Chapitre 10

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L'été était maintenant bien entamé. Déjà, les branches pendaient, alourdies par le poids de nombreux fruits, dont le lourd parfum se répandait dans les ruelles. Du lever du soleil jusqu'au crépuscule, les merles et les mésanges se disputaient dans d'interminables concerts. Chassée de son toit par un pinson surexcité, l'une d'entre elles vint trouver refuge sur le rebord d'une fenêtre. Enfin seule, elle gonfla son poitrail, prête à libérer le chant qu'elle avait mis toute la nuit à concocter... Quand une pomme lui frôla le crâne. Effrayée, elle repartit à tire d'aile, piaillant de protestation.

- Andora...

- Bah quoi ? Ce n'est pas toi qui dois supporter leurs cris à longueur de journée !

- Ce n'est pas une raison pour l'assommer avec ma pomme !

L'enfant haussa les épaules avant de détacher un morceau d'orange qu'elle enfourna. Le jus acide se déversa dans sa gorge. Elle en apprécia le goût sucré et la sensation de fraîcheur avant d'en prendre un nouveau bout. En face d'elle, Calio la regardait d'un air sévère.

- Quoi?

- Je n'ai plus rien à manger maintenant ! 

Elle soupira.

- Tu n'as qu'à aller chercher autre chose en cuisine !

Le jeune homme bougonna une réponse mais ne bougea pas. A la place, il sortit un livre. Amusée, Andora lui jeta un bref coup d'œil. Leur relation avait grandement évolué au cours de ces derniers jours.
Il avait tenu sa promesse et était resté toute la nuit à ses côtés. Il avait ensuite réédité son action le lendemain, puis le jour suivant. Mais ce rythme avait fini par l'épuiser, aussi s'étaient-ils mis d'accord pour partager leurs temps de sommeil : il venait en début de soirée, et repartait vers minuit, afin de se reposer à son tour. Malgré ses nuits incomplètes, Andora allait mieux. Les rêves d'incendie ne venaient plus la hanter. Doucement, elle reprenait des forces.
Elle mordit dans l'orange, et reçut une giclée acide dans l'œil.

- Aïe!

Elle s'essuya rapidement. Calio, qui s'était retourné en l'entendant gémir, reprit sa lecture. Il passait son temps dans les livres. A chaque fois qu'il venait la voir, il avait un ouvrage différent. Andora pencha la tête, curieuse. Le jeune homme l'intriguait. Et plus ils passaient du temps ensemble, plus ce sentiment s'intensifiait.
Le lendemain de leur premier entretien, Tinaïg lui avait expliqué qu'il n'était pas soigneur mais qu'il aidait simplement au ménage et à la cuisine. Ce premier fait avait intrigué Andora cependant elle n'avait pas cherché à en savoir davantage. Elle avait également remarqué qu'en dehors de la femme, pratiquement personne dans l'équipe médicale ne s'adressait à lui. Au contraire, les autres soigneurs avaient plutôt tendance à l'éviter. Une fois encore, elle ne s'en était pas formalisée. Du moment qu'il l'aidait, elle se moquait du reste.
Elle ne savait toujours pas pourquoi il avait décidé de s'intéresser à elle, tout comme elle ne savait pas pourquoi elle lui avait donné son vrai prénom. Mais elle ne regrettait rien. De toute manière, elle devait se trouver à des lieux d'Arradon. Personne ne la reconnaîtrait ici.

Calio tourna une page, la sortant ainsi de sa rêverie. Il n'avait pas bougé. Andora le fixa, espérant ainsi obtenir une réaction de sa part. C'est à peine s'il cilla. Vexée, elle gonfla les joues. Soit il était vraiment absorbé par son livre, soit il l'ignorait complètement. Elle ne sut quelle hypothèse elle préférait. Elle pencha la tête, de façon à pouvoir voir la couverture de l'ouvrage.

- Qu'est-ce que tu fais ?

Elle sursauta. Calio n'avait pas bougé, il n'avait même pas levé les yeux. Inquiète, elle regarda autour d'elle. Soupirant, le jeune homme posa son livre.

AndoraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant