Kitaichi IV

922 87 147
                                        


Les jours qui suivirent passèrent trop rapidement pour que Tobio en ait conscience. Depuis le petit incident et l'infirmerie, il se trouvait trop perturbé pour vraiment voir le temps s'écouler, constamment plongé dans ses pensées... lesquelles étaient toutes tournées vers Oikawa.

Le petit moment qu'ils avaient passé à deux hors du terrain n'avait fait que révéler quelque chose d'enfoui depuis trop longtemps, il en avait conscience. Il avait beau avoir vu Oikawa de très près ce jour-là, il n'avait pas attendu de revenir dans le passé pour se dire que son rival attitré était tout de même extrêmement attirant. Mais alors, à quel moment ce genre de pensées avait-il supplanté la pure et simple admiration sportive ? A quel moment de sa vie, de celle-ci ou de l'autre, Tobio avait-il fini par voir autre chose que des mains pour servir et pour passer, et s'était rendu compte qu'il y avait un charmant jeune homme de l'autre côté des capacités qu'il prisait ?

Il essayait désespérément de se rappeler. L'Oikawa de terminale ne l'avait jamais laissé indifférent, c'était sûr... Et sur d'autres plans que le volley. Kageyama avait beau s'être dit que c'était surtout le joueur qu'il voulait observer, faire la route jusqu'à Aoba et rester planqué dans les buissons pendant deux heures en se faisant manger par les insectes relevait d'une motivation un peu plus ardente que la beauté d'un match de volley. A l'époque, il devait le savoir, le sentir, sans vouloir vraiment se l'avouer, sans oser trop poser de mots dessus, tant il aurait été malheureux de tomber amoureux de quelqu'un qui ne lui rendrait jamais.

Mais voilà. Maintenant qu'Oikawa le regardait, lui parlait volontiers, l'aidait et se montrait amical et bienveillant envers lui, ses dernières réticences à affronter la vérité avaient dû s'effondrer. Que ce soit celui du collège ou du lycée, ça restait Oikawa-san, et Kageyama avait des sentiments pour lui... Et ils ne l'avaient jamais autant dominé que quelques jours plus tôt. Impossible de continuer à nier désormais.

Penser à ce genre de choses entraînait souvent des maux de tête atroces. Est-ce qu'il était tombé amoureux de l'Oikawa qu'il avait toujours connu, dans son autre existence ? Ou son affection n'était-elle possible que parce qu'il était avec cet Oikawa-ci en particulier, celui qui était gentil avec lui ? Qui aimait-il vraiment entre les deux, si tant est qu'on puisse les considérer comme deux personnes distinctes ?

Et puis... Même dans l'éventualité où il aurait déjà eu un faible pour Oikawa dès l'époque de son premier collège, il doutait fort que ça se soit approché de ce qu'il ressentait à présent. A ses douze ans, ses vrais, il ne dissociait sûrement pas admiration et... quelque chose se rapprochant plus de l'amour. A présent que la puberté était entamée, dans sa tête en tout cas, le dilemme était plutôt entre amour et désir, et ça changeait beaucoup –surtout quand on avait le physique d'un enfant encore tout ce qu'il y a d'innocent.

Il ne pouvait partager ses pensées à personne, et surtout pas à Kindaichi et Kunimi. Le tout, c'était qu'on ne perce pas son secret à jour... enfin, son double secret, désormais. Il ne savait pas vraiment ce qui était le plus étrange, d'avoir voyagé dans son passé, ou d'avoir développé des sentiments amoureux pour Oikawa Tooru.

Les entraînements, en conséquence, ne manquèrent pas de donner lieu à des moments embarrassants. Ainsi, une fois qu'il faisait preuve d'une nullité absolument totale à la passe, Oikawa finit par prendre ses mains pour lui montrer comment il devait les positionner pour bien prendre la balle –quelques centimètres au-dessus de la tête, doigts suffisamment écartés et légèrement repliés, formant un triangle avec ses pouces et index. Le capitaine mit un point d'honneur à ajuster lui-même ses poignets et chacun de ses doigts comme il fallait, et Tobio avait l'impression de se liquéfier un peu plus chaque fois qu'il le touchait.

Fais un vœuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant