Chapitre 6

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Des flammes. Rose, rouges et orange. Des flammes immenses, montant toujours plus haut. Andora les admirait. C'était un spectacle magnifique. Le bois grinça avant de s'effondrer dans une gerbe d'étincelles dorées. Elle poussa un petit cri de joie et tapa dans ses mains. Elle était heureuse ! La fumée montait en un nuage noir et dense sans pour autant l'étouffer. Elle ne craignait rien, et elle le savait. Autour d'elle, le feu continuait son festin, dévorant terre, écorce et chair.

Si le sommeil fut facile à trouver, en revanche, le repos, lui, se fit attendre. Andora se réveilla en sursaut après seulement une heure. Elle respirait par à coups, couverte de sueur. C'était un cauchemar. Seulement un cauchemar. Une odeur d'encens et de cuir flottait dans l'air. Elle mit quelques secondes à rassembler ses souvenirs et à reconnaître les lieux. La roulotte, les saltimbanques... tout lui revint en mémoire avec plus ou moins de précisions. Elle poussa un long soupir, et tenta de calmer les battements effrénés de son cœur.

Elle avait cédé. Elle s'était endormie et la chose en avait profité. Elle fit une brève inspection. La caravane n'avait pas bougé, les malles étaient restées à leur place. Rien n'était en cendre. Cela la rassura, un peu. Malgré la sueur et la fraîcheur de la nuit, elle avait chaud. Elle se glissa dehors, le plus discrètement possible. Le vent l'enveloppa aussitôt, apportant avec lui une odeur de cendre. Elle se figea avant d'apercevoir plus loin, les restes du feu de bois. Son rêve lui revint alors. Les images s'imposèrent à son esprit, fortes et violentes. Elle frissonna en repensant à l'incendie et à ses flammes monstrueuses. Plus que le feu, c'était son exultation devant la scène qui l'effrayait. Elle revoyait parfaitement l'horreur dans les yeux des enfants, les arbres devenus torches de lumière et les roulottes... La terreur s'empara d'elle. Il n'y avait pas de roulotte à Arradon. Ce n'était pas un souvenir qui l'avait habité cette nuit. Pourtant rien n'avait changé dans le campement. Alors quoi ? Une prémonition ? La chose la prévenait-elle de ce qu'elle comptait faire ? Si c'était le cas, elle ne devait pas demeurer ici.

Sa décision prise, Andora se coula sans bruit entre les différentes roulottes. La nuit s'achèverait bientôt, déjà le ciel se colorait de rose. Elle n'avait plus que quelques minutes d'obscurité. Elle rampait à même le sol quand un éclat de voix la surprit. Ces gens ne dormaient donc jamais ? Soucieuse de ne pas se faire répéter, elle ralentit l'allure mais tendit l'oreille.

- Les incendies sont courants pendant la saison des fruits, maugréa une femme.

- Oui mais quand même ! Les quartiers Est et Sud sont partis en fumée. Et la moitié du centre ville également !

Andora crut reconnaître la voix de la conteuse, ainsi que celle de Thibault, l'homme l'ayant ramenée. Mais plus que les interlocuteurs, c'est le sujet de la conversation qui l'intéressa.

- Les dégâts sont considérables ! insistait l'homme.

Nouveau grognement et un bruit de toux. Une odeur suave de tabac filtrait sous le sol de la caravane, saisissant Andora à la gorge. Elle plaqua sa main contre sa bouche. Une troisième voix s'éleva, celle d'une femme plus jeune.

- Et la petite ? Que sait-on d'elle ?

- Elle dit s'appeler Enora. J'avoue ne pas avoir poussé l'interrogatoire.

- Et toi Grandma ? Elle t'a dit quelque chose ?

Silence. Puis :

- Non. Elle était épuisée. Je l'ai laissée dormir.

- En tout cas, ça ne nous dit toujours pas ce qu'on va faire d'elle !

- On ne peut tout de même pas la laisser !

AndoraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant