout à dissimuler derrière ses nombreuses paires de chaussures, puis s'assit en tailleur sur le parquet de sa chambre. Le couvercle était fermé par un cadenas. Il le retira après avoir entré la combinaison et le posa non loin de lui. Dans cette boîte reposaient tous ses souvenirs. Ses trésors, ses secrets, ses joies, ses peines ; des petits objets, des clichés, des tickets de cinéma, des lettres...

Cette boîte, pleine de son passé, il ne l'ouvrait que lorsqu'il ressentait le besoin de se rappeler ce pour quoi il luttait, et pour qui il se battait. Lorsqu'il perdait sa confiance et se disait qu'il faisait les mauvais choix. Son contenu lui apparaissait chaque fois comme un rappel à l'ordre, tiraillant son cœur et faisant monter les larmes à ses yeux ; conséquences de l'inévitable tristesse qui le rongeait dès qu'il plongeait le nez dans ce qui n'était plus.

La vérité était que lui aussi en avait marre de toute cette mascarade. Il n'en pouvait plus des non-dits, des artifices. Il avait toutes les bonnes raisons du monde d'en vouloir à Taehyung, mais Taehyung en avait également d'excellentes pour le maudire. Jimin ne pouvait que le reconnaître : dans cette histoire, il avait toujours joué le mauvais rôle. Il était celui qui dictait sa loi, qui interdisait, qui obligeait et menaçait encore et toujours son ancien meilleur ami. Il était celui qui passait pour un hypocrite, celui que l'on pointait du doigt en disant Ce n'est pas moi, c'est lui qui me force à agir comme ça. Pourtant, ce n'étaient bel et bien pas les décisions de Jimin. Il n'était qu'une marionnette et la personne qui en tirait les ficelles n'était pas quelqu'un contre qui on pouvait se rebeller. Cette personne détenait tous les droits, tout comme elle avait le dernier mot.

« Je ne suis pas malheureux », c'était ce qu'il avait dit à Jungkook. Une fois de plus c'était un beau mensonge qu'il lui avait servi sur un plateau, dans le seul but de le protéger et de ne pas lui causer plus de soucis. Jimin donnerait sans hésiter son bonheur et sa vie pour lui. Et il fût un temps où il en aurait fait de même pour Taehyung.

« Comment pourrais-je l'être alors que tu es là ? », c'était ce qu'il avait osé dire à Jungkook. Certes, il était là, mais ce n'était pas pareil. Rien ne serait similaire à cette époque qu'il considérait comme la meilleure de sa vie. Rien ne serait plus aussi innocent, aussi insouciant et spontané que cette période-là. Alors que Taehyung et Jungkook ne cessaient de se rapprocher toujours plus l'un de l'autre, Jimin ne cessait de se sentir de plus en plus seul. 

Mon Dieu ! comme ses amis lui manquaient. Comme Taehyung lui manquait, tellement plus qu'il ne pourrait jamais se l'avouer...

– Jimin ?

En entendant la voix de sa mère, Jimin sursauta. Il essuya précipitamment la larme qui avait fui sur sa joue et referma la boîte pour la ranger. Il ne fut pas assez rapide.

– Qu'est-ce qu'il y a, mon cœur ? demanda-t-elle, sur le seuil de la porte. Tu repenses au passé, c'est ça ? 

Jimin ne se donna pas la peine de masquer son reniflement. Elle avait de toute manière tout vu.

– Un peu, répondit-il simplement.

Elle s'approcha de lui et lui donna une brève étreinte avant de lui caresser gentiment la tête. Il trouva ce geste peu naturel.

– Allez, viens te changer les idées auprès d'un bon repas. Nous pourrons en discuter, et après ça, tu pourras repartir d'un meilleur pied. Ce n'est pas bon de ressasser le passé, tu sais ? Tu dois te concentrer sur tes études, Jimin. C'est plus important.

Son corps se crispa instantanément. Pendant un instant, il avait eu l'espoir que, pour une fois, sa mère s'intéresserait à lui et à son bien-être. Mais non, bien-sûr que non. Il fallait que ce soit les études. Toujours les études. D'aussi loin qu'il se souvenait, ses parents n'avaient toujours juré que par la réussite scolaire et sociale.

– Jimin, tu as un contrôle dans cinq jours et tes examens à la fin du mois. Tu as travaillé dur pour avoir la première place, tu ne dois pas te laisser distraire par des éléments perturbateurs. Reprends-toi, mon chéri...

Comme à chaque fois, sa voix était douce et ses phrases remplies de surnoms affectueux. Mais comme à chaque fois, ses propos sonnaient comme une froide menace, comme un de toute façon tu n'as pas ton mot à dire, alors hoche juste la tête et sois un bon garçon.

– J'aimerais faire une pause avec tout ça, maman...

– Une pause ? Es-tu conscient de ce que tu dis, Jimin ? Que dirait ton père s'il t'entendait ?

« Dans ce monde, seuls les gens intelligents dictent les règles. Être dominant ou être dominé, c'est la loi du plus fort, mon fils », récita-t-il dans sa tête cette phrase qu'il avait tant entendue. 

– J-Je suis juste... balbutia-t-il d'une voix étranglée alors qu'elle enroulait ses doigts manucurés autour de son épaule pour y exercer une pression lourde de sens.

– Nous t'aimons beaucoup et nous voulons le meilleur pour toi, tu le sais. Tout comme tu souhaiteras le meilleur pour tes enfants.

Jimin ne répondit rien. Qu'aurait-il pu répondre ? C'était sans cesse la même rengaine. Sans cesse le même discours toxique que l'un comme l'autre lui tenait. Il était impuissant face à l'étroitesse d'esprit de son père et à la manipulation affective de sa mère. Il était impuissant pour tout. Sans doute l'avait-il toujours été.

– Allez, mon ange. Viens dîner, j'ai acheté plein de bonnes choses. Tu auras tout le temps de réviser avant de te coucher, d'accord ?

Parce qu'il avait baissé la tête vers le sol, elle posa sa main sur la joue rebondie de son fils et lui offrit une caresse glacée.

– Tu sais que nous sommes plus que fiers de toi, n'est-ce pas ?


• • •「◆」• • •


Salut, salut ! Pas très fun, ce chapitre. Il est toutefois important si on veut connaître un peu mieux Jimin. Et puis, certains détails ne sont pas là par hasard, comme vous pouvez vous en douter ;)

Je ne m'attarde pas trop, faut que j'aille me faire à manger, et si je loupe le train de la motivation, je risque bien de fusionner avec mon canapé.

Je vous bécote les joues et vous dis à plus ! Comme le chapitre était court, je publierai sans doute là suite dimanche.

Astëlya

Sous l'ombre des souvenirs ・ᵛᵏOù les histoires vivent. Découvrez maintenant