Kageyama n'avait pas envie de sortir de son lit.
Il éteignit son alarme d'une main agacée, feignant de ne pas voir la date : jeudi, jour fatidique, préférant se concentrer sur le message de bonjour d'Oikawa. Si tout se passait bien, c'était le dernier qu'il aurait, et la pensée acheva de miner son réveil.
Il s'habilla lentement, songeant à moitié que ce voyage lui aurait au moins permis d'apprendre à faire les nœuds de cravate, et se contempla encore une fois dans l'uniforme d'Aoba. Il lui allait parfaitement, pas d'hésitation là-dessus ; mais retrouver la couleur noire caractéristique de Karasuno lui ferait du bien aussi. Et puis... là-bas, il n'était pas blessé. Il testa son poignet, mais la douleur était toujours aussi présente, devenue sa compagne depuis les dix jours qu'il se trouvait ici.
Même en sachant que ce n'était pas l'univers auquel il appartenait et qu'il sentait ne pas avoir le droit ou le mérite d'en profiter, il ne pouvait s'empêcher de s'en imprégner. Parler, rire avec Kindaichi était tellement naturel, par rapport aux échanges brefs et glaciaux qu'ils avaient dans son monde ; et il ne savait pas s'il était lui-même dans ces moments, ou s'il n'avait fait que se fondre dans un comportement étranger.
-Un salon de thé a ouvert pas loin, s'enthousiasmait Kindaichi ce jour-là. Je suis sûr que Kunimi voudra y aller. On a qu'à l'y emmener pour son anniversaire !
-C'est dans plus d'un mois... On peut y aller la semaine prochaine.
La semaine prochaine que je ne verrai jamais.
-Ouais, bonne idée ! C'est à côté du centre commercial, tu vois où ?
La matinée passa vite, et ils attendirent Kunimi dans le couloir quelques minutes pour aller manger tous ensemble. Le club de volley prenait toujours la même table, dans un coin de la cafétéria, ronde et faite pour huit, mais où ils glissaient des chaises et se serraient pour passer à plus de dix. Les première étaient déjà installés, mais les attendaient visiblement pour commencer à manger, et les terminales les rejoignirent dans la queue.
Oikawa lui glissa une main derrière la nuque pour l'embrasser, et Tobio se laissa faire, habitué ; ce qui n'était toujours pas le cas de Kunimi qui soupira lourdement, et Iwaizumi eut la décence d'attendre qu'ils s'écartent pour asséner une tape sur le sommet du crâne de son capitaine.
-Quoi, Iwa-chan ? protesta Oikawa en arborant une moue boudeuse.
-Pudeur, grommela Iwaizumi.
Oikawa n'y répondit que par un large sourire éclatant, et ils se chamaillèrent jusqu'au moment de prendre leurs plateaux. Ils s'assirent ensuite tous ensemble –comme à leur habitude, Tobio et Oikawa côte à côté, Kindaichi et Iwaizumi les encadrant en leur qualité commune de meilleur ami, Kunimi, Makki et Mattsun plus à l'extérieur. Les terminales se mirent à discuter ensemble des examens finaux qui approchaient, tandis que Kindaichi relançait le projet du salon de thé ; Kunimi semblait charmé par l'idée, et ils commencèrent à s'organiser pour y aller ensemble pendant la semaine suivante.
La discussion se termina sur le projet de la soirée –aller voir la pluie d'étoiles filantes tous ensemble, exactement comme dans l'autre univers. Ils se donnaient rendez-vous au même endroit, dans la plaine où Tobio avait vu pour la dernière fois Karasuno, et il sentit l'angoisse monter en songeant à ce que ça impliquait.
L'après-midi passa trop vite, et il songeait amèrement que ce serait ses seconds adieux à Kindaichi et Kunimi –devait-il, comme autrefois à Kitaichi, leur affirmer son amitié et la joie qu'il avait de les connaître aussi bien, dans cet univers ? de toute façon, si tout se passait comme prévu, cette dimension s'effacerait d'elle-même après son retour à Karasuno –et cet Oikawa tellement aimant, tellement aimable, ces amis modèles qu'il avait... tout cela serait réduit à l'état de souvenirs, jusqu'à ce qu'un jour, Tobio finisse par se demander s'il n'avait pas simplement rêvé tout ça.

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Fais un vœu
Fanfiction"Si seulement j'avais une chance de revenir en arrière. De faire les bons choix". Kageyama sentit l'appréhension l'étreindre quand il franchit les grilles de Kitagawa Daiichi. Le lieu ne lui laissait pas de très bons souvenirs... Mais ces souvenirs...