Chapitre 5

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La lune avait depuis longtemps pris place sur son trône d'ombres et de lumières quand Andora s'effondra. Elle avait erré toute la journée et une bonne partie de la nuit. Les remparts d'Arradon avaient disparu depuis de longues heures mais ce n'était pas encore suffisant. Elle voulait mettre le plus de distance possible entre son crime et elle, comme si l'éloignement pouvait l'effacer, du moins en partie.

Meurtrière.
Le mot tournait en boucle dans sa tête.
Meurtrière.
Combien de vies avait-elle prises ? Celle d'Hector, celle de la prêtresse, probablement celle d'Adrian aussi. Et de combien d'autres encore ? Malgré la faim et le sommeil, Andora ne s'était accordé aucune pause. La peur seule la motivait. Car la chose était revenue. Elle ne s'était plus manifestée depuis « l'accident » mais Andora la sentait pulser en elle, tel un second cœur.
Allongée dans l'herbe humide, elle luttait pour ne pas fermer les paupières. Elle ne voulait pas relâcher sa vigilance. Elle le pressentait : si elle cédait, la chose allait revenir. Et tout détruire. Un vent froid fit voler ses cheveux, et frissonner son corps. Elle resta ainsi le temps d'une éternité, calquant sa respiration sur les chants des grillons.
Un bruit de pas l'alerta. D'instinct, tous ses muscles se tendirent. Du moins essayèrent. En réalité, c'est à peine si elle eut la force d'ouvrir les yeux. L'esprit embrumé, elle tenta tant bien que mal d'analyser la situation. Plusieurs hommes s'approchaient, la plupart étant à cheval. Des soldats ? Peut-être la cherchaient-ils? Une vague de panique la gagna, rapidement refoulée. Après tout qu'importe. Elle était une meurtrière. Elle méritait le sort qui l'attendait. Résignée, elle ferma les yeux.

- Wouah ! Qu'est-ce que c'est que ça ?

Dans l'obscurité, l'homme n'avait vu la silhouette de l'enfant qu'au dernier moment. Il tira violemment sur les rênes, obligeant sa monture à bifurquer. Aussitôt, des voix se firent entendre, moqueuses.

- Et le vieux ! Qu'est-ce qui t'arrive ? Tu as tellement bu que tu ne sais plus monter à cheval ?

- Arrête ! Il a dû voir un escargot, et il fait un détour pour l'éviter !

- C'est ça ! Moquez-vous ! cracha le vieux. Y a qu'y a une drôle de bestiole qui a fait peur à cette pauv' Misty. Regardez la ! La pauv' bête est toute tremblotante !

- Elle tremble tout le temps ta bestiole ! Ça ne veut rien dire !

Les éclats de rire reprirent. Vexé, l'homme s'énerva.

- Ben moi, je l'échangerai contre rien au monde la Misty ! Elle au moins elle m'écoute et elle ne rechigne jamais à travailler ! J'en connais un ou deux qui devraient prendre exemple sur elle, tiens !

- Allons, t'énerve pas ! On disait ça pour rire nous ! Tu sais bien que ta Misty on... Hé ! Mais c'est quoi ce truc ?

Sans prêter attention au sourire satisfait de son comparse, l'homme mit pied-à-terre et s'approcha. Andora sentit la terre trembler sous son pas.

- Et les gars ! Il y a vraiment quelque chose !

- Quoi ?! Mais bien sûr qu'il y a quelque chose !

Ignorant les indignations du vieux, trois autres hommes descendirent.

- Qu'est-ce que c'est ?

- Je crois que c'est une gamine.

- Hein ?!

Soudain inquiets, ils reculèrent. Le premier les regarda, perplexe.

- Du calme ! Elle respire.

- Tu es sûr ?

- Manquerait plus un cadavre pour finir de nous enterrer !

- Tu l'as trouvée tout seul, celle-là ?

AndoraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant