Les jours suivants, l'excitation d'Anastasia, leur mère, ne sembla pas diminuer, et connut même quelques recrudescences, pour le plus grand malheur de toute la famille. Les repas en devenaient insupportables et Andora constata rapidement qu'Adrian, son beau-père, s'était mis à travailler de plus en plus tard. Après sa discussion avec Miranda, elle avait consenti à faire un effort au temple, mais les journées lui paraissaient toujours aussi longues et pénibles. Cependant ce n'était rien comparé à la crainte qui grandissait en elle. Plus sa mère s'extasiait, plus Andora craignait que Miranda ne disparaisse du jour au lendemain. C'était une angoisse constante et silencieuse qui lui rongeait les entrailles.
Un matin, alors qu'elle faisait tout son possible pour arriver en retard, Andora eut la surprise de découvrir l'ensemble de sa famille réunie dans la boutique.
- Ah ! Andora ! s'exclama sa mère en la voyant. J'accompagne Miranda faire quelques courses. Nous devrions en avoir pour la journée. Maintenant qu'elle n'a plus besoin d'aller au temple, nous avons tant de choses à faire !
- Tu n'es pas en retard, toi ? s'enquit l'intéressée, les sourcils froncés.
Ignorant le regard accusateur de sa sœur, l'enfant lui offrit son plus beau sourire et se faufila jusqu'à la porte. Au passage, elle manqua de percuter Adrian. Elle l'esquiva d'une torsion du buste.
- Et toi, Adrian ? Il te faut quelque chose ? poursuivit leur mère sur le même ton.
L'homme chassa la remarque d'un geste de la main et sortit en coup de vent. Vexée, Anastasia renifla d'un air dédaigneux avant de retourner se préparer.- Il est sur les nerfs à cause des Héréïs, souffla Miranda devant le regard interrogateur de sa sœur. En ce moment, elles monopolisent le commerce des tissus avec l'Etoffe. Il doit aller négocier avec les marchands ambulants et cela l'ennuie beaucoup.
Voyant que ces informations plongeaient sa cadette dans la perplexité, elle étouffa un rire.
- File maintenant ! Je t'expliquerai ce soir !
Andora fit la moue mais s'exécuta. Miranda la suivit du regard, attendrie.
- Allons, allons ! Pressons ! Nous avons tant de choses à faire et si peu de temps !
L'adolescente leva les yeux au ciel mais s'engagea à la suite de sa génitrice sans protester.
Le ciel était voilé et le soleil timide ce matin-là, pourtant l'air lourd, porteur d'une promesse d'orage, les étouffait et les faisait suer. Bien que les festivités remontaient à plusieurs jours maintenant, leurs restes subsistaient toujours, jonchant le sol ou pourrissant dans l'eau. Miranda et sa mère progressaient difficilement dans les ruelles étroites, agitant désespérément un éventail de plumes devant leurs gorges dénudées. Alourdies par leurs nombreux achats et par la boue qui collait au bas de leurs robes, elles s'autorisèrent enfin une pause, au bord d'un puits. Miranda en profita pour signaler un fait qui l'avait intrigué tout au long de la matinée.
- Qui sont ces hommes ?
Elle accompagna sa remarque d'un geste de la tête. Sa mère suivit son regard.
- Des soldats. Enfin, plutôt des mercenaires. Payés par des particuliers qui veulent assurer leur protection. Les temps sont durs avec la guerre qui menace. Fort heureusement, nous n'avons pas encore eu à en subir les conséquences. Mais ce n'est pas le cas de tout le monde.
- Que veux-tu dire ?
Anastasia prit le temps de faire couler de l'eau froide sur son visage avant de répondre.
- Les paysans sont les premiers touchés. Si nous avons toujours la possibilité de commercer avec les pays étrangers, eux, dépendent entièrement de leurs récoltes pour survivre. Or celles-ci sont constamment pillées pour les besoins des armées, à quoi s'ajoute le poids des taxes quotidiennes.
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Andora
FantasyVoilà plus de dix ans que l'invasion a commencé. Les Chymères, ces monstres issus des Terres Arides, se sont alliées en une armée monstrueuse. Pourquoi ? Comment ces créatures primitives ont-elles réussi à s'organiser ? A s'armer ? Au point de faire...