Andora

Chapitre 4

Andora n'avait pas tout compris. Le dernier souvenir qui lui apparaissait, était celui de ses poumons sur le point d'exploser. Puis le noir. Quand elle avait rouvert les yeux, elle était assise sur le sol, trempée, mais bien vivante. Elle inspira goulûment l'air chaud, avant de recracher une bonne gorgée de liquide. Elle ne ressentait plus la chaleur, du moins, à l'intérieur. Car la température extérieure semblait avoir gagné quelques degrés. Quand elle prit enfin conscience de la situation, ses yeux s'arrondirent sous l'étonnement.

Des flammes. Des flammes immenses étaient apparues. Elles s'élevaient autour d'elle, dévorant le bois et léchant la pierre. Comment ? Comment cela s'était-il produit ? Dans un sombre craquement, les escaliers s'effondrèrent. Elle cria et tenta de se recroqueviller. Un mouvement attira son attention. Elle se plaqua au sol, par réflexe. Une silhouette jaillit, nimbée de flammes. Avec horreur, Andora crut reconnaître une prêtresse. La femme s'agita, tourna, hurla... en vain. Le feu l'enveloppait déjà en un linceul ardent. Paniquée, l'enfant recula vivement. Avant de buter contre un objet.

Un corps.
Calciné.
Hector.
Hurlant de toutes ses forces, Andora tenta de s'extraire de la maison. Elle rampa aussi vite qu'elle put, s'écharpant les genoux et les coudes. Sa petite taille joua à son avantage, et, après s'être glissée sous les débris de la porte, elle put enfin atteindre l'extérieur. Son visage était noir de suie et ses membres saignaient, mais à part ça, elle était intacte. Ce qui était loin d'être le cas des autres. Alors qu'elle pensait être sortie de l'enfer, Andora se rendit compte avec effroi, qu'elle venait en fait d'y rentrer.

Sa demeure n'était plus qu'un immense brasier. Autour d'elle, des hommes s'enfuyaient, devenus de véritables torches humaines. Partout où son regard se posait, ce n'était que terreur et souffrance. L'incendie se propageait facilement, favorisé par la proximité des maisons. Déjà, les habitants tentaient de faire la part du feu mais, en l'absence des secours, l'action prit trop de temps et le brasier les rattrapa. Si cela continuait ainsi, c'est toute la ville qui allait flamber.

Que s'était-il donc passé ?
Fouillant dans sa mémoire, Andora s'affaira à recoller les morceaux. Elle se rappelait l'eau froide, le cri silencieux de ses poumons et puis... Et puis quoi ? Cette soudaine impression de liberté, la joie d'être en vie, l'horreur de... Un éclair de compréhension la traversa.

Non, cela ne se pouvait.
Elle releva la tête.

« C'est moi », ne put-elle s'empêcher de penser. « C'est moi qui ai fait ça ».

Impossible et pourtant... Elle ne pouvait ignorer la légèreté de son cœur, débarrassé d'un poids trop lourd pour lui. Elle devait se rendre à l'évidence : le brasier qui brûlait en elle était sorti.
Et il se consumait maintenant sous ses yeux.

Écrasée par la culpabilité, effrayée par les flammes qui tutoyaient le ciel, Andora fit la seule chose qu'elle savait vraiment faire.
Elle fuit.